Allocations familiales : s’attaquer aux étrangers conduit à s’attaquer aux Français

Allocations familiales s’attaquer aux étrangers conduit à s’attaquer aux Français

Au nom de leur obsession à l’encontre des immigrés, les sénateurs ont créé dans la loi Immigration une nouvelle catégorie de citoyens : les enfants français nés de parents étrangers. Des petits Français, donc, qui n’auront pas les mêmes droits que leurs camarades ayant des parents français.

La semaine dernière, Regards a publié un article que je voulais humoristique, voire caustique, sur les votes des sénateurs sur la loi Immigration. Mais, en fait, maintenant, fini de rire.

Le Sénat a donc voté un amendement concernant en particulier les allocations familiales. Celles-ci sont obtenues sous condition de résidence en France : il faut vivre en France au moins 6 mois « au cours de l’année civile de versement des prestations » et, pour que les choses soient bien claires, il est précisé : « Il n’y a pas de condition de nationalité ». Pour les étrangers non-membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen, ou de Suisse, le séjour en France doit être régulier.

Le Sénat a ajouté l’amendement suivant au deuxième alinéa de l’article L. 512 du code de la Sécurité sociale qui concerne ces étrangers : « et résidant en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 ». En somme, l’amendement du Sénat substitue à une obligation de résidence de 6 mois, quelle que soit la nationalité, une obligation de nationalité des parents puisque tous les autres parents n’ont toujours que cette obligation de résidence de 6 mois.

Maintenant, imaginons que des parents étrangers non-membres de l’Union européenne, de Suisse, ou de l’Espace économique européen, dont au moins l’un est né en France, ont des enfants nés en France : ces enfants sont Français de naissance, en vertu du double droit du sol, alors que leurs parents sont donc étrangers – il ne suffit pas d’être né en France pour être Français. Avec l’amendement voté par le Sénat, on comprend donc que ces parents seront privés d’allocations familiales pendant 5 ans et que leurs enfants français en seront donc affectés. Il y aura une différence de traitement entre enfants français du fait des origines de leurs parents, certains ayant dans les faits — grâce à la nationalité de leurs parents — plus de droits que d’autres : la loi pénalisant les parents étrangers pénaliserait des enfants français.

Français comme un juif en 1940

Y-a-t-il un exemple en France de loi entraînant un traitement différent et durable entre les enfants français du fait des origines de leurs parents ? Oui, au moins un : le statut des Juifs du 3 octobre 1940. Cette loi de Vichy renvoyait les fonctionnaires juifs, un juif étant « toute personne issue de trois grands parents de race juive ou de deux grands parents de la même race si son conjoint lui même est juif ». Donc, l’enfant, par exemple, d’un fonctionnaire juif et d’une mère non-juive n’était pas juif puisqu’il n’avait que deux grands-parents juifs. Cette loi a donc abouti au fait que des enfants non-juifs ont été pénalisés — plus de salaire parental — par rapport aux autres enfants non-juifs, si un des parents était un fonctionnaire juif (mais la loi n’oubliait pas d’autres professions dans son article 5).

L’amendement du Sénat reproduit dans les faits la même logique : des enfants français seraient pénalisés par rapport à d’autres enfants français du fait des origines de leurs parents. Allons plus loin dans l’horreur. Imaginons des parents israéliens et juifs (tous les Israéliens ne sont pas juifs), dont l’un est né en France, ayant des enfants nés en France, et s’établissant en France : ils attendront 5 ans pour bénéficier des allocations familiales pour leurs enfants. Triste symbole.

Le Sénat s’est, à mon sens, déshonoré en votant un amendement s’attaquant à certains étrangers et qui va, conséquence ultime, pénaliser des enfants français : nous verrons si l’Assemblée nationale osera faire de même. Maintenant, si j’ai compris de travers et que jamais le moindre enfant français ne sera considéré, au final, comme ayant moins de droits que d’autres du fait des origines de ses parents, j’attends avec intérêt l’argumentation des deux sénateurs LR et centriste qui ont fait voter cet amendement ou de tous ceux qui l’ont voté.

Partager cet article

Actus récentes

Abonnez-vous
à notre NEWSLETTER
quotidienne et gratuite

Laissez un commentaire