Notre campagne : liberté, égalité, antiracisme

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Dans la campagne présidentielle qui s’est engagée en France, le racisme est partout, l’antiracisme, nulle part. L’extrême droite semble ainsi avoir gagné la bataille idéologique. Voilà pourquoi nous voulons proposer une autre campagne – notre campagne. C’est à nous de faire exister un contre-espace antiraciste, en incluant des contre-publics : celles et ceux dont on entend parler sans cesse, mais que l’on n’entend jamais.

Dans la campagne présidentielle qui s’est engagée en France, le racisme est partout, l’antiracisme, nulle part. On s’inquiète de la compatibilité de l’islam avec la République, et du supposé « problème de l’immigration » ; mais il serait interdit de parler d’islamophobie ou de xénophobie d’État. Sur les discriminations raciales et la ségrégation spatiale et sociale, ou sur le racisme ordinaire, pas une phrase ; rien sur l’antitsiganisme, ni sur la négrophobie. On refuse de nommer les violences policières, qui ont fini par déborder des banlieues vers les centres villes, des cités aux manifestations : « ces mots sont inacceptables dans un État de droit », a tranché le président de la République. C’est sans doute la même logique de déni qui amène à ne rien dire des refoulements illégaux aux frontières pour empêcher les demandes d’asile : silence, on tue.

Bien sûr, ce n’est pas vraiment nouveau. Il y a longtemps que les politiques nous imposent des débats qui n’en sont pas, comme sur l’identité nationale. Sous couvert d’« insécurité culturelle », on attise ainsi le ressentiment identitaire. C’est à la Hongrie de Viktor Orban que font songer les politiques dirigées en France contre les Roms ; et Donald Trump et Jair Bolsonaro ne nous paraissent plus exotiques. Même le vocabulaire a fini par changer de sens. Il est tout le temps question de laïcité, y compris au Rassemblement national ; mais jamais pour parler, comme en 1984, des financements publics d’écoles catholiques. Qu’en est-il aujourd’hui de la séparation des églises et de l’État ? On a préféré nous faire croire que bannir le voile était la préoccupation première de la population française. La laïcité ne serait-elle plus une promesse de liberté religieuse ?

L’extrême droite semble ainsi avoir gagné la bataille idéologique. S’en prendre aux études postcoloniales permet d’éviter la moindre interrogation sur le traitement colonial des outre-mer. Les antiracistes qui dénoncent les politiques de racialisation se font accuser de racisme, a fortiori lorsqu’il s’agit de personnes dites racisées, c’est-à-dire exposées au racisme ; en revanche, on peut désormais se draper dans l’universalisme pour mobiliser contre le prétendu « racisme anti-blanc ». Et la dérive xénophobe et raciste va toujours plus loin. Même l’antisémitisme fait retour dans la vie politique. Un slogan comme le « Grand remplacement », promu comme « théorie », vaut invitation dans les médias, alors qu’un terroriste s’en réclame pour justifier son massacre dans deux mosquées à Christchurch ; en revanche, analyser l’islamophobie expose des universitaires à l’accusation de « complicité intellectuelle avec le terrorisme », et des associations à la dissolution. Quand des condamnations pour racisme ouvrent la porte d’un grand média, et que la récidive n’émeut guère le Conseil supérieur de l’audiovisuel, il ne faut pas s’étonner si le racisme décomplexé dicte le ton de cette campagne.

Voilà pourquoi nous voulons proposer une autre campagne – notre campagne. On y parlera d’autre chose ; et ce sont d’autres voix qui se feront entendre. Si l’espace public est « gangrené » par le racisme et la xénophobie, c’est à nous de faire exister un contre-espace antiraciste, en incluant des contre-publics : celles et ceux dont on entend parler sans cesse, mais que l’on n’entend jamais parler ou presque. Et que l’on n’aille pas, pour délégitimer l’antiracisme, opposer les classes populaires aux minorités : en réalité, celles-ci sont surreprésentées parmi celles-là, et inversement. De fait, notre société ne se réduit pas aux bruits et aux odeurs qui ont envahi le discours politique. Le racisme d’en haut n’est qu’une partie de la vérité de ce pays. Il y a toute une vie qui vibre dans notre société, loin de cette cacophonie nauséabonde. Il est grand temps de faire entendre une autre politique qui bouillonne déjà dans les quartiers et dans les rues : en témoignent les mouvements sociaux qui, malgré la répression, et contre la dépression, se multiplient depuis des années, ces mobilisations qui se croisent et parfois se rencontrent.

Il y a urgence ; c’est pourquoi nous appelons à une réunion publique, le 4 avril 2022 à Ivry, avant le premier tour de l’élection présidentielle. Toutefois, notre campagne ne s’arrêtera pas avec l’élection ; c’est pourquoi nous appellerons, après le second tour, à une seconde réunion. Notre campagne n’est pas délimitée par le calendrier de la campagne officielle. Car, nous le revendiquons haut et fort, le politique ne se réduit pas, dans la société, à la politique des partis telle qu’elle se joue aujourd’hui dans l’élection présidentielle. Nous appelons donc à faire campagne, dès demain, puis au lendemain de l’élection, et au-delà, pendant les cinq années qui viennent, pour que, dans la devise de la République, le mot fraternité, que sa consécration par le Conseil constitutionnel contre le « délit de solidarité » teinte d’antiracisme, redonne leurs couleurs aux mots liberté et égalité.

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