Cagé et Piketty : un livre pour penser

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Roger Martelli vous donne des grilles de lecture pour lire, de façon critique, les 850 pages d’Une histoire du conflit politique de Julia Cagé et Thomas Piketty.

C’est ce qui s’appelle un opus magistral. Julia Cagé et Thomas Piketty mobilisent une masse impressionnante et inédite de données électorales et de statistiques sociales à l’échelle des 35 000 communes de la France métropolitaine, sur une période qui va de la Révolution à nos jours – excusez du peu ! Cerise sur le gâteau, ils rendent accessible la totalité de ces données sur un site dédié. Cagé et Piketty font ainsi, à eux seuls, office de service public… Chapeau !

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Pourquoi la gauche a perdu
Et comment elle peut gagner


Leur démarche fait le pari de l’analyse quantitative et sérielle : elle permet de réinsérer les faits sociaux dans des séries statistiques de longue durée et d’embrasser ainsi, dans un vaste regard, des continuités, des écarts et des ruptures dans les attitudes des individus et des groupes. Le lecteur dispose ainsi, au fil des 850 pages, d’un travail empirique d’une rigueur scientifique extrême, qui sera désormais un passage obligé pour quiconque s’intéresse à l’histoire sociale et politique française.

Le matériau assemblé sert de support à une thèse. Dans sa formulation la plus générale, elle veut démontrer, chiffres à l’appui, que la classe sociale continue de structurer le champ conflictuel des comportements politiques. Mais nos deux auteurs ne s’en tiennent pas là. Pour décrypter plus solidement les effets politiques du social, ils vont affiner le regard sur lui, en croisant deux de ses dimensions : celle des inégalités sociales en mouvement d’une part et, d’autre part, celles d’une partition territoriale opposant la France « rurale » (les villages et les bourgs) et la France « urbaine » (les métropoles et les banlieues). Le concept opératoire de l’enquête est donc celui de « classe géo-sociale » qui articule à la fois le territoire, la richesse économique et la place dans le circuit productif.

Cagé et Piketty montrent ainsi que – selon eux à partir des années 1990 – la double division sociale et géographique a elle-même un double effet. Tout d’abord, elle perturbe la distribution du champ politique : la bipartition de la droite et de la gauche laisse la place à une tripartition en trois « blocs », le « social-écologique » (la gauche), le « libéral-progressiste » (le macronisme) et le « national-patriote » (les Républicains et l’extrême droite). En second lieu, elle segmente l’espace des classes populaires : alors que les communes pauvres des banlieues et celles du monde rural convergent objectivement dans leurs structures sociales, elles s’opposent dans leur positionnement électoral. Le macronisme attire massivement la population des communes riches du monde urbain ; en revanche, les classes populaires se divisent entre les communes urbaines pauvres qui votent plutôt pour la gauche et les communes rurales pauvres qui préfèrent la droite extrême.

Dans une dernière partie, l’étude se livre à l’exercice périlleux de la prospective. Elle est conduite avec prudence, et aucune des hypothèses possibles n’est ignorée, ce qui n’empêche pas Cagé et Piketty d’avouer des préférences. Selon eux, le souhaitable – et peut-être le plus probable – est le retour à terme vers une bipartition, tenue pour mieux adaptée aux logiques d’un conflit de classes. En effet, ni le bloc libéral-progressiste ni le bloc national-patriote ne présenteraient une cohérence socio-économique assurant leur reproduction et leur expansion en longue durée. Dans cette hypothèse, il se pourrait que le bloc disposant du plus grand nombre d’atouts soit celui de la gauche. Mais encore faut-il que cette gauche soit capable, dans le monde « rural » pauvre, de disputer à l’extrême droite les catégories populaires aujourd’hui tentées par l’abstention et les « fâchés pas fachos » attirés par le Rassemblement national. Pour Cagé et Piketty, c’est par la mise en avant d’un programme économico-social répondant aux attentes d’un rural délaissé, que pourra commencer à s’inverser la tendance lourde au désamour de la gauche et des catégories populaires amorcée dans les années 1980.

Julia Cagé et Thomas Piketty nous offrent ainsi un ensemble massif de données et d’interprétations qui fera date. Mais il en est de ce travail comme de toute tentative visant à embrasser le temps long et à dégager des modèles d’explication applicables dans des conjonctures et dans des contextes territoriaux variables à l’infini. L’ampleur du regard intéresse, fascine même, tout autant qu’il soulève des interrogations et des objections. Les développements qui suivent se concentrent sur la seule période contemporaine, de 1965 à 2022. Ils n’ont pas d’autre objectif que d’interroger la démarche et de suggérer des pistes, moins pour contester les acquis de la vaste enquête que pour l’éprouver et la prolonger.

La propension au vote… n’est pas le vote

L’analyse la plus couramment utilisée dans le livre est celle de la variance, qui permet de mesurer, à chaque élection, l’écart à la moyenne des votes de chaque groupe socialement défini. Par exemple, quel que soit l’indicateur retenu, la possibilité d’un vote en faveur du macronisme est d’autant plus grande que la position de l’individu est plus élevée dans l’échelle sociale ; en sens inverse, la propension à voter à gauche est d’autant plus faible. L’écart à la moyenne permet ainsi de mesurer la propension au vote de chaque groupe.

Mais la propension au vote n’est pas le vote lui-même. Pour être pleinement pertinent dans l’analyse, l’écart à la moyenne doit être systématiquement mis en regard avec la mesure quantitative du résultat réel. À l’issue du premier tour de la présidentielle et de la législative, une batterie de sondages donnait ainsi une image approximative de la composition socioprofessionnelle des électorats. Leurs données peuvent se lire à partir de deux points de vue différents : celui des professions et catégories socioprofessionnelles, puis celui des grandes « familles » politiques, la gauche, la droite et l’extrême droite. Elles sont analysées ici sous la forme de quatre graphiques, portant sur les moyennes de quatre instituts de sondage (les données détaillées sont en annexe).

Que ce soit à l’élection présidentielle (celle où les écarts de participation entre les groupes sociaux sont les plus faibles) ou aux législatives (où les classes populaires s’abstiennent massivement), le constat est à peu près le même. L’extrême droite est surclassée chez les cadres et surclasse les autres familles chez les ouvriers. Les cadres votent surtout à droite, mais aussi à gauche. Les professions intermédiaires se partagent entre les trois groupes, avec un léger avantage à la gauche. Quant aux catégories populaires, elles optent tantôt pour la gauche, tantôt pour l’extrême droite, avec un très net avantage pour cette dernière.

Si l’on passe des professions et catégories socioprofessionnelles aux familles politiques, l’image est sensiblement différente. Il y a quelques décennies, le profil social des électorats distinguait la droite et la gauche de façon absolue : à la droite les catégories supérieures et moyennes, à la gauche les catégories subalternes. En 2022, le panorama a changé du tout au tout : l’opposition la plus nette est celle qui distingue la droite classique, plus bourgeoise, et l’extrême droite, plus populaire. Du côté de la gauche, on ne trouve plus de profil social tranché : le vote en sa faveur des différents groupes sociaux se situe à des niveaux assez proches, et toujours sensiblement au-dessous de la majorité. La propension au vote des catégories supérieures fait certes du vote pour le pouvoir en place l’un des plus « bourgeois » de l’histoire électorale française ; il n’en reste pas moins que la droite présidentielle touche un tiers des professions intermédiaires et un quart environ des catégories populaires.

La distribution des votes réels n’annule donc pas l’analyse irréfutable des propensions sociales au vote, mais elle la nuance. En tout cas, elle suggère de relativiser fortement l’image commode de « blocs » socialement différenciés, opposant par exemple un « bloc bourgeois » et un « bloc populaire ». Pour l’instant, nous nous trouvons au cœur du grand brouillage qui a accompagné la tripartition du champ politique : la majorité des catégories supérieures opte pour la droite traditionnelle et pour la gauche ; en revanche la majorité des catégories populaires qui votent, notamment en milieu ouvrier, se porte du côté de l’extrême droite. S’il y a aujourd’hui un « bloc populaire », le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas du côté de la gauche !

Pas de vote sans médiation pour le cristalliser

On oublie trop souvent que le passage de la propension à voter au vote proprement dit dépend largement de l’intensité des médiations qui peuvent l’activer. Parmi elles se trouve le profil social global d’un territoire et notamment le rapport des forces quantitatif qui s’y établit numériquement entre les groupes sociaux. On sait depuis longtemps – au travers par exemple des études en longue durée du vote communiste1 – que le vote effectif des ouvriers dépend de la place qu’occupe le groupe dans la population locale. Dans les années de plus forte extension du vote communiste, à égalité de condition sociale, les ouvriers se dirigeaient d’autant moins vers le vote communiste que leur part dans le territoire était faible.

Le constat reste le même aujourd’hui. On trouvera en annexe les résultats d’une étude portant sur le vote communal au premier tour de la présidentielle 2022 : les communes ont été triées selon le pourcentage de chaque groupe social dans la population active du lieu observé. Sur cette base, la distribution des votes est particulièrement significative.

Le vote des cadres en faveur de Macron augmente au fur et à mesure que croît leur part dans la population active communale ; celle de Le Pen y diminue dans le même mouvement. Ce n’est pas le cas pour le vote Mélenchon, qui conserve un socle de suffrages « cadres » non négligeable, quel que soit le profil social de la commune.

À l’autre bout de l’échelle sociale, le vote des ouvriers semble être un miroir inversé du précédent. Il augmente en faveur de Macron – et dans une moindre mesure au bénéfice de Mélenchon – au fur et à mesure que diminue la part des ouvriers dans la population communale. Au contraire, il est d’autant plus fort en faveur de Le Pen que la part des ouvriers s’épaissit au sein du territoire communal.

On doit donc se garder de considérer le territoire comme le support neutre des déterminants socio-économiques. Il a en fait une texture propre, façonnée par une histoire, modifiée par le jeu des conflits enchevêtrés où se mêlent en longue durée du social, du politique et du symbolique. Cagé et Piketty mettent parfaitement en évidence le clivage qui sépare aujourd’hui les catégories populaires hier portées avant tout vers la gauche. Mais qu’est-ce donc qui, au sein du monde des villages et des bourgs, les pousse plutôt vers l’extrême droite ? Nos deux auteurs insistent à juste raison sur l’effet de délaissement, ce sentiment d’abandon qui cristallise la colère en la faisant glisser vers le ressentiment. Encore faut-il comprendre pourquoi la frustration devant le délaissement pousse les catégories populaires plutôt vers l’extrême droite que vers la gauche.

Dans la dernière partie de leur ouvrage, Cagé et Piketty suggèrent que la gauche souffre avant tout d’un manque de propositions adaptées aux attentes du « rural ». Mais l’extrême droite a-t-elle un corps de propositions infiniment plus performant que celui de la gauche ? Au tout début du Front national, la Seine-Saint-Denis était parmi les terrains les plus favorables au parti de Jean-Marie Le Pen. Elle est aujourd’hui un des territoires où le parti de son héritière est le plus mal implanté. Et pourtant, c’est Marine Le Pen qui a opéré la mutation de la formation frontiste vers le « social », qui n’était pas le terrain de prédilection de son père et qui aurait dû conforter la position acquise au départ…

Tous les délaissements ne se valent pas

On peut pousser plus loin la réflexion en se focalisant un peu plus encore sur la banlieue. Voilà un territoire qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, relevait massivement de la notion de « délaissement ».  Il s’agissait bien d’un espace dévalorisé et méprisé. Honoré de Balzac disait des paysans bretons de  son temps qu’ils lui faisaient penser aux « sauvages » de Fenimore Cooper ; à son image, les bien-pensants de l’entre-deux-guerres ne manquaient pas de dénigrer une banlieue peuplée « d’apaches », évoquant pour eux « un Far West français ». Le délaissement des années 1920-1930 aurait donc très bien pu ouvrir la porte au ressentiment et à la fascination des régimes autoritaires, celle par exemple que porta, à Saint-Denis, Jacques Doriot, un ancien communiste devenu l’ennemi juré de son parti. Or ce n’est pas cette voie qui est choisie par les populations banlieusardes, mais celle du socialisme et surtout du communisme français. La banlieue de l’entre-deux-guerres aurait pu devenir une banlieue noire : or c’est le rouge, alors commun au communisme et au socialisme, qui l’a finalement emporté.

La bifurcation vers un univers politique plutôt que vers un autre n’est donc pas l’effet mécanique d’une position sur l’échelle sociale. Dans le cas de la banlieue, le passage à la gauche résulte d’un investissement militant conscient qui, appuyé sur le substrat de la modernité industrielle et de l’expansion ouvrière, a fait d’un territoire marginalisé le lieu par excellence d’un « mouvement ouvrier ». Le déclencheur du vote fut moins dans la reconnaissance d’un « programme », que dans l’attrait d’un projet global reposant sur la conscience, populairement élargie, que la promotion banlieusarde dépendait de sa réinsertion dans la cité et pas dans l’institutionnalisation de ghettos sociaux. Cette conscience de classe fut alors d’autant plus structurante qu’elle se raccordait à la vieille idée égalitaire de la « République démocratique et sociale », celle qui était au cœur du dynamisme ouvrier et qui nourrissait cette autre conviction propulsive, selon laquelle en s’émancipant le monde ouvrier participait à l’émancipation de la société tout entière.

C’est cela qui a coloré la banlieue de l’entre-deux-guerres et qui en a fait un territoire d’appropriation ouvrière, pétri de culture et d’histoire ; un territoire qui n’était plus d’abord celui de la relégation et du malheur, mais celui de la promotion collective des subalternes et de l’accès à la modernité urbaine du temps. Ce n’est donc pas un hasard si, en 2017 et 2022, l’amorce d’un retour des catégories populaires au vote de gauche s’est opérée dans ces territoires déjà chargés d’une histoire populaire.

C’est dire que la propension « géo-sociale » au vote ne résulte pas de la seule compétition rationnelle des engagements officiels. Elle est activée par la densité ou au contraire desservie par la fragilité des structures d’action volontaire, partisanes, syndicales, associatives, culturelles. Elle procède du conflit des imaginaires, de la mobilisation de valeurs historiques, sans cesse transformées et pourtant reproduites. Les ouvriers se transforment en classe, non par l’effet mécanique de leur statut subordonné, mais par la construction d’un mouvement et par la conscience collective que ce mouvement contribue à structurer, jusqu’à en faire une culture.

La question centrale n’est pas tant dans le détail des propositions « adaptées » que du côté de l’ensemble cohérent auquel se corrèle le sentiment du délaissement. La droite, macronisée ou non, y répond par un projet reliant la compétitivité, l’autoritarisme technocratique et le choix de la puissance au sein d’une mondialisation indépassable dans sa forme. L’extrême droite adosse le délaissement perçu à un projet qui relie la peur devant un monde dangereux, l’obsession de la protection et le fantasme de la clôture. Manifestement la gauche n’a pas – en tout cas, elle n’a pas encore – la même capacité. De ce fait la frustration populaire qui domine dans le « rural » se mue volontiers en colère puis en ressentiment, ouvrant la porte à la tentation du bouc émissaire, du repli sur soi et de la clôture protectrice. Qui veut barrer la route à la droitisation des espaces populaires peut se convaincre à juste raison qu’il n’y a aucune fatalité à cette régression délétère ; mieux vaut toutefois se convaincre, dans le même mouvement, qu’il n’y a pas de recette simple et univoque pour écarter durablement le pire.

La position sociale n’explique pas tout

La propension au vote n’induit pas mécaniquement le vote effectif. Au-delà, on peut dire que la position sociale n’explique pas tout.

Considérons le cas du vote communiste. Pendant quelques décennies, il a été un exemple du lien établi entre une position sociale (l’insertion dans l’univers ouvrier) et un comportement électoral. On sait par ailleurs que, si la densité du vote communiste a varié considérablement dans le temps, la structure de son implantation territoriale est restée à peu près la même depuis la première élection structurante, celle des législatives en 1924. On pouvait donc s’attendre à ce que coïncident la carte de l’implantation ouvrière et celle du PCF. En fait, les cartes se recoupent, mais elles ne se superposent pas.

En revanche, on constate que la carte électorale du communisme ne manque pas d’affinités avec celles qu’a dressées Michel Vovelle, quand il a voulu situer territorialement la pratique révolutionnaire dans la phase ascendante de la Révolution française2. Tout se passe alors comme si, dans la construction de l’espace électoral du communisme politique, la tradition politique qui façonne les territoires avait compté au moins autant que les déterminants socioéconomiques.

Le lien du social et du politique relève donc d’un processus global et complexe qui, seul, permet de passer de la virtualité d’un vote au vote réel. Si le PCF a réussi à élargir et à consolider son espace électoral, ce n’est pas seulement parce qu’il l’a voulu et parce qu’il avait un bon programme. Il a été reconnu parce qu’il était utile à un groupe social enraciné dans des territoires particuliers. Et cette utilité perçue tenait à ce qu’il exerçait une triple fonctionnalité, sociale, projective et plus proprement politique.

Dès sa création, le jeune Parti communiste assume une fonction classique de représentation du monde ouvrier, notamment dans les espaces périphériques délaissés où se joue alors le devenir politique de la révolution industrielle mécanicienne. Cette fonction s’articule avec une autre que l’on peut dire « utopique » ou prospective : les communistes s’appuient sur le mythe soviétique pour réactiver la vieille attente égalitaire qui, des sans-culottes au mouvement ouvrier du XIXème siècle, s’est peu à peu concentrée sur le rêve de « la Sociale », évoqué plus haut. À partir de 1934, il prolonge les deux fonctions originelles par une troisième, plus proprement politique : la référence au Front populaire et la désignation en perspective de possibles majorités, qui réactive le lien – oublié jusqu’alors – entre la gauche et le mouvement ouvrier. Les deux premières fonctions ont soutenu dès le début une certaine propension au vote communiste urbain et ouvrier ; mais seule la dynamique politique et sociale du Front populaire – alors proposé par le PCF de Maurice Thorez – a pu faire, de la propension au vote, une réalité élargie, faisant passer le communisme de l’archipel électoral à l’implantation nationalisée.

Le lien du social au politique n’est en rien invalidé par ce constat. Mais il nous rappelle simplement que le passage du social au politique ne se fait pas sans médiation : celle des groupes inducteurs (le « métallo » de la région parisienne), celle des idéologies, celle des stratégies, celle des traditions politiques, nationales et localisées. Pendant quelques décennies, il y avait plus de chances de voir un ouvrier voter communiste que de voir un cadre supérieur en faire de même : mais l’effectivité du vote ouvrier n’était pas la même en Franche-Comté, en banlieue parisienne ou dans les quartiers bourgeois de Paris. 

Le substrat social ne fonctionne politiquement que lorsqu’il se raccorde à de grands systèmes de représentation du monde, à des visions plus ou moins intégrées de la société tout entière, à des systèmes de valeurs, en bref à des cultures, toujours territorialisées, qui façonnent le sens donné à l’action des individus et des groupes. Nulle dynamique du « social » ne peut se déduire des seules données objectives, qui prédéterminent sans nul doute l’action, mais qui n’en régulent ni l’effectivité ni les fluctuations.

La grande division du peuple

Parmi la masse des apports fournis par l’étude de Cagé-Piketty, se trouve la vérification et la précision du constat connu par ailleurs : après une longue phase d’unification relative du vote populaire en faveur de la gauche, les années 1980 ont ouvert le trend régressif de la bifurcation politique. Globalement, les catégories les plus modestes ont une propension plus forte que la moyenne à l’abstention ; quand elles votent, elles se partagent, la plus grande partie d’entre elles se portant vers l’extrême droite et une autre partie, sensiblement moins importante, vers la gauche.

Il en résulte un profil bien différent des électorats concernés. Pour mettre en lumière cette opposition, nous avons mené une étude au niveau des circonscriptions législatives, en utilisant les données des recensements Insee de 2018 et 2019. La méthode (analyse de régression) et les 42 variables utilisées sont décrites dans l’annexe. On n’a retenu ici que le résultat du tri, qui va de la variable la plus explicative du vote à la variable la plus défavorable pour le choix politique concerné. Les tableaux concernent l’abstention, le vote en faveur de la Nupes et celui pour le Rassemblement national. Les valeurs positives (attraction) sont en italiques, les valeurs négatives (répulsion) sont en gras.

Abstentions
Pas ou peu diplômé 
Ménage pauvre   
Employé 
Chômage 
Ouvrier 
BAC+5 ou plus 
Agriculteur exploitant 
Cadre, profession intellectuelle sup 

Le tableau des corrélations est sans surprise. La forte abstention est corrélée massivement à l’absence de diplôme, à la faiblesse des revenus, au niveau du chômage, à l’importance des catégories employés et ouvriers et de façon générale à l’univers urbain. Elle est au contraire faible chez les diplômés, les agriculteurs et les catégories sociales supérieures.

Nupes
Locataire
Commune pôle des aires d’attraction des villes 
Chômage 
Ménage pauvre   
BAC+5 ou plus 
Cadre, profession intellectuelle sup 
Agriculteur exploitant 
Commune hors aire d’attraction des villes 
Ouvrier 
Commune rurale non périurbaine 
Commune rurale périurbaine 
Artisan, commerçant, chef d’entreprise 
Couronne des aires d’attraction des villes 
CAP, BEP ou équivalent 
Propriétaire 

Le vote en faveur de la Nupes est plus complexe dans ses déterminants. Il touche une population urbaine de ville-centre, vivant plutôt en location. Cette population peut être touchée par le chômage et dispose éventuellement de revenus très modestes, mais le vote Nupes est corrélé avant tout avec les niveaux de formation élevée et touche ainsi à la fois les ménages pauvres et des catégories sociales élevées. En revanche, les zones non urbaines ou périurbaines, la densité ouvrière, la part des agriculteurs, les faibles niveaux de formation et le statut de propriétaires constituent des éléments répulsifs qui pénalisent le vote en faveur de la gauche.

Rassemblement national
CAP, BEP ou équivalent 
Ouvrier 
Couronne des aires d’attraction des villes 
Employé 
Propriétaire 
Pas ou peu diplômé 
Commune rurale périurbaine 
Locataire
Commune pôle des aires d’attraction des villes 
Cadre, profession intellectuelle sup 
BAC+5 ou plus 

Quant au RN, l’analyse des circonscriptions confirme son profil sociologique et territorial. Le vote en faveur du parti d’extrême droite est fortement corrélé au faible niveau de formation, à la densité ouvrière et employée, aux couronnes des aires urbaines et au périurbain. Il est au contraire fragilisé dans le monde urbain, celui des statuts sociaux supérieurs et des formations élevées.

Quel que soit l’angle d’approche, le constat est toujours le même. Les catégories populaires, les faibles niveaux de formation et les revenus modestes ne se portent bien sûr pas de façon unilatérale vers l’extrême droite. Mais, même dans une élection législative, toutes ces caractéristiques prédisposent davantage à l’abstention et au vote RN qu’aux votes en faveur de la gauche. Le partage de l’univers populaire entre la gauche et l’extrême droite est donc un partage inégal, dont l’inégalité s’est renforcée entre 2017 et 2022.

Distribution des votes selon la taille de la commune
 Écart 2022-2017
Tranche de communesAbst.GAUCHEDROITEEXTREME DROITE
Plus de 100 000 habitants-1,67,5-10,74,0
De 50 à 100 0001,25,2-11,56,7
De 30 à 50 0001,14,7-12,27,7
De 20 à 30 0001,33,9-12,58,1
De 10 à 20 0001,51,7-11,19,7
De 5 à 10 0001,41,0-11,310,4
De 3 500 à 5 0001,50,6-11,510,8
De 1 000 à 3 5001,40,1-13,411,3
Moins de 1 0000,70,1-18,211,5

L’extrême droite progresse sensiblement dans toutes les catégories de communes, indépendamment de leur taille. En revanche, la progression à gauche n’est sensible que dans les tranches supérieures à 20 000 habitants et elle ne dépasse celle de l’extrême droite que dans les grandes villes de l’espace métropolitain. Gauche et extrême droite se disputent les classes populaires, ce qui oppose globalement la gauche populaire de « l’urbain » et l’extrême droite populaire du « rural ». Mais le parallélisme est imparfait : la progression d’un côté est pour l’instant nettement plus forte que celle du côté opposé.

Peut-on se projeter dans l’avenir ?

Cagé et Piketty se livrent à l’exercice nécessaire de la projection, à partir des modèles d’analyse qu’ils ont mis en place tout au long de leur minutieux parcours. Ils le font de façon prudente, conscients de l’extrême volatilité des comportements électoraux. Je tends toutefois à penser que, dans le domaine de la prospective, leurs suggestions sont moins convaincantes que l’essentiel des démonstrations qu’ils font sur le passé.

Toute leur analyse de l’évolution politique repose ainsi sur l’idée d’une alternance entre des phases de tripartition et de bipartition. Pour le seul XXème siècle, ils émettent l’hypothèse d’un long cycle de bipartition, entre le début des années 1910 et celui des années 1990. En soi, on peut déjà douter de la cohérence d’un cycle long qui inclut les années d’entre-deux-guerres et la période 1947-1962. Or ces deux périodes sont marquées par un certain brouillage du conflit droite-gauche, la première période du fait de l’émergence du communisme politique et de son solo politique et la seconde par l’effet des parasitages de la guerre froide.

Mais on discutera avant tout, ici, du profil qu’ils donnent à l’actuelle tripartition, dont ils situent les prémices dès le début des années 1990 et qui distingue aujourd’hui ce qu’ils appellent des blocs. Dans leur taxinomie (blocs « social-écologique », « libéral-progressiste » et « national-patriote ») le plus discutable est la distinction qu’ils établissent entre un macronisme qui est renvoyé purement et simplement à l’improbable « centre », et un ensemble regroupant d’ores et déjà la mouvance disparate des Républicains et de l’extrême droite. Pour le moins, on dira que c’est mettre la charrue avant les bœufs…

On trouvera en annexe un tableau de résultats électoraux établis selon une autre base de classement. Il distingue bien deux ensembles faciles à délimiter (la gauche et l’extrême droite), mais laisse ouverte la question des forces intermédiaires situées à droite. Le tableau propose donc, tout à la fois, de différencier une droite et un centre revendiqué et de mesurer leur force combinée. Il y ajoute un total des droites et du centre qui permet de mesurer de façon plus synthétique l’état du rapport des forces droite-gauche. De ce tableau ressortent quelques grands traits d’évolution.

1. Globalement, la gauche s’est affaiblie

Entre 1965 et 2017, la vie politique s’ordonne sur l’axe droite-gauche, le centre théorique hésitant entre l’héritage des centres historiques (incarnés notamment par le MRP de la Quatrième République) et une coalition des droites, seul rempart possible contre une gauche qui est continûment expansive après 1969.

À partir de 1981, s’ouvre une période de relatif équilibre entre la droite et la gauche, plutôt en faveur de la gauche jusqu’en 1988, plutôt en faveur de la droite classique après 1988. En outre, à l’intérieur de chaque famille, droite comme gauche, une force occupe une place dominante. Les années 1980 sont celles de la « bande des quatre » : à gauche s’impose le face-à-face du PC et du PS, à droite celui des gaullistes et des giscardiens. À la fin de la décennie, une tradition s’impose dans chaque camp : communistes et giscardiens s’effacent électoralement devant les socialistes et les héritiers « chiraquiens » du gaullisme. En ce temps-là, gauche et droite se situent toutes deux au-dessus de 40% en moyenne. Dans une phase de montée des abstentions, cette proximité quantitative aboutit au fait que la droite et la gauche se succèdent dans l’exercice du pouvoir, jusqu’à « cohabiter » à trois reprises. Fruit d’un mécanisme majoritaire déréglé, cette cohabitation va éroder la pertinence du clivage de la droite et de la gauche, les deux « familles » suivant, dans l’exercice du pouvoir, des lignes économiques libérales trop faiblement différenciées.

L’année 2017 marque une rupture : à gauche et à droite, la force centrale, socialistes comme gaullistes, s’affaiblit. Du même coup, cette déstabilisation relative perturbe la dynamique binaire de la gauche et de la droite. En 2017, il semble même qu’on en est revenu à la bande des quatre, le macronisme et l’extrême droite venant contrebalancer la double érosion d’un socialisme « social-libéralisé » et d’une droite classique qui ne sait plus comment enrayer la montée du concurrent de l’extrême. En 2022, enfin, l’effondrement simultané du socialisme et de la droite classique réduit l’éventail du vote présidentiel à trois ensembles de force voisine : une gauche à nouveau redéportée vers sa gauche, mais affaiblie, une extrême droite revigorée par sa dynamique continentale et, entre les deux, une mouvance de centre droit dominée par le macronisme, dans laquelle la droite gouvernementale ne sait pas très bien de quel côté porter ses regards. Entre les trois ensembles, la logique des chiffres donne l’image d’un certain équilibre. Mais cet équilibre dissimule en fait un double déséquilibre. Le rapport des forces global est nettement en défaveur de la gauche. Quant à la dynamique, elle se déploie nettement plus en faveur du flanc le plus à droite que de celui le plus à gauche : la gauche profite moins de la droitisation du macronisme que le Rassemblement national ne profite de l’affaissement de la droite classique…

Si l’on raisonne de façon plus globale, on constate que la gauche – présidentielle et législative – reste dans ses basses eaux et que l’axe général de la vie politique se déporte vers la droite. Or ce phénomène renvoie à des évolutions dont les sources ne se trouvent pas nécessairement dans les bases statistiques matérielles mobilisées par Julia Cagé et Thomas Piketty. La dynamique des votes renvoie moins à des substrats matériels qu’à des déterminants plus proprement idéologico-politiques. Les échecs du soviétisme et de l’État-providence ont affaibli la thématique de l’égalité et de l’alternative sociale possible et désirable ; les jeux de l’alternance au pouvoir ont dévalorisé la confiance dans la droite et dans la gauche ; l’extrême droite a bénéficié de sa dynamique européenne et des effets de la bataille idéologique qu’elle a menée en longue durée contre l’égalité.

Plutôt que de figer la disposition actuelle des forces en renvoyant d’ores et déjà les Républicains dans un « bloc national-patriote », mieux vaut s’installer dans l’idée d’une situation ouverte, à l’intérieur d’un rapport des forces globalement favorable à la droite. Dès lors, les enjeux peuvent se penser dans une double direction. La gauche, d’une part, peut-elle tout à la fois mobiliser son espace politico-idéologique traditionnel (il n’a pas disparu, mais il n’est activé que sur son flanc le plus à gauche) et retrouver une dynamique de réunification des catégories populaires aujourd’hui politiquement clivées ? Par ailleurs, qui donnera le ton dans la droite majoritaire ? L’espace des Républicains, aujourd’hui sans ossature repérable, glissera-t-il plutôt vers le centre-droit ou vers l’extrême droite ?

La réponse à ces questions ne peut pas ignorer les déterminants lourds du « social » ? À condition de ne pas laisser dans l’ombre les déterminants symboliques qui activent politiquement ce social.

2. Pour revenir à la bipartition droite-gauche, le « social » ne suffit pas

Julia Cagé et Thomas Piketty tirent, de l’immense base statistique qu’ils ont constituée, la conviction que les déterminants du « géo-social » l’emportent sur ceux de « l’identité ». Si l’on confronte ces critères de la religion et de l’origine à ceux de la « classe géo-sociale », il est évident qu’ils apparaissent en position seconde dans la détermination des choix électoraux. La difficulté tient toutefois à ce que l’effet de la thématique identitaire ne se mesure pas à à l’aune des seuls critères de l’origine familiale ou des pratiques religieuses.

Ce qui fait la force de l’extrême droite est qu’elle peut raccorder chaque élément de son discours politique – y compris la référence sociale – à une cohérence englobante qui lui donne du sens. L’extrême droite dispose d’un grand récit, qui unit l’inquiétude devant un monde instable et dangereux, l’obsession de la protection, le fantasme de la clôture et la dénonciation de « l’assistanat ». Le tout baigne dans une petite musique de fond, qui a pris naissance dans les milieux de l’extrême droite dès les années 1970, qui postule ouvertement que la question de l’identité a pris le pas sur celle de l’égalité et qui touche à la fois les individus qui pensent que d’ores et déjà « on n’est plus chez soi » et ceux qui craignent qu’il en soit ainsi dans l’avenir. En fait, la déclinaison de cette thématique, sous une forme populaire ou savante, est ce qui permet de relier, jusqu’à leur donner force politique, la frustration devant le délaissement et la peur du déclassement qui, très souvent, pousse à s’inquiéter des dangers venus du « bas » – la concurrence des plus pauvres que soi – plus encore que ceux venus du côté du « haut » – les parasites de l’élite.

Bien évidemment, l’idéologie ne se mesure pas à l’échelle des statistiques communales, ni même à des échelles plus vastes. Mais elle n’en est pas moins une réalité, que l’on peut appréhender en utilisant d’autres méthodes que celle de l’analyse sérielle. C’est cette dimension culturelle de la politique que les sociologues et politistes – je pense aux travaux du Cevipof, parmi bien d’autres – ont copieusement mise en lumière dans les dernières décennies. Je crains donc qu’une démarche qui séparerait le substrat matériel du social et la force d’impulsion des représentations ne nous mette devant des certitudes rassurantes (les dominés ne sont-ils pas une majorité et n’ont-ils pas intérêt « objectivement » au mieux-vivre que leur promet la gauche ?) qui, à terme, peuvent déboucher sur de l’impuissance.

Si l’objectif est de réunifier les fractions du « peuple » aujourd’hui désuni, si la visée de l’émancipation suppose le dépassement de tout ce qui freine le libre déploiement des capacités de chaque individu, alors l’énumération de propositions pourrait bien être tout aussi insuffisante – et donc inefficace – qu’elle est par ailleurs nécessaire. Aucune forme de dépossession matérielle et symbolique ne doit dès lors être tenue pour secondaire, aucune fraction des dominés ne peut être privilégiée au détriment d’une autre. Aucun programme, aussi détaillé et aussi radical qu’il soit, ne remplace la vision globale, le récit qui fonde le désir de l’alternative sociale et énonce les conditions démocratiques qui rendent réaliste le chemin qui peut y conduire.

3. Le retour à la bipartition est un pari : il se gagne ou il se perd

On peut faire le pari que la tripartition est un état transitoire, un moment dans notre histoire lié au délitement des configurations sociales et des dispositifs partisans des Trente Glorieuses. Et sans doute faut-il rêver d’un retour à la simplicité des conflits de la gauche et de la droite autour des questions de l’égalité. Mais, pour y parvenir, mieux vaut se convaincre que, pour l’instant, la gauche est dans ses basses eaux et l’extrême droite sur les starting-blocks. La poursuite de sa progression n’a rien d’inéluctable, mais pour qu’elle s’interrompe, il n’y a pas de raccourci ni de contournement. La lutte contre ses idées est une condition quasi préalable. Mais au-delà, on peut revenir à l’idée selon laquelle le moteur de l’extrême droite est depuis toujours le ressentiment est que, par voie de conséquence, le seul remède à ce ressentiment est l’espérance démocratique et sociale et donc le projet global qui lui donne corps.



Annexe 1 : La propension au vote n’est pas le vote

Présidentielle 2022 (premier tour)
     ECARTS
SondeurProfessionGaucheDroiteExtrême droiteGauche – Ext. Droi.Droite – Ext.droi.Gauche – Droite
OpinionWayCSP+38352117143
CSP —312436-5-127
IpsosCadre3447151932-13
Prof. Interméd.3932241587
Employé342437-3-1310
Ouvrier292146-17-258
IfopCadres3448151933-14
Prof. Interméd.41292516412
Employé40213010-919
Ouvrier342439-5-1510
ElabeCadres43391825214
Prof. Interméd.353427871
Employé333131202
Ouvrier252346-21-232
MoyennesCadres3745162129-8
Prof. Interméd.3832251367
Employé3625333-710
Ouvrier292344-14-217
Législatives 2022 (premier tour)
  GaucheDroiteExt. DroiteGauche – Ext. Droi.Droite – Ext.droi.Gauche – Droite
IfopCadres31393019-8
Professions inter.363529761
Employés362440-4-1612
Ouvriers332344-11-2110
IpsosCadres3645191726-9
Professions inter.373528972
Employés352144-9-2314
Ouvriers292348-19-256
OpinionWayCadres3744191825-7
Professions inter.373231615
Employés322840-8-124
Ouvriers242649-25-23-2
ElabeCadres3648162032-12
Professions inter.35372879-2
Employés342145-11-2413
Ouvriers262549-23-241
MoyenneCadres3544211423-9
Professions inter.363529762
Employés342442-8-1911
Ouvriers282448-20-234

Annexe 2 : Pas de vote sans médiation pour le cristalliser

Distribution des votes selon le profil social des communes
Tranche de communesABSTENSLRNupesRNGaucheDroiteExtrême droite
Cadres et professions intellectuelles supérieures
Plus de 30 %45,633,011,630,08,932,447,815,2
De 20 à 30 %47,431,210,530,011,333,145,017,4
De 10 à 20 %52,525,410,425,620,629,839,526,2
Moins de 10 %51,921,811,422,625,227,738,130,0
Professions intermédiaires
Plus de 30 %42,426,910,524,320,628,341,226,1
De 20 à 30 %52,025,910,427,218,731,340,124,1
De 10 à 20 %51,822,211,722,124,327,239,129,4
Moins de 10 %41,022,514,121,721,227,942,026,4
Employés
Plus de 30 %53,922,810,225,223,030,336,828,4
DE 20 à 30 %50,126,910,327,018,230,841,323,5
De 10 à 20 %45,230,713,322,515,625,448,721,7
Moins de 10 %41,022,514,121,721,227,942,026,4
Ouvriers
Plus de 30 %53,621,811,722,626,127,038,630,7
De 20 à 30 %52,423,910,725,521,630,338,926,6
De 10 à 20 %50,227,49,328,117,332,139,923,2
Moins de 10 %44,133,213,424,610,927,550,417,7
Employés et ouvriers
Plus de 60 %54,621,110,923,826,129,036,630,7
De 50 à 60 %52,324,110,724,621,929,139,227,2
De 30 à 50 %49,627,69,928,116,832,040,922,5
Moins de 30 %43,434,413,923,210,525,752,617,5

Annexe 3 : La grande division du peuple

le profil social des circonscriptions selon 19 variables :

1. Six concernent le territoire :

  • Part de la population habitant une commune-pôle des aires d’attraction des villes (en %)
  • Part de la population habitant une commune dans une couronne des aires d’attraction des villes (en %)
  • Part de la population habitant une commune hors aire d’attraction des villes (en %)
  • Part de la population habitant une commune non rurale (en %)
  • Part de la population habitant une commune rurale périurbaine (en %)
  • Part de la population habitant une commune rurale non périurbaine (en %)

2. Trois concernent le niveau de formation :

  • Part de la population active pas ou peu diplômé (en %)
  • Part de la population active détentrice au mieux d’un CAP, BEP ou équivalent (en %)
  • Part de la population active détentrice au mieux d’un diplôme de niveau BAC+5 ou plus (en %)

3. Sept concernent le rapport à l’activité :

  • Part de la population active agriculteur exploitant (en %)
  • Part de la population active artisan, commerçant, chef d’entreprise (en %)
  • Part de la population active cadre, profession intellectuelle sup (en %)
  • Part de la population active profession intermédiaire (en %)
  • Part de la population active employé (en %)
  • Part de la population active ouvrier (en %)
  • Part de la population active au chômage (en %)

4. Une concerne le niveau de pauvreté

  • Part de la population vivant dans un ménage pauvre (ménage dont le niveau de vie est en dessous de 60 % du revenu médian)

5. Deux concernent le type de logement

  • Part des logements occupés par leur propriétaire (en % des résidences principales)
  • Part des logements occupés par des locataires (en % des résidences principales) 

Abstention, Nupes, Rassemblement national : le jeu des corrélations

Plus l’indice de corrélation est proche de +1 et plus forte est la corrélation entre la variable et le vote (mesure de l’attraction).

Plus l’indice se rapproche de -1 et plus la variable fonctionne comme un facteur écartant le vote (mesure de la répulsion).

Abstentions
Pas ou peu diplômé 0,71
Ménage pauvre   0,57
Employé 0,57
Chômage 0,53
Ouvrier 0,33
Locataire0,24
Commune pôle des aires d’attraction des villes 0,17
CAP, BEP ou équivalent 0,14
Profession intermédiaire  -0,04
Couronne des aires d’attraction des villes -0,09
Commune rurale périurbaine -0,20
Propriétaire -0,22
Commune hors aire d’attraction des villes -0,28
Artisan, commerçant, chef d’entreprise -0,29
Commune rurale non périurbaine -0,29
BAC+5 ou plus -0,36
Agriculteur exploitant -0,36
Cadre, profession intellectuelle sup -0,37
NUPES
Locataire0,61
Commune pôle des aires d’attraction des villes 0,50
Chômage 0,40
Ménage pauvre   0,40
BAC+5 ou plus 0,36
Cadre, profession intellectuelle sup 0,34
Profession intermédiaire  0,16
Pas ou peu diplômé 0,01
Employé -0,11
Agriculteur exploitant -0,30
Commune hors aire d’attraction des villes -0,32
Ouvrier -0,32
Commune rurale non périurbaine -0,33
Commune rurale périurbaine -0,36
Artisan, commerçant, chef d’entreprise -0,40
Couronne des aires d’attraction des villes -0,47
CAP, BEP ou équivalent -0,48
Propriétaire -0,59
RN
CAP, BEP ou équivalent 0,68
Ouvrier 0,63
Couronne des aires d’attraction des villes 0,54
Employé 0,48
Propriétaire 0,46
Pas ou peu diplômé 0,42
Commune rurale périurbaine 0,39
Commune hors aire d’attraction des villes 0,23
Commune rurale non périurbaine 0,22
Agriculteur exploitant 0,19
Artisan, commerçant, chef d’entreprise 0,13
Chômage 0,13
Ménage pauvre   0,07
Profession intermédiaire  -0,18
Locataire-0,45
Commune pôle des aires d’attraction des villes -0,54
Cadre, profession intellectuelle sup -0,66
BAC+5 ou plus -0,67

Annexe 4 : Peut-on se projeter dans l’avenir ?

L’élection présidentiele depuis 1965 (% exprimés)
DATEGAUCHECENTREDROITE CLASSIQUECENTRE + DROITE CLASSEXTREME DROITETOTAL DROITES ET CENTRE
196531,715,646,361,95,267,1
196931,023,344,567,8 67,8
197445,932,618,350,90,952,5
198146,828,321,049,3 49,3
198845,416,519,936,414,450,8
199540,5 44,144,115,359,4
200242,96,831,137,919,257,1
200736,418,633,452,011,663,6
201243,89,130,439,518,256,3
201727,724,025,949,922,472,3
202231,927,97,935,832,368,0
Les élections législatives depuis 1981 (% exprimés)
AnnéeExtrême gaucheGaucheTOTAL GAUCHECentreDroiteCENTRE + DROITEExtrême droiteTOTAL DROITES & CENTRE
19810,555,155,60,142,842,91,244,1
19861,542,544,0 44,344,39,954,2
19880,448,749,1 40,540,59,950,5
19931,729.331.1 44,144,112,957,0
19972,637.840.3 36,236,215,451,5
20022,737,440,10,143,543,612,756,4
20073,135,939,07,945,553,44,858,1
20121,046,847,81,734,736,414,250,6
20170,826,527,333,521,955,414,770,0
20221,229,430,527,013,640,624,164,7
  1. Sur l’évolution en longue durée du vote communiste, voir Roger Martelli, L’archipel électoral. Une histoire électorale du PCF, Éditions sociales, 2008. ↩︎
  2. Michel Vovelle, La découverte de la politique. Géopolitique de la révolution française, La Découverte, 1993. ↩︎

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4 commentaires

  1. Jean pierre Dropsit le 21 septembre 2023 à 22:03

    Fabien roussel est mon camarade

    • JAFFRE le 13 novembre 2023 à 14:58

      Article intéressant qui lui aussi fait penser, merci à M. Martelli.
      Dans le papier de RM, je ne vois pas les corrélations pour Ensemble ! , ce serait intéressant de les faire figurer dans une version complété.
      Jérôme

  2. Hervé RIGAULT le 22 septembre 2023 à 10:39

    Points aveugles de ces analyses:
    – l’âge et l’évolution de l’espérance de vie
    – les diverses catégories de retraités (17 millions de citoyens)
    – la dévalorisation des diplômes
    – le genre et la composition des ménages

  3. Juinemages35@gmail.co le 23 septembre 2023 à 22:46

    Toutes mes condoleances camarade

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