La Convention de Bernard Cazeneuve et ses Delga collatéraux

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Cazeneuve 2027 ? Une mauvaise blague à la chute sans fin.

Dernier Premier ministre du quinquennat Hollande – c’est dire s’il avait laissé un souvenir ébloui au pays –, Bernard Cazeneuve croit à ses chances en 2027. Après avoir démissionné du Parti socialiste, le voilà à la tête d’une nouvelle officine dénommée « La Convention ».

 

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La Convention ? Clin d’œil au Parlement qui fonda la République, celle des soldats de l’an II et qui siégea de 1792 à 1795 ? Vous n’y êtes pas du tout, la Révolution Bernard, il ne sait pas ce que c’est. Non, le parallèle historique est plutôt à chercher dans la Convention des Institutions Républicaines (CIR), parti fondé en 1964 par François Mitterrand.

Dans les pas de Mitterrand ?

Le retour à cette séquence mittérandienne n’est pas sans écho avec la situation actuelle. Lorsqu’il crée la CIR, petite organisation de centre gauche de quelque 5000 membres, la situation du socialisme français est désastreuse. La SFIO est, en effet, sortie essorée des guerres coloniales et d’une politique économique qui l’a éloignée du monde du travail. En 1962, la SFIO a perdu 80% de ses adhérents par rapport à la Libération et la moitié de son électorat. Le parallèle avec l’actuelle situation du Parti socialiste est saisissant et il faut bien reconnaître que s’il faut rejouer l’histoire, François Hollande fait un parfait Guy Mollet.

De la CIR au congrès d’Épinay, en 1971, il faudra sept ans au futur président de la République de 1981 pour rassembler la gauche non communiste. S’il faut chercher une analogie historique, c’est sans doute celle-là que Bernard Cazeneuve a en tête.

Lors du 103ième congrès du PRG tenu le week-end dernier en Haute-Garonne, son président Guillaume Lacroix a annoncé que son parti rejoindrait en tant qu’organisation La Convention qui, à l’instar de la CIR, fonctionne comme une fédération.

Le parallèle s’arrête pourtant là. La CIR avait dû nettement évoluer à gauche avant d’arriver à ce très grand moment de théâtre que fut l’intervention de Mitterrand au congrès d’unification de 1971 : « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste ». Bernard Cazeneuve n’en est pas là, ses intentions programmatiques encore moins.

Ne demandez pas le programme !

Sur quelle base l’ancien Premier ministre compte-t-il avancer ? Ce n’est à vrai dire pas bien clair et ce n’est pas le « Manifeste pour une gauche sociale, démocrate, républicaine, humaniste et écologique » qui éclairera quoi que ce soit.

Un texte d’une pauvreté d’analyse et d’un vide idéologique qui laisse pantois. Une très mauvaise copie de Sciences Po qui enfile poncifs et banalités à un niveau rarement atteint. Du bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, on ne saura rien, de celui de François Hollande encore moins – mais là on s’en doutait un peu. « La réparation de l’État, abîmé et fragilisé par de funestes réformes, la réduction inconsidérée de ses moyens, comme de sa capacité d’agir, notamment pour protéger les Français et la banalisation de son statut » aurait pu signer une forme d’autocritique même tardive, il n’en est rien.

Si le passé relève de l’amnésie, le présent tient lui du déni. L’absence de majorité pour Emmanuel Macron à l’Assemblée devient ainsi « aucune des oppositions n’a reçu la faveur de nos concitoyens comme si, dans la gravité du moment, l’absence d’esprit de responsabilité qui semble présider aux choix de chacune d’elles, contribuait à les disqualifier toutes ». Et hop ! exit la dynamique de la Nupes qui a très largement empêché Emmanuel Macron d’obtenir une majorité à la chambre en présentant des candidats communs. Il est vrai que les amis de Cazeneuve, comme Carole Delga, ont eu un rôle inverse en faisant élire des députés Renaissance, voire RN, en essayant d’affaiblir la gauche.

Parmi les prouesses du texte, on citera ce passage en défense de la 5ème République : « Alors que depuis plus de soixante ans, notre pays a connu de multiples alternances qui ont permis à des majorités de sensibilités différentes de mettre en œuvre leurs programmes, que les cohabitations successives se sont déroulées sans heurts, que des crises le plus souvent profondes ont pu être surmontées sans que l’indivisibilité de la Nation ne soit rompue, on voudrait s’en prendre à ce qui tient encore ». On pourrait s’amuser d’une telle arriération si elle n’était pas le fruit d’une pensée qui toujours privilégie l’exécutif sur le législatif, la technocratie sur la démocratie : « Rien de l’ambition nationale ne peut se concevoir sans un État déconcentré fort, retrouvant sous la coordination des préfets les moyens d’une action ancrée dans les territoires et donnant un visage humain à l’administration ».

Si, au-delà de principes creux, on ne saura pas grand-chose, en revanche, l’ennemi est, lui, clairement désigné tout au long du texte sans jamais être cité : la Nupes. Curieuse dialectique qui consiste, pour combattre l’extrême droite, à détruire son seul rempart, la Nupes. Quant à affronter la Macronie, il n’en est même pas question.

La conclusion, forme d’apothéose, nous affirme qu’« il n’y a pas l’inéluctabilité de la droitisation de la société, de la réaction et de l’extrémisme de droite ou de gauche accomplissant leur œuvre destructrice ». La droitisation de la « gauche » libérale autoritaire est, elle, sans limite.

La bataille de l’Ariège

Dans ces conditions, pour ce petit groupe, la législative partielle dans la première circonscription de l’Ariège revêt une importance toute particulière. Lors des élections de juin 2022, c’est la candidate sortante LFI Bénédicte Taurine qui avait été réélue sous la bannière de la Nupes. Au premier tour, cette dernière était arrivée largement en tête avec 33,12% des suffrages, devant la candidate LREM à 19,96%, le candidat RN à 19,94% et la candidate PS dissidente, soutenue par Carole Delga, à 18,08%. Seules 600 voix séparaient la candidate arrivée quatrième de la candidate LREM.

Le calcul est assez simple : escompter, comme pour toute élection partielle, une forte augmentation de l’abstention. Cette abstention accrue renforce mécaniquement le candidat qui bénéficie du vote clientéliste le plus fort et c’est le cas de la socialiste dissidente Martine Froger, soutenue par la présidente de la région Occitanie et la présidente du conseil départementale de l’Ariège. Dans cette optique, une qualification au second tour devient possible contre la candidate de la LFI-Nupes. Il restera alors à obtenir un bon report des voix macronistes pour faire élire la candidate dissidente. C’est exactement ce qui s’est passé au moins de juin dans la deuxième circonscription de l’Ariège. Arrivé second avec 21,79% des voix derrière le candidat LFI Michel Larive (29,09%), le socialiste dissident l’avait nettement emporté au second tour avec le soutien du candidat Ensemble (quatrième avec 13,06%).

Être les idiots utiles de la Macronie, telle est la fonctionnalité de ce groupe. Benoît Simian, ancien socialiste, élu député LREM en 2017 et surtout connu pour le harcèlement de son ex-femme, a ainsi déclaré : « Il faut que tous les orphelins de la gauche de gouvernement aient une maison commune alors qu’une autre gauche fait du spectacle ! » On a les soutiens à la hauteur de ses ambitions…

Car au fond, le projet de Bernard Cazeneuve est celui d’un Modem déconfessionnalisé et autoritaire. Triste retour aux pires heures du radicalisme finissant, dans l’entre-deux-guerres, Cazeneuve se serait prononcé Daladier.

 

Guillaume Liégard

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