En Macronie, on est à deux doigts de préférer Le Pen à Mélenchon

Lors de la séquence « contre-réforme des retraites », toute la Macronie s’est mise en ordre de bataille avec une cible politique unique : la gauche. Feignant de ne pas voir le danger, car à diaboliser la gauche, c’est l’extrême droite que l’on dédiabolise un peu plus.

En 2017, il se disait qu’Emmanuel Macron ne serait pas, à l’instar de son prédécesseur, à la tête d’une « présidence bavarde ». La suite démontra le contraire et, aujourd’hui, le locataire du 55 inonde la presse de « offs ». Ainsi le 22 mars, cité par Le Canard enchaîné : « Que l’extrême gauche joue la politique du pire, c’est logique. Ils rêvent de se retrouver face à l’extrême droite, plutôt que face à des partis démocratiques et modérés. »

Prenons le président de la République au mot. Dans ce cas, que penser des citations suivantes ?

 

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Jusqu’à quand Darmanin va-t-il pouvoir agir et mentir en toute impunité ?

 

  • « Elle [Marine Le Pen, ndlr] a été bien plus républicaine que beaucoup d’autres », dixit Olivier Dussopt en février dernier, ces « autres » étant « une partie de la gauche ».
  • « Jean-Luc Mélenchon, c’est la grande confusion, la grande destruction. C’est toujours contre la République qu’il s’exprime », avance Clément Beaune, ministre des Transports, sur LCI le 28 mars.
  • « Madame Le Pen est incontestablement plus intelligente politiquement que Monsieur Mélenchon », estime Gérald Darmanin au micro de RTL ce 29 mars. Le ministre de l’Intérieur va plus loin, accusant Jean-Luc Mélenchon d’être « en train de rendre possible l’élection de Madame Le Pen », ce qui reviendrait à choisir « entre la peste et le choléra ».
  • « Madame Le Pen, dans sa stratégie de dédiabolisation, en vient à être un peu molle. Faut prendre des vitamines, vous n’êtes pas assez dure », lançait ce même Darmanin, en février 2021.

À ce jeu-là, on peut toujours compter sur le soutien du patronat qui, de la bouche du président du Medef, expliquait tranquillement ce 28 mars que le RN au pouvoir est « un risque nécessaire » pour satisfaire nos créanciers..

En rouge et brun, drapeau de mes colères

Le Pen, meilleure que Mélenchon ? Cela signe un tournant dans la Macronie, qui jusqu’à lors, était plus encline à mettre un signe égal entre les deux « extrêmes ». Notamment quand les deux camps de l’opposition votaient de concert. Voyez donc…

Déjà en 2019, Jean-Michel Blanquer évoquait un « axe Le Pen-Mélenchon » et Gabriel Attal une « alliance rouge-brun ». Plus récemment, en 2022, Olivier Véran dénonçait la « fusion fraternelle » entre la Nupes et le RN, quand le député Sacha Houlié s’interrogeait, ironique : « Et bientôt le programme commun ? » Pourtant, c’était bien Renaissance qui permettait au RN d’obtenir deux postes de vice-présidents au Palais Bourbon, offrant ainsi à l’extrême droite une première historique : la possibilité de présider l’Assemblée nationale.

Dans la même veine, la ministre Olivia Grégoire (avouez que vous ignoriez qu’elle était ministre) tweetait : « Entre le rouge et le brun, il n’y a pas 50 nuances de différences. Les deux côtés d’une même pièce », reprenant un tweet de Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance : « Nous pensions que les digues sauteraient d’abord entre la droite et l’extrême droite. Mais ce soir, c’est bien l’extrême gauche et la NUPES qui franchissent une nouvelle étape dans leur lune de miel avec les Lepénistes. Inédit et indigne ! »

La première partie du tweet de Séjourné mérite que l’on s’y arrête un instant. Car « la droite », aujourd’hui, est largement dominée par son parti Renaissance. Les Républicains peinent à conserver leur place, devenant une sorte de PRG pour Emmanuel Macron. Et si ça tangue chez LR, ça n’est pas forcément pour ou contre le RN, mais pour ou contre le Président. A contrario… Que penser des accusations, principalement proférées par la cheffe de file des députés macronistes Aurore Bergé, arguant que le RN et la Nupes votent main dans la main contre la majorité relative présidentielle – comme si cette majorité ne votait jamais rien comme le RN –, alors même que cette majorité consigne des amendements avec l’extrême droite ?

N’est-ce pas Emmanuel Macron qui qualifie les manifestants de « factieux », comparant le mouvement social à la tentative de coup d’État sur le Capitole américain en janvier 2021, soutenue par Donald Trump ? Le chef de l’État semble avoir complètement oublié à qui il doit son élection, sa réélection, ce vote qui, jadis, l’« obligeait ». Le barrage est-il devenu un adversaire à ses yeux ?

Ou, comme l’écrit Jonathan Bouchet-Petersen dans Libé : « Quand les macronistes disqualifient « les extrêmes » en mettant grossièrement LFI et le RN dans ce même sac, c’est l’extrême droite qui y gagne en respectabilité. Un jeu à la fois malhonnête et dangereux qui exonère le pouvoir de tout examen de conscience. » L’histoire désignera les comptables.

 

Loïc Le Clerc

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