Six mois après le 7-Octobre, avoir raison avec Arié Alimi

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Comment sortir de l’horreur de Gaza, tout en évitant un campisme absurde ? C’est au fond ce que propose l’avocat, dans une articulation de l’intime et du politique, autour de valeurs « toutes simples » : la vie, la paix.

« Au regard de nos valeurs humanistes, les victimes palestiniennes et les victimes israéliennes devraient susciter la même indignation. » Dans un entretien au journal Le Monde, l’avocat Arié Alimi exprime avec pudeur son désarroi et son obstination à ne pas déroger des nécessaires convictions humanistes.

Sa détermination lui avait valu, il y a peu, la hargne absurde d’un Frédéric Lordon qui, brocardant allègrement « l’humanisme bourgeois », plaçait Arié Alimi du côté de Bernard-Henri Lévy, d’Emmanuel Macron et de Léa Salamé ! Au même moment, Jérôme Guedj se faisait huer lors d’un rassemblement exigeant la libération des otages du Hamas. Haro sur les « tièdes » : dans le monde tel qu’il est, chacun doit choisir son camp !

Tout se passe comme si, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, un seul choix était possible : la valise ou le cercueil. L’Algérie du début des années 1960 a été confrontée à ce dilemme et, d’une certaine façon, elle continue d’en payer le prix. A contrario, l’Afrique du Sud de Nelson Mandela et de Frederik de Klerk a échappé au choix meurtrier. Elle n’est certes pas débarrassée des séquelles de l’apartheid colonial, mais elle a réussi à ne pas ajouter du drame à la tragédie.

La paix, vous connaissez ?

C’est aux peuples israélien et palestinien de trouver enfin la voie d’un apaisement partagé. Yasser Arafat et Yitzhak Rabin s’y sont essayé, il y a trois décennies. Le second a été assassiné et le premier a été peu à peu isolé, parmi les siens comme dans l’arène internationale. Ils indiquaient pourtant la seule solution possible, hors l’exode ou le génocide. Si l’on ne veut ni de l’un ni de l’autre, il faudra bien que les Israéliens se convainquent de la folie criminelle des va-t-en-guerre qui les gouvernent et de l’impasse totale de la politique de colonisation. Quant aux Palestiniens, ils devront bien admettre que les Israéliens ont le droit de vivre en paix sur la terre qu’une histoire longue et cruelle a instituée en refuge contre la haine universelle.

Ils décideront de leur sort. Mais il est du devoir des sociétés civiles du monde entier de peser à l’échelle internationale pour que la piste de la sagesse devienne enfin possible et que l’esprit de Nelson Mandela l’emporte sur tous les vents mauvais.

L’extrême droite belliciste d’Israël a la responsabilité première, par son obstination colonisatrice et son mépris des Palestiniens. Mais la communauté internationale est responsable de ses inactions, de ses hésitations, de ses revirements. Quant à la France, elle a fauté par son incapacité à poursuivre fermement la voie esquissée par le général de Gaulle après la guerre des Six Jours, en 1967.

On peut condamner sans ambages les crimes commis par le Hamas et clamer haut et fort que doit cesser immédiatement le massacre perpétré sur la population gazaouie. Et honte à ceux qui acceptent l’inacceptable !

La gauche ne peut pas rester déchirée comme elle l’est aujourd’hui. Il existe pourtant un rapprochement possible, hors de tout cynisme de realpolitik. On peut à gauche s’accorder sur deux affirmations simples :

  • 1. Aucun combat émancipateur ne peut recourir à des méthodes qui contredisent de façon absolue ses valeurs humanistes fondamentales : rien ne légitime les crimes de masse sur des civils ou les violences faites aux femmes. Rien ne justifie donc que ces actes ne soient pas condamnés, ni qu’ils soient relativisés.
  • 2. On ne peut tolérer aucune exception au droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes, dans le strict respect du droit international. L’abandon de la colonisation est une condition majeure d’un retour à la paix ; le droit d’Israël à vivre en est une autre. La solution des deux États reste donc une clé de toute avancée. Elle semble peu réaliste aujourd’hui, mais elle est un espoir raisonnable depuis sept décennies. Elle continue d’être la petite lumière qui évite de tomber dans la plus noire des nuits.

On peut condamner sans ambages les crimes commis par le Hamas et clamer haut et fort que doit cesser immédiatement le massacre perpétré sur la population gazaouie. Et honte à ceux qui acceptent l’inacceptable !

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13 commentaires

  1. Lucien Matron le 9 avril 2024 à 03:40

    Entièrement d’accord avec le texte de Roger Martelli qui devrait être une référence pour tous les pacifistes et humanistes.

  2. Frédéric Normand le 9 avril 2024 à 10:53

    La droite israélienne porte une lourde responsabilité face à la situation actuelle. La gauche est aussi lourdement responsable, au même titre. Droite et gauche refusent absolument le principe d’un Etat palestinien. Sur ce point il y a un consensus entre les partis. Les divergences entre eux ne portent que sur les modalités, la manière plus ou moins forte, les questions secondaires. Alors il faut parler de la responsabilité de l’Etat israélien en tant que tel, qui a une vision sur très le long terme, quand il n’y aura plus qu’une minorité informe de Palestiniens entre le Jourdain et la mer.

  3. Got Michel le 9 avril 2024 à 15:11

    Roger Martelli, au lieu de citer de manière tronquée et lapidaire Frédéric Lordon, vous auriez pu citer ce passage de son billet « Sous les attendus d’une guerre de libération contre un oppresseur colonial, il y a les forces actives de la vengeance. Ce n’est pas l’invocation de principes éthiques qui pourra les modérer. La vengeance, c’est la réciprocité négative chimiquement pure, et contre la dynamique de la vengeance, il n’y a qu’un moyen et un seul : l’interposition d’un tiers — une institution — capable, elle, de produire de la condamnation, mais juridique, et de la réparation »

    • Michel Davesnes le 10 avril 2024 à 02:39

      Merci pour ce rappel. On n’est pas surpris par la malhonnêteté de l’idéologue Martelli qui, comme la plupart à Regards, ne cesse de conchier la France insoumise et les proches de cette organisation. Martelli nous fait du manuel Valls : expliquer, c’est justifier.

  4. José Ruiz le 9 avril 2024 à 17:24

    Shlomo Sand par son travail d’historien démontre dans son ouvrage
    « Comment le peuple juif fut inventé » qu’il en est des Juifs comme des Chrétiens ou des Musulmans.
    Il s’agit tout d’abord d’une religion qui repose sur un texte mythique : la bible. Cette religion comme
    toutes les autres, y compris les sectes, est prosélyte et elle a su tout au long de son histoire attiré des
    croyants en Europe, Asie Afrique… Lesquels n’ont rien de commun avec ceux qui vivaient il y plus de
    2000 ans en Palestine.
    Ceci remet en cause la légitimité des Juifs d’aujourd’hui à revendiquer au nom de leurs ancêtres le
    territoire de la Palestine historique.
    Il faut toutefois reconnaître que le judaïsme fut la première religion monothéiste 700 ans avant notre
    ère.1
    Pouvons-nous alors remettre en cause la création de l’Etat d’Israël ? Shlomo Sand considère que sans la
    Shoah la création de cet Etat n’aurait pas vu voir le jour. Les premiers Juifs qui sont arrivés
    massivement en Palestine sont des réfugiés Polonais, Hongrois, Russes qui ont tout perdu pendant
    l’Holocauste rejetés ensuite de leur propre pays et bien souvent totalement démunis.
    Shlomo Sand utilise la métaphore du viol pour caractériser l’implantation juive en Palestine.

  5. Nicolas De Rycke le 9 avril 2024 à 19:13

    Il faut oser : se faire passer pour un grand humaniste tout en dénonçant « la hargne absurde » de celui qui ne partage pas son avis (Frédéric Lordon).
    On a tous compris, rétrospectivement pour certains, que la querelle sémantique sur le qualificatif « terroriste «  appliqué à l’attaque du 7 octobre avait pour enjeu véritable de « justifier » la réponse d’Israel à Gaza, de faire avaler la pilule d’une « réponse » tout aussi atroce mais a beaucoup plus grande échelle. Pensez donc, tout est permis….. contre des terroristes.
    Personne, comme le laisse sous-entendre l’auteur, n’a applaudi le Hamas. Ceux qui, dès le début, ont dénoncé les violences et réclamé un cessez le feu ont été en France assimilés à d’affreux islamistes parce qu’ils ont justement placé les adversaires dos à dos en préférant dénoncer des crimes de guerre dont on voit bien que les 2 partis en ont usé.
    L’article de Lordon dans le blog du monde diplomatique « Butler, Alimi et l’« éthique » » que j’invite tous les lecteurs à lire est un cri de colère et de rage contre ceux qui se réfugient derrière une pseudo éthique humaniste pour ne pas avoir à s’engager de peur d’être traités d’anti sémites. Une pseudo éthique humaniste prônant le « droit inaliénable » des Gazaouis à disposer d’eux-mêmes, du fond de leur prison à ciel ouvert, victime d’un régime d’apartheid depuis des décennies, spoliés et privés de tout. Une pseudo éthique humaniste qui résonne comme un lavement de mains… Réclamer « la vie, la paix » pour l’auteur se résume donc plutôt à : «qu’ils se demerdent ! ».

    • Got Michel le 10 avril 2024 à 10:14

      Merci de votre billet, je me permet d’ajouter la contribution de Daniel Schneidermann dans son billet du 28 mars à Arret sur images. Il évoquait l’intervention de Delphine Horvilleur qui souhaitait qu’une « conversation » puisse s’engager entre Isréliens et Palestiniens.
      «  »Je ne crois pas que la paix viendra des politiques ni des militaires, ni des historiens. Elle viendra des poètes » « tente Horvilleur. Trop tard. L’Histoire est rentrée par la fenêtre. Avant de renouer la «  »conversation » », il faudra rendre les terres. Aussi simple que ça.

      • Michel Davesnes le 10 avril 2024 à 12:36

        On ne fait jamais la paix qu’avec ses ennemis. Martelli ignore les leçons de l’histoire. Il ignore qu’avant de s’inscrire dans une démarche de paix, l’OLP d’Arafat avait dans sa charte la destruction d’Israël. C’est à Paris, pressé par Mitterrand, qu’Arafat a déclaré (en français, s’il vous plaît) que la charte était caduque.
        Martelli oublie aussi que l’ANC de Mandela, prix Nobel de la paix, était une organisation qui utilisait le terrorisme.
        Le terrorisme, c’est l’arme des pauvres, toujours injustifiable, mais malheureusement utilisée aussi bien par les intégristes que par les victimes d’une situation par trop déséquilibrée.
        Lordon a raison en parlant de notre responsabilité. Autrefois (de Gaulle, Mitterrand), nous avions une politique arabe. Aujourd’hui, nous sommes inaudibles. Et ce n’est pas les leçons de morale d’un Martelli complètement déconnecté qui y changeront quelque chose.

    • Michel Davesnes le 10 avril 2024 à 14:22

      Merci, Nicolas. Voir ci-dessous le lien vers l’article nuancé de Lordon pour ceux qui veulent le lire. Ça vaut mieux que se référer à l’interprétation malhonnête de Martelli. Au passage, Martelli, qui renvoie au texte d’Arié Alimi, n’a même pas l’honnêteté élémentaire de donner le lien vers celui de Lordon, que voici :
      https://blog.mondediplo.net/butler-alimi-et-l-ethique

  6. Jean Caballero le 10 avril 2024 à 12:41

    Il y a quand même dans tous ces articles, positions, débats…un angle mort. Le racisme total des dirigeants politiques, militaires, religieux israéliens et même de la part d’une grande majorité de la société israélienne. Ni Martelli, Alimi ou Horvilleur n’en parle, mais ils blâment tous l’antisémitisme des palestiniens et de la gauche radicale française. J’ai une grande admiration pour Arié Alimi. Comme lui je suis d’origine juive du Maghreb et je ne comprends pas son argumentation. Je ne suis pas héritier de l’anéantissement de la Shoah. Aucun membre de ma famille, de mes amis.es n’y a disparu. Je ressent dans mon corps ce qu’on vécu les juifs d’Europe, mais ce n’est pas mon histoire. Comment tous ces gens venu d’Afrique, du Moyen-Orient sont-ils, pour beaucoup, devenus racistes à l’encontre des arabes. je sais qu’Arié lutte contre cela, mais cela reste un mystère pour moi. Nos arrières grands parents parlaient arabe, vivaient dans des sociétés dominées par l’Islam mais qui n’ont jamais eu comme objectif l’anéantissement des juifs comme ce fut le cas en Europe. Si l’on veut arrêter le conflit, la colonisation, les massacres il faut imposer un État palestinien aux israéliens et protéger toutes les frontières par des troupes de l’ONU. de toute façon Tsahal est la 3ème armée du monde et les palestiniens ont des mitraillettes et des lances roquettes.

  7. Lucien Matron le 15 avril 2024 à 08:39

    Opposer les propos de Roger Martelli et ceux de Frédéric Lordon, n’a pas de sens politique stricto sensu. Au fond, ils sont d’accord sur la question de la nécessité de la Paix, seule les appréciations sur les moyens d’y parvenir sont différentes . La question de l’éthique n’a pas davantage de sens philosophique. Un type qui viole une femme ou un enfant dans une chambre d’hôtel, un cabinet médical, une loge d’artistes, ou sur un champ de bataille n’est jamais qu’un sale type. Les victimes de viols, de décapitation, de drones, de mines, d’obus, sont des victimes humaines quel que soit le lieu et quel que soit l’auteur. Le plus souvent, et très majoritairement, les victimes sont des humains innocents. Les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ( les seules armes nucléaires utilisées dans l’histoire de l’humanité), les guerres coloniales, les invasions en tout genre, les oppressions’ les attentats font ils avancer la cause de l’humanisme et de l’émancipation. Assurément, la réponse est non. Au bout d’un « jeu » sinistre d’attaque-défense, les auteurs finissent toujours par ce que Mandela appelait une «  réconciliation » et une négociation. La dignité doit retrouver toute son actualité et sa radicalité.

  8. Cyrano 78 le 15 avril 2024 à 12:27

    Ce que Martelli ne veut pas voir et qui est INTERDIT dans Libé, le Monde Médiapart

    https://fr.timesofisrael.com/israel-va-reprimer-les-rabbins-incitant-au-terrorisme-juif/

    j’ai choisi intentionnellement un texte de 2015.
    Maintenant certains vont dire que c’est antisémite de dire cela…

  9. Bdpif le 18 avril 2024 à 20:57

    Allons, allons …
    Un très bon article de Monsieur Martelli.

    « Comment sortir de l’horreur de Gaza, tout en évitant un campisme absurde ? »

    Oui effectivement, la gauche Melenchoniste se porte en héros de la Paix contre les bombardements en Palestine.
    On la traite d’antisémite, mais je ne pense pas. Je pense que c ‘est surtout parce que ce sont les USA qui sont le soutien de Israel.
    Il n’y a qu’à lire les billets de Melenchon sur le sujet. Il en reviens toujours aux USA.

    Je me suis fâché avec le courant Melanchon lors de la guerre de Syrie. Pays frontalier avec la Palestine et Israel.
    Là, c’était la Russie qui soutenait Assad. Et Melenchon il soutient les ennemis des USA.
    Donc pour les 300 000 Morts Syriens des bombardements Gouvernementaux, Russes et des mercenaires Russes Wagner, AUCUNES CONTESTATIONS. ou très légères.
    Et même pour le camp Palestinien de Yarmouk, camp de réfugiés Palestiniens en Syrie, assiégé comme les juifs en Pologne en 39, rien, un gros silence.
    Là, aucuns scandales sur les morts Palestiniens.

    Donc …
    Deux poids, deux mesures.
    Aucune logique.
    Inapte à gouverner.

    J’applaudis la phrase de Martelli = « Et honte à ceux qui acceptent l’inacceptable ! »

    Pour LFI,
    C’est pas joli et un peu populiste de récupérer le drame Palestinien Israelien pour se présenter comme des révolutionaires de la paix, et de canapé.
    L’extreme Gauche est touché par le drame palestinien ? Trés bien. Que tout ces révolutionnaires en papier vident leur compte en banque et revendent leurs biens immobiliers pour acheminer de la nourriture pour les palestiniens, alors …

    Gros silence …

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