La course à la puissance est une folie

Dans un monde instable et dangereux, la puissance serait le seul bouclier possible pour des peuples perpétuellement menacés. Au risque de tomber dans la surenchère belliciste et dans les replis nationalistes.
La fin de la guerre froide (1991) laissait penser que le monde allait entrer dans un « nouvel ordre international », sous la haute autorité du grand vainqueur étasunien. Un an plus tard, l’utopie vole en éclat : la réalité est devenue celle du « choc des civilisations » évoqué par l’Américain Samuel Huntington (1992). Le 11 septembre 2001, le choc bascule dans « l’état de guerre », contre le « terrorisme » : il a aussitôt ses corrélats possibles, « l’état d’urgence », quand ce n’est pas « l’état d’exception ». Enfin, avec la guerre en Ukraine et à Gaza, nous avons vu se mettre en scène à l’Onu le conflit qui est censé opposer un « Nord global » et un « Sud global ». Le choc, la guerre, le retour des blocs… C’est ainsi que la thématique rassurante du « nouvel ordre » a laissé la place aux métaphores anxiogènes du « chaos ».
Pour une part, la victoire de Trump est une résultante de cette translation. Mais elle risque à son tour d’entériner, d’universaliser et de légitimer le triomphe d’une nouvelle logique, qui est celle de la course illimitée à la puissance. La logique est d’autant plus inquiétante que Trump n’est pas seul. Il n’est en fait que le symbole et le pivot d’un vaste mouvement, étasunien et planétaire, où se côtoient des idéologues (libertariens ou pas), des élites de la nouvelle économie (Musk et consorts) et d’autres chefs d’État (Milei, Orban). Le tout cherche ouvertement des passerelles avec une droite mondiale radicalisée par ses courants extrêmes, héritiers directs ou indirects des fascismes de l’entre-deux-guerres.
Ce conglomérat ne forme certes pas un bloc uniforme. Mais de la masse déjà conséquente des actes et des dires se dégage une petite musique, la trame d’une cohérence. Nous avons évoqué ici même l’un de ses exposés les plus globaux, celui que nous a livré Javier Milei, l’inénarrable président de la Nation argentine. Que nous dit-il ? Que l’Occident a perdu sa force propulsive, parce qu’il a tourné le dos à la liberté individuelle, qu’il a cédé à « l’idée sinistre, absurde et aberrante de justice sociale » et qu’il s’est englouti dans « l’expansion infinie de l’État aberrant ». Les seuls droits acceptables sont les droits à la vie, à la liberté et à la propriété. Tout le reste conduit au chaos, à l’inefficacité, à l’impuissance et in fine à la tyrannie. L’Occident a fini par oublier qu’il attirait nécessairement les convoitises : « La paix nous a rendus faibles ».
La seule réponse raisonnable à gauche devrait être le refus : refus de la course illimitée au surarmement et pas seulement nucléaire ; refus de tout engrenage vers une économie de guerre.
Milei, le libertarien assumé, n’est pas la totalité de la mouvance extrême. Mais, en ne mâchant pas ses mots, il ne fait qu’expliciter la conviction que l’on retrouve dans tout le champ du conglomérat trumpien : l’Occident doit redevenir fort. Si la paix rend faible, quiconque veut survivre est contraint d’accroître sa puissance et de se préparer à la guerre. Tout doit donc être orienté vers cet objectif, s’il le faut en remettant en cause de vieux principes. Si la politique économique n’est pas à la hauteur, on la réoriente, y compris en bousculant les principes fondateurs du libre-échange et du rejet des tarifs douaniers. Si la recherche de la sobriété écologique fonctionne comme un frein, on se débarrasse de ses normes, fût-ce au prix du mensonge. Si le tracé des frontières corsète la puissance, on le modifie, par la force ou par le chantage. Si la logique de la délibération démocratique fait perdre du temps et menace la rapidité du réarmement, on tourne le dos aux procédures démocratiques. Si l’esprit public laisse trop de place au pacifisme et à l’esprit de compromis, on anesthésie ces facteurs de faiblesse et on exalte le retour du nationalisme de puissance. Si les oppositions fragilisent l’homogénéité du corps social, on les contrôle, on les circonscrit ou on les brise. Si l’idéal pacifiste des lendemains immédiats de la guerre a fragilisé les puissances et si les institutions onusiennes sont des boulets, on les contourne ou, mieux, on les démantèle.
En bref, le degré d’agressivité devient le critérium de toute pratique, économique, sociale, politique, diplomatique. Tel est le profil de la realpolitik au cœur de l’univers de Trump, de ses proches et de ses alliés. En soi, elle est inquiétante, compte tenu de la puissance réelle dont disposent toujours les États-Unis. Mais elle l’est plus encore avec le constat que ce modèle tend à devenir universel, que l’on soit du côté du « Nord » ou du « Sud ».
Les idéologies et les modèles sociaux n’ont plus besoin d’être convoqués : la puissance en elle-même est l’objectif. Elle n’est plus une résultante de l’action du corps social, mais le moteur universel de son organisation. Les mêmes logiques de surarmement, de contrôle, de concentration des ressources et des pouvoirs et de mobilisation des opinions s’observent dans tous les États, et notamment les plus grands, États-Unis, Chine, Inde, Russie. Et, comme ce fut le cas, avant les deux grands conflits mondiaux du 20ème siècle, la méfiance réciproque entre puissants l’emporte sur la conviction que les peuples ont, qu’ils le veuillent ou non, un destin partagé.
Ne voit-on pas que la logique de la guerre porte en elle-même, comme la nuée porte l’orage, la logique du trumpisme et celle de toutes les droites extrêmes ?
La géopolitique se déploie de plus en plus dans son expression la plus rudimentaire : le primat de la realpolitik et l’affrontement des puissances. Tout peuple qui ne se plie pas à la règle est voué à la dépendance et au déclin. Qui n’en accepte pas la nécessité est aussitôt taxé d’angélisme, quand ce n’est pas de soumission pure et simple à l’agresseur. Accélérer la production d’armement, subordonner l’économie à la logique de la guerre, instituer l’Europe en puissance : tel est désormais l’horizon proposé des politiques publiques. On est pour ou on est contre ; on est d’un côté de la barrière ou on est de l’autre côté.
Mais ne voit-on pas que la logique de la guerre porte en elle-même, comme la nuée porte l’orage, la logique du trumpisme et celle de toutes les droites extrêmes ? L’accepter, c’est en fait entériner ses postulats. Ils se trouvent du côté de l’inquiétude et de la peur devant un monde qui oblige chaque peuple à renforcer sa puissance ou à la forger si elle n’existe pas. L’angoisse obstinément cultivée pousse à consolider le glacis protecteur de la frontière et des murs, à étendre l’espace de domination de ceux qui le peuvent, à relativiser de façon absolue l’exigence démocratique interne et les vertus de la négociation à l’échelle internationale.
Il semble que la suprématie d’une seule puissance, ou à défaut l’équilibre de la terreur entre les plus grandes, soit la seule manière de maintenir l’équilibre fragile du monde. À deux reprises (1951, 1962), quand la guerre froide opposait théoriquement deux grands modèles de société, les jusqu’au-boutistes ont été heureusement marginalisés dans les deux « camps ». Mais en 1914, au temps du heurt des impérialismes, ils ont fini par l’emporter, ce qui a précipité le monde dans l’apocalypse. Qui peut aujourd’hui affirmer que le scénario de 1914 n’est celui qui a le plus de chance de l’emporter ?
Intérioriser l’impératif de puissance, c’est tolérer par avance que s’impose, avec plus ou moins de brutalité, l’univers mental des forces qui font de la peur le carburant des pires régressions. La seule réponse raisonnable à gauche devrait donc être le refus : refus de la course illimitée au surarmement et pas seulement nucléaire ; refus de tout engrenage vers une économie de guerre ; refus de l’idée que l’Union européenne, par ailleurs nécessaire, doit se fixer pour objectif de se constituer en puissance, visant à contrebalancer celle des puissances déjà existantes.
Le monde n’est pas fait de blocs et ne relève pas du tropisme binaire des camps. Des États, différents par leur taille et l’ampleur de leurs ressources, n’éprouvent guère d’enthousiasme à s’enliser dans la course épuisante à la puissance.
Comme nous l’avons rappelé ici-même, cela ne signifie pas le rejet, partout, de toute forme de réarmement. Ce n’est pas mépriser le droit inaliénable de chaque peuple à se doter des moyens minimaux pour se défendre. Ce n’est pas écarter toute convergence européenne défensive. Ce n’est surtout pas ignorer qu’il y a des peuples agressés qu’il convient de soutenir et des agresseurs que l’on doit combattre, sans écarter le recours à la force en dernière instance.
Mais la prudence défensive ne devrait pas faire oublier que, même si l’obligation s’impose d’utiliser les armes, il n’y a pas de solution proprement militaire dans le monde tel qu’il est. Sauf à penser que l’anéantissement, total ou partiel, est une option envisageable. Or elle ne l’est pas et l’accumulation infinie des stocks de destruction massive est une folie. Le seul précepte tolérable devrait être : si tu ne veux pas la guerre, fais tout ce qu’il est possible de faire, pour obtenir la justice sans la guerre.
Or, si la logique de puissance semble dominer le monde, elle l’emporte par défaut la plupart du temps. La tendance à l’expansion de la force, la justification de la prédation et le glissement de la « gouvernance » technocratique vers « l’illibéralisme » ont certes le vent en poupe. Mais le monde n’est pas fait de blocs et ne relève pas du tropisme binaire des camps. Des États, différents par leur taille et l’ampleur de leurs ressources, n’éprouvent guère d’enthousiasme à s’enliser dans la course épuisante à la puissance. Des institutions internationales et des ONG mondiales continuent de proposer d’autres normes, d’autres critères, d’autres méthodes que celles de l’accaparement des richesses et de la concentration extrême de la puissance. Des mouvements critiques, pacifistes et démocratiques continuent de vivre et de lutter et s’inquiètent de ce que, comme ce fut si souvent le cas, le primat de la force pourrait rejeter dans l’ombre l’impératif de la justice sociale, de la dignité et des droits.
La lucidité oblige à constater que ces composantes d’une alternative pacifiste n’ont pas pour eux la dynamique transnationale qu’ont acquise les forces exaltant la puissance et relativisant l’exigence démocratique. Sans doute ne fait-on pas assez pour que la convergence pacifiste advienne et pèse suffisamment dans l’espace public, national et transnational. Mais c’est bien ce côté-là que se joue notre communauté mondiale de destin. Pas dans la surenchère belliciste, ni dans les replis nationalistes…
Les arme nucléaires sont des armes d’exterminations et de destructions massives.
Quand on lit ou on écoute les commentaires de beaucoup de journalistes , de la plupart des responsables politiques au sujet de l’arme nucléaire , nous ne pouvons qu’être frappés par l’indigence et l’ignorance des propos tenus.
Jamais il n’est rappelé que seuls neuf pays possèdent cette arme:
la France, les USA , la Chine , la Russie, le Royaume Uni, l’Inde , le Pakistan, la Corée du Nord, et Israël.
Et que des armes nucléaires américaines sont déployées dans cinq pays : la Belgique, les Pays Bas, l’Allemagne, l’Italie et la Turquie.
Jamais il n’est précisé ce que dit le droit international sur la question.
Ainsi l’existence du Traité d’Interdiction des armes nucléaires est soigneusement occultée , et bien sûr le fait que la France ne l’a pas ratifié.
Ce traité, adopté par 122 États à l’ONU, est entré en vigueur le 22 janvier 2021. Bien que sa négociation ait été boycottée par les puissances nucléaires, il comble une lacune juridique importante : après les armes biologiques et chimiques, il établit la norme d’interdiction de l’arme nucléaire, dernière catégorie d’arme de destruction massive à être prohibée car impossible à utiliser dans le respect du droit international humanitaire qui protège les civils non combattants.
Il prévoit que les États dotés de cette arme ont le choix pour adhérer à ce traité : soit éliminer leurs armes et s’y joindre, soit devenir partie au traité et annoncer aux autres États parties un plan de désarmement vérifiable (le cas échéant négocié avec les autres puissances nucléaires). le TIAN est entré en vigueur (après 50 ratifications), il n’est plus possible juridiquement aux puissances nucléaires d’affirmer que la possession, la menace d’emploi ou l’emploi de l’arme nucléaire sont légitimés par le TNP ou la Charte de l’ONU. Pour l’heure, aucune puissance nucléaire ne l’a signé.
Les auditrices et les auditeurs n’ont pas le droit de connaitre le contenu du Traité de Non prolifération et particulièrement son article 6 qui dit :
« Chacune des parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».
La France a ratifié ce traité.
L’arme nucléaire nous est présentée comme nous permettant d’assurer notre sécurité et de vivre en paix , ce qui veut dire que l’ensemble des pays non dotés vivront dans les guerres et l’insécurité , merci par exemple pour l’Afrique.
Cet argument dangereux est un formidable appel pour la prolifération nucléaire.
Derrière ce pitoyable argument il faut plutôt entendre : nous pourrons intervenir militairement contre des pays non dotés , ne craignant pas de représailles nucléaires, que l’on pense aux USA , à Israël , à la Russie.
Faut-il rappeler à ces ignorants que l’arme nucléaire est une arme D’EXTERMINATIONS ET DE DESTRUCTIONS MASSIVES. Ce n’est pas une arme conventionnelle.
Un autre argument stupide consiste à dire : nous l’avons mais nous ne l’utiliserons pas.
Pour éviter la fin de l’humanité et de notre planète il serait peut-être plus judicieux de prendre le chemin du désarmement.
D’autant plus que ces armes sont un véritable gouffre financier : ce flot de moyens pourrait être consacré aux principaux maux dont souffre l’humanité : faim, santé , éducation, réchauffement climatique, partage des richesses.
On ne peut que proposer à ces commentateurs de méditer sur la belle lucidité , si elles et ils en sont capables , dont fit preuve Albert Camus le 8 Aout 1945 après les massacres d’ Hiroshima et Nagasaki:
« Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner. »
Bravo Jacques pour ce beau plaidoyer pour le désarmement nucléaire
L’arme nucléaire est une arme de dissuasion.
Oui mais comment peut-on dire qu’elle assure notre sécurité et nous permet d’être en paix à la face du monde.
Cela veut dire que les pays non dotés vivront dans l’insécurité et la menace des guerres.
merci pour les peuples d’Afrique.
Les pays dotés (voir les USA , israël ou la Russie par exemple) peuvent intervenir militairement contre des pays non dotés ne craignant pas de représailles nucléaires
Est ce cela la paix et la sécurité. c’est un appel à la prolifération nucléaires
les armes nucléaires ne sont pas des armes conventionnelles , ce sont des armes de destruction massive au même titre que les armes chimiques ce que dit le droit international.
Elles représentent un gouffre financier.
Il est difficile à comprendre que des gens de gauche défendent ardemment « la dissuasion » contraire aux droits des peuples , elle représente un mépris absolu
pour les peuples non dotés..