À quel prix gouverner ?

Ce samedi, lors de leur université d’été à Blois, les socialistes ont affirmé leur volonté de succéder à François Bayrou. Pour crédibiliser leur demande, ils ont assuré ne pas vouloir utiliser le 49.3 et ils ont proposé un contre-budget chiffré avec un retour du déficit sous les 3% en 2032.
Les socialistes sont attachés au sérieux et à leur statut de parti de gouvernement. Pour ne pas être pris en défaut, la situation budgétaire a donc été jugée « cataclysmique » par le président du groupe des sénateurs socialistes, Patrick Kanner. Et les parlementaires socialistes ont présenté leur contre-budget, pour y faire face. Assurément ces propositions sont moins pires que celles de François Bayrou. Il ne s’agit plus de réduire de 44 milliards le déficit du budget mais de 22 milliards. Ils ont dit le mot magique « retraite à 62 ans », mais pas celui d’abolition de la réforme Borne : ce qu’ils proposent est une mise sur pause (aujourd’hui on peut partir à 62 ans et 9 mois et dès le 1er janvier il faudra atteindre 63 ans). À charge pour les partenaires sociaux de trouver le financement pour « atteindre l’objectif du retour à 62 ans ». C’est beau comme l’antique ; de la pure langue socialiste.
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Olivier Faure, le premier d’entre eux, a présenté l’abandon de la CSG sur les tous petits salaires comme un « formidable gain de pouvoir d’achat » pour les femmes seules, par exemple. Mesurez l’aubaine : 900 euros de plus par an ! Ça fait 75 euros de plus par mois. C’est mieux que l’inverse, on est d’accord. Des économies de près de 3 milliards sur le système de santé et pour faire bonne mesure, des économies sur le « train de vie de l’État ». La taxe Zucman serait mise en œuvre (2% de prélèvement annuel sur les patrimoines supérieurs à 100 millions) ; un plan d’investissement de 19 milliards dans le logement, la transition écologique…
Que dire de telles propositions ? Incontestablement, ça sonne globalement « gauche ». Olivier Faure et l’ensemble des socialistes s’y sont réancrés, faute de quoi ils auraient poursuivi leur séance au purgatoire de l’insignifiance politique mesurée lors de la dernière présidentielle (1,57%). Ils ne nous disent plus que « leur ennemi, c’est la finance » mais que leur valeur, c’est « la justice sociale et fiscale ». Et on peut les croire sur ces deux points. Le problème n’est pas leur grand cœur, mais leur doctrine.
Alors, non, on ne déteste pas les socialistes. Ils sont socialistes et on ne va pas changer de point de vue chaque six mois sur leur histoire, leur pensée, leur sociologie même. Mais sans toute la gauche, les voilà de nouveau en perdition. Et c’est peut-être aussi ce qu’attend LFI…
Certes, les socialistes ont pris des distances avec « la politique de l’offre » mise en œuvre par François Hollande et poursuivie par Emmanuel Macron (on dit « pro-business » désormais, c’est plus clair). Mais ils n’ont pas imaginé une autre façon de penser la France. L’idée que la force de notre pays n’est pas nichée chez les riches, mais dans nos cerveaux et notre histoire ne les structure pas du tout. À l’inverse, pour une partie de la gauche, elle s’incarne dans une idée : « l’humain d’abord ». Et voici l’autre béance : pour les socialistes, comme pour les autres forces de gauche, l’alliance des gauches et des écologistes n’a aucunement été une chance pour repenser la politique mais pour se perpétuer, se renforcer si possible. Les socialistes ne voient pas que, sans les insoumis, il en est fini du carburant dynamique de la gauche d’aujourd’hui. Ceux qui luttent sont largement de ce côté-ci. Et on ne peut pas vouloir déplacer les montagnes sans les lutteurs, les audacieux, les rêveurs.
Alors, non, on ne déteste pas les socialistes. Ils sont socialistes et on ne va pas changer de point de vue chaque six mois sur leur histoire, leur pensée, leur sociologie même. Mais sans toute la gauche, les voilà de nouveau en perdition. Et c’est peut-être aussi ce qu’attend LFI… Soyons clairs, sans eux, non seulement la gauche ne pèse pas assez mais il manque le cœur de la contradiction : changer dans le monde capitaliste comme il va.
En attendant, chacun se complait dans l’assurance de ne gouverner « jamais avec les insoumis », d’une part, et dans la promesse de censurer tout gouvernement qui ne serait pas insoumis, d’autre part. L’échec est donc programmé en toute hypothèse. Les « unionistes » sont pris dans l’étau. Et nous tous, les gens de rien… on compte les points. Mais vive la gauche ! On n’a rien d’autre.