Pr. André Grimaldi : « Il n’y aura pas de service public de santé sans valeurs publiques »

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Dans une tribune au JDD, le Professeur André Grimaldi conseille « systématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée ». Des propos qui ont suscité de vives réactions. Il est l’invité de #LaMidinale.

UNE MIDINALE À VOIR…

 

ET À LIRE…

Sur la démocratie au temps du Covid
« C’est un débat sur la démocratie en situation de crise. Il y a une logique qui est de ne pas avoir de démocratie face à l’urgence. La démocratie est suspendue pendant la crise. C’est erroné. Toutes les décisions ont été prises par le président de la République, souvent avec plusieurs semaines de retard. Donc il y avait absolument le temps d’exprimer les positions en présence, les « pour » et les « contre », que la société en débattent avec ses différentes instances. »
« On devrait faire de cette crise une occasion pour augmenter les connaissances scientifiques et un débat sur la démocratie. »
« Le Conseil de Défense, à huis clos, n’avait aucune raison d’être. C’est fait pour que l’ennemi ne sache pas ce que l’on décide. Mais l’ennemi, c’est le virus ! De qui on se cache ? De la société ? »
« On n’a pas vécu une épidémie, mais des épidémies successives. Chaque variant prend tout à contrepied. »
« Le paradoxe, c’est qu’on allait entrer dans une campagne présidentielle sans réel débat sur la santé, sur la politique erronée suivie depuis vingt ans. »
« On envoie le message suivant : aujourd’hui, avec Omicron, il est exclu de contrôler la circulation du virus. On ne peut que protéger les hôpitaux, qu’on n’ait pas encore un excès de morts – des morts qui ne sont pas ceux du Covid, mais ceux qu’on n’aura pas pu soigner, les AVC, les infarctus, les cancers qu’on repousse… Une collègue me disait hier que 30% des patients de son service ayant un cancer ont vu leur chirurgie reportée. »

Sur votre tribune dans le JDD où vous écrivez qu’« il serait bon de conseiller systématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée en cas de forme grave de Covid »
« C’est un peu une provocation. La tribune commence par dire la règle éthique des soignants : on soigne une personne en fonction de ses besoins de santé, sans tenir compte de ses croyances politiques religieuses ou autres, de ses représentations, de son comportement de santé. Il n’est pas question de changer cette règle. Ceci-dit, il y a la question du tri. Les moyens ne sont pas illimités. La santé est un bien commun, gratuit. C’est pas un supermarché. Actuellement, il y a des victimes – qui ne sont pas fondamentalement les non-vaccinés –, c’est ceux qui ne seront pas dépistés de leur cancer, ceux qui attendent. »
« Est responsable de cette situation la politique gouvernementale qui dure depuis vingt ans. La logique commerciale et contrainte aboutit à une folie : la pénurie et le gaspillage. Notre système de santé, c’est 20 à 30% d’actes inutiles et, en même temps, une pénurie de lits en réanimation, aux urgences, en post-urgences. Les professionnels ont aussi leur part de responsabilité. Faire une prescription inutile, en médecine, c’est pas seulement un problème économique, c’est un problème éthique ! »
« Mais il en va aussi des usagers. Ce bien est précieux. Vous ne voulez pas vous faire vacciner, c’est votre choix, vous dites « c’est ma liberté absolue », très bien. Mais la liberté s’arrête là où commencent celles des autres. Si vous êtes un libéral absolu qui pense que la société n’est qu’une somme d’individus, eh bien allez jusqu’au bout ! Rédigez des directives anticipées. »
« Je mets les gens face à leurs contradictions. Mais je ne regarderais pas si une personne est vaccinée ou pas pour savoir si vous devez l’intuber ou pas ! »
« D’expérience, je sais que ces gens qui refusent les dialyses, qui assurent que quand ils auront les complications du diabète, ils feront ce qu’il faut pour en finir… Mais quand arrive l’heure, ce n’est pas ça qui se passe du tout. Quand le corps parle, quand vous avez des grandes douleurs, que vous asphyxiez, vous dites « au secours ! ». »
« Ne pas se faire vacciner, ça n’est pas comparable au fait de fumer. Là, ce sont des gens qui choisissent délibérément – il n’y a pas une addiction qui les empêche – et qui disent « moi d’abord ». Il n’y aura pas de services publics s’il n’y a pas de valeurs publiques. C’est les valeurs qu’on a célébrées lors de la première vague : une société réunie derrière des valeurs portées par les soignants. Tout ça se décompose. »
« Quand Macron fait son discours sur les premiers de cordée, le message est terrible. Il dit aux derniers de cordée : « Vous valez ce que vous gagnez ». »

Sur la responsabilité des non-vaccinés
« La santé, c’est une responsabilité. Vous avez une responsabilité vis-à-vis de tous. Le vaccin ne devrait pas être un sujet politique. Il y a des pays où ça n’est pas un sujet politique. La responsabilité est aussi du pouvoir. Même le Président est allé saluer Didier Raoult. Le gouvernement, croyant que ça ne durerait pas, espérait emporter la mise en politisant la crise. C’est un peu irresponsable. L’opposition est tombée dans le panneau en ne faisant que s’opposer. »
« Si vous êtes contre Macron, vous devez être contre le vaccin… c’est aberrant ! »
« La responsabilité collective a été abîmée par les scandales sanitaires comme le Mediator. »
« Que le Président crée un Conseil scientifique, ça ne va pas. On ne sait pas si c’est son conseil personnel, s’ils sont tenus à un devoir de réserve. Les avis du Conseil sont publiés par le ministère de la Santé dans le mois qui suit. Donc après la parole présidentielle éventuellement. Mais il devrait faire connaître son avis avant les décisions politiques. »

Comment faire pour éviter le tri des patients ?
« On est incapable de prévoir. On navigue à vue. On a l’hypothèse que quand tout le monde sera contaminé, on aura un peu plus de morts mais tout le monde sera immunisé et ça s’arrêtera. Je crois qu’on ne sait rien dire aujourd’hui. »
« Les morts collatérales se voient moins, elles sont étalées dans le temps, elles sont moins mesurables – quoi qu’on voit que l’espérance de vie a diminué. »
« Le rapport bénéfice/risques est démontré, même chez les jeunes. »
« La chose la plus urgente à faire, c’est la vaccination. »
« On pourrait réquisitionner les cliniques privées. »

Sur la fin du Covid
« Entre le vaccin et les gens qui auront eu le Covid, on aura l’immunité. C’est la logique de ces épidémies. Alors, il faudra arrêter de vacciner et vivre avec, pour ne pas agresser un virus « gentil ». »
« C’est invraisemblable que les vaccins ne soient pas un bien public mondial. L’égoïsme des pays n’a d’égal que l’égoïsme des individus qui ne se font pas vacciner. »

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