Darmanin 2027 : joue-la comme Trump

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De l’outrance, du mépris pour l’État de droit et des approximations avec les faits : la méthode Gérald Darmanin. Et en plus, ça fonctionne !

« La haine du juif et la haine flic se rejoignent. » Oui, Gérald Darmanin est en grande forme. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut dire que sa rentrée 2023 n’a pas été aussi simple que prévue. Remémorez-vous un instant l’actualité du dernier printemps : réforme des retraites, Sainte-Soline, bavures et émeutes… Le ministre de l’Intérieur ne savait plus où donner de la tête. Le moindre événement le plaçait au centre du jeu politique.

Se rêvant des ambitions présidentielles, Gérald Darmanin pensait alors que la fin de l’été lui était déjà acquise : la loi Immigration allait bientôt entrer en scène. Las, pour sa rentrée, en son fief tourquennois, Élisabeth Borne tape l’incruste et vient faire de l’ombre à son ego. Une opération « caillou dans la chaussure » voulue par le président de la République en personne. Tel Chirac avec Sarkozy, Macron pourra-t-il freiner Darmanin ? S’en suit la polémique sur les abayas à l’école et c’est le ministre de l’Éducation Gabriel Attal qui braque sur lui les projecteurs.

C’est à l’extérieur de nos frontières que le ministre de l’Intérieur va trouver du grain à moudre. Fin septembre, alors que la crise migratoire s’accentue à Lampedusa, il débarque sans prévenir à Rome pour apporter son soutien à la dirigeante d’extrême droite Giorgia Meloni.

Et la machine à fabriquer des fake news est bien rodée, comme on lit dans Libération : « Le ministre de l’Intérieur persiste à dire, contre la réalité du droit et des chiffres, que la majorité des migrants arrivés en Italie la semaine dernière ne peuvent prétendre à l’asile. »

Et en octobre, tout s’emballe. Le conflit israélo-palestinien éclate à la face d’un monde qui l’avait mis de côté, les attentats reprennent en Europe. Menaces de dissolution, interdictions de manifestation au motif que « manifester pour la Palestine, c’est soutenir le Hamas », amalgame entre antisionisme et antisémitisme, haro sur La France insoumise (qui donne bien le flanc), etc., Gérald Darmanin jubile.

Et nous voilà ce mardi 17 octobre, Gérald Darmanin lâche les chevaux : 

« Cette crise, elle a permis aussi d’abattre un certain nombre d’hypocrites. Elle a permis de révéler quel était le projet politique d’un certain nombre de responsables qui parlent à des millions de personnes, et dont la voix porte. La haine du juif et la haine du flic se rejoignent. [Applaudissements, ndlr] Pas par conviction, mais par calcul électoral. »

Une charge inqualifiable, une banalisation de l’antisémitisme, d’autant plus infâme qu’elle émane d’un homme qui glorifie l’antisémitisme napoléonien dans un de ses livres, pour mieux justifier son islamophobie patente.

Par ailleurs, Gérald Darmanin « assume » d’être condamné par la CEDH pour l’expulsion de Tchétchènes, si cela peut « protéger les Français », faisant référence à l’attaque au couteau, dans un lycée à Arras, où un homme d’origine tchétchène a assassiné le prof d’histoire Dominique Bernard. Que dire ? Qu’en plus de ne pas respecter le droit international et de s’en féliciter, le populisme du premier flic de France ne résiste même pas à l’épreuve du réel ?

Peut-être plus anecdotique – et encore… –, le ministre de l’Intérieur va jusqu’à mentionner Karim Benzema, lequel s’est fendu d’un tweet de soutien aux Gazaouis, arguant que le footballeur serait « en lien notoire avec les Frères musulmans ». Une charge qui place Gérald Darmanin dans les pas de Jordan Bardella. Notons que Karim Benzema vit actuellement dans un pays, l’Arabie saoudite, qui considère les Frères musulmans comme une organisation terroriste (contrairement à la France). Quant à sa vie privée, pas sûr qu’elle soit compatible avec les valeurs des Frères musulmans…

Incontestablement, le ministre de l’Intérieur monte en puissance. Et ça n’est pas simplement pour sa gloriole personnelle. Sa loi Immigration, qui a déjà commencé à être débattue au Sénat, ne sera pas un fiasco telle la réforme des retraites, du moins l’espère-t-il. Alors que l’exécutif se heurte à sa majorité relative à l’Assemblée, Gérald Darmanin entend bien profiter des horreurs de l’actualité pour durcir son texte et rassembler la droite. Comme le résumait Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice PS, à Libé : « Le gouvernement offre des réponses simplistes et populistes à des situations dramatiques ».

Reste à savoir si Élisabeth Borne, ou même Emmanuel Macron, lui laisseront le champ-libre. Pas nécessairement par conviction, mais ne serait-ce que par calcul électoral.

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