TRIBUNE. Robert Badinter est déjà au panthéon des avocats

RB

L’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand est mort le 9 février dernier. Et déjà d’aucuns souhaitent le « panthéoniser ».

Dans la nuit du 8 au 9 février 2024, l’une des dernières et plus vives étoiles humanistes du monde judiciaire s’est éteinte. Homme de tous les combats : abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité – qu’il partageait notamment avec Gisèle Halimi –, instauration de la reconnaissance du recours individuel devant la CEDH… L’héritage qu’il laisse est colossal. L’une des nombreuses forces de Robert Badinter est d’avoir traversé les années sans jamais se renier. Il ne s’est pas perdu, comme tant d’autres, dans les écueils de l’exercice du pouvoir, ayant pourtant exercé en tant que Garde des Sceaux ou encore président du Conseil constitutionnel. Ses convictions sont restées intactes et l’œuvre qu’il laisse, notamment à travers ses nombreux écrits, dont L’abolition, ouvrage de référence pour étudiants en droit qui offre le récit de son combat contre la peine de mort, obéit à une forme de continuité si difficile à atteindre.

Pourtant, les modifications législatives entraînées par ses engagements ne s’imposaient pas avec évidence, tant l’opinion, en particulier sur la question de la peine de mort, pouvait se rétracter. C’est bien dépit des sondages que François Mitterand, alors candidat à la présidence de la République, annoncera le 16 mars 1981 : « Dans ma conscience, je suis contre la peine de mort et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire »

Robert Badinter a réussi la prouesse de combiner ses engagements profonds avec son exercice professionnel, en poursuivant des combats emblématiques. Il combine simultanément un héritage de praticien du droit et un sillon pour les générations d’avocats et demeurera, à n’en pas douter, une référence universelle intemporelle. Les combats sont encore nombreux alors que, chaque jour, la place des libertés individuelles et collectives se réduit et que le rôle des avocats est de plus en plus fragilisé, notamment fondu dans la virtualisation des procédures. 

Bien sûr, les époques ne sont pas les mêmes, les conditions d’exercice et sociales non plus, mais Robert Badinter nous oblige à élever le débat. Il nous invite à la constance et à penser l’exercice du droit comme étant multidimensionnel. Il nous révèle une voie qui est la garantie de la persistance du rôle décisif des avocats : toujours garantir le contradictoire, prendre parfois le parti de l’opposition, contre les juges ou l’opinion publique, mais surtout toujours poursuivre ses convictions. Son héritage, historique, nous invite également à résister à toutes les tendances de notre époque qui étouffent les discours construits et argumentés au bénéfice d’expressions rapidement formulées. 

Sauf désaccord de la famille, il serait inenvisageable que Robert Badinter ne soit pas « panthéonisé ». En effet, ce dernier fait assurément partie des « grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale » et il appartient au chef de l’État de le proposer, conformément aux règles applicables en la matière. 

Cette « panthéonisation » ne sera cependant que le prolongement de celle qui s’est déjà opérée dans l’esprit de la plupart d’entre nous. Nous avons été nombreux à ne pas le connaître en exercice, et j’en fais partie, mais il a toujours agi comme un élément moteur exemplaire. Si la profession est endeuillée, c’est aussi parce qu’elle perd l’un de ses membres les plus éminents d’une extraordinaire rareté. Sa disparition pousse à une nécessité de relève, alliant les évolutions de notre temps avec la puissance des idées. 

L’hommage qui doit lui être rendu doit aussi être l’occasion de maintenir ce fil qui rend les avocats si indispensables dans notre démocratie. Ce propos n’est pas corporatiste, mais alerte exclusivement sur la tentation qui consisterait à remiser au Panthéon la force des engagements pour les emmurer, voire les fouler au pied. La logique doit au contraire être celle du dynamisme dans l’empreinte de celui qui restera éternellement abolitionniste de la peine de mort.

4 commentaires

  1. Berthelot Jacques le 13 février 2024 à 13:50

    Comme disait si bien Brassens ;

     » Il est toujours joli, le temps passé
    Un’ fois qu’ils ont cassé leur pipe
    On pardonne à tous ceux qui nous ont offensés
    Les morts sont tous des braves types »

    « En 2015, lors des débats autour de la loi El Khomri, Robert Badinter co-écrit avec Antoine Lyon-Caen une tribune publiée dans Le Monde, dans laquelle il appelle à refonder les principes du droit du travail, dénonçant un Code du travail « obèse », qui « ne protège ni l’entrepreneur ni le salarié » et « crée de la crainte, donc du chômage ». Une initiative « saluée » par le président du Medef d’alors, Pierre Gattaz.

    En 2016, le premier ministre Manuel Valls commande ainsi à Badinter un rapport sur le droit du travail, qui, sous couvert de définir les « principes essentiels » du droit du travail, ouvre en réalité une porte dans laquelle le gouvernement va s’engouffrer pour faire passer l’une des lois les plus antisociales du gouvernement Hollande. Tout en prétendant défendre les 35 heures et le CDI, le rapport énonce, dès son premier article, que des limitations peuvent être apportées aux droits des salarié-e-s « si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Une formule martelée tout au long du texte, et qui permettra de justifier, entre autres, toutes les dérogations concernant la durée du temps de travail, et l’inversion des normes, qui fait primer les accords d’entreprises sur la loi générale, mesures introduites par la loi El Khomri. »

    • Michel Davesnes le 17 février 2024 à 16:26

      L manque de culture politique et de mémoire à Regards est atterrant.

  2. Michel Davesnes le 16 février 2024 à 12:45

    Vous oubliez de dire que Badinter, comme Catherine Tricot dans ses petites vidéos avec Pablo, ne ratait jamais une occasion de taper sur les insoumis, qu’il qualifiait d’antisémites, à l’instar de la droite. Mais bon, pour vous ce n’est sans doute pas très grave.

  3. Cyrano 78 le 19 février 2024 à 20:22

    En parlant d’antisémitisme et de terrorisme !!

    Je note que Badinter a défendu les terroristes du FLN, ce qui lui a fait de la publicité durant la guerre d’Algérie lesquels terroristes avaient tué des pieds-noirs (dont je suis) donc des français.

    je note que Badinter reproche à LFI de défendre le Hamas parce qu’ils sont des terroristes !!
    Donc ou Badinter a vieilli ou la religion des victimes du terrorisme est déterminante pour lui .
    2 poids, 2 mesures une seule solution le racisme !!!

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