Personne n’y comprend rien

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Entre les renoncements et arrangements socialistes d’un côté, et les insoumis qui votent avec la droite avant de s’en justifier de l’autre, le débat budgétaire vire au brouillard total. L’illisibilité politique gangrène la démocratie elle-même…

Il fut un temps où la politique budgétaire avait encore un sens : des lignes de force et des choix assumés. Aujourd’hui, le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale, censés identifier les priorités du pays, sont devenus un terrain de jeu incompréhensible. Nous sommes les spectateurs de savantes tactiques et de coups de billard à douze bandes.


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Le Parti socialiste, en position charnière pour éviter la censure du gouvernement Lecornu, avait fixé trois demandes : la suspension de la réforme des retraites, la fin de l’usage du 49.3 et la création d’une « taxe Zucman » sur les superprofits et les grandes fortunes. Trois symboles de cohérence. Trois exigences qui se sont effondrées les unes après les autres. La suspension de la réforme des retraites ? Devenue un décalage dans le temps, si le Sénat le veut bien. Le 49.3 remisé ? Il apparaît comme quasi nécessaire pour faire passer… le report de ladite réforme. Et la taxe Zucman ? D’abord abandonnée, puis ressuscitée sous une forme « light » : vidée de sa substance en excluant le socle du patrimoine, les biens professionnels. Un bricolage fiscal d’une portée équivalente à l’ISF. Au total, un budget Frankenstein, recousu de concessions et de renoncements que de rares personnes appellent encore compromis.

En vérité, plus personne ne sait qui vote quoi. Les majorités se font et se défont d’un texte à l’autre et la politique devient un brouillard. Les citoyens n’y comprennent plus rien. Les cohérences se perdent dans les sables des petites négos.

Mais la confusion ne vient pas que des socialistes : elle est générale. Même La France insoumise, qui se voulait le pôle de clarté à gauche, y participe à l’insu de son plein gré. L’épisode du vote commun avec Les Républicains sur l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu l’a illustrée. LFI a voté un amendement (identique au sien) de Laurent Wauquiez, le président des députés LR, pour indexer le barème sur l’inflation, ce qui a mécaniquement fait tomber l’amendement du PS, plus ciblé sur les premières tranches. Les socialistes, fidèles à leur politique ciblée et non universelle, ont dénoncé un cadeau fait aux plus riches. Manuel Bompard a répliqué en accusant le PS de se trumpiser : s’il n’avait pas voté cet amendement, des millions de contribuables modestes auraient été touchés par l’inflation sans revalorisation fiscale. « Je vote les mesures qui aident les pauvres, même si elles viennent de la droite », a-t-il expliqué.

En vérité, plus personne ne sait qui vote quoi. Les majorités se font et se défont d’un texte à l’autre et la politique devient un brouillard. Les citoyens n’y comprennent plus rien. Les cohérences se perdent dans les sables des petites négos. Ce flou est un poison démocratique. Car une démocratie malade de ses compromis obscurs, élaborés on ne sait où, de ses votes contradictoires, est une démocratie qui se vide de son sens. Alors oui, personne n’y comprend rien. Et c’est bien le problème : quand tout devient illisible, les tenants de l’ordre se distinguent. L’extrême droite apparaît comme l’alternative à l’évident chaos.

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5 commentaires

  1. H le 29 octobre 2025 à 01:09

    Une bien étrange conclusion…

    Il faut vous ressaisir à « Regards » car, vous avez – à votre corps défendant – de trop hâtives complaisances avec l’innommable. Cherchez-vous à vous rassurer en vous faisant complaisamment peur ? Arrêtez de vous précipiter dans vos analyses politiques et cessez de distribuer les bons points à vos ennemis fatals. Ils ne le méritent pas et ils n’ont que des idées de mort. Vous le savez pertinemment alors pourquoi tendre la joue et distribuer des fleurs nauséabondes en fin d’article ?

    Au delà de cet étrange article où vous semblez perdu à faire semblant de ne pas comprendre la clarté des propos de M.Bompard, je vous renvoie à un bref éditorial de la Rédaction, tout aussi étonnant paru hier sur l’Argentine et les résultats des élections législatives. En terme sibyllins vous menacez les partis de gauche qui ne répondraient pas – soi disant – aux problématiques de l’extrême-droite. La belle affaire !

    Il y avait surtout dans votre article le même oubli – si énorme ! – qu’ont fait, elles aussi, les chaînes de télévision mainstream, trop contentes de féliciter le psychopathe au pouvoir.

    Argentine – Élections législatives = 67 % d’Abstention !

    Là était sans doute la véritable information et il est bien dommage que vous n’en ayez pas non plus parlé.

    Vos propos finissent de plus en plus souvent par devenir très ambiguës. Attention à la cécité sur le site « Regards » !

    • Lemarchal le 29 octobre 2025 à 15:38

      C’est exactement ce que je disais dans mon post … qui a été supprimé ! ( l’étrange conclusion, la clarté des propos de M.Bompard … ).

  2. Lucien Matron le 29 octobre 2025 à 18:15

    Il ne s’agit pas de se brouiller l’esprit et de rajouter de la confusion à ma situation politique actuelle. Dans l’histoire de l’Assemblée Nationale, il serait facile de retrouver quelques votes à l’unanimité qui ne sauraient justifier tel ou tel accord entre groupes politiques. Pour autant la recomposition politique en cours sous nos yeux, chaque jour, un peu plus écarquillés, mérite un examen plus attentif.
    Le plus facile est l’évidence d’un rapprochement sur le côté droit de l’hémicycle : RN, républicains Ciottistes. Au centre, la situation est plus complexe autour de l’extrême centre macroniste. A gauche, il est clair que le PS a abandonné ses anciens compagnons du Nouveau Front Populaire dont il avait approuvé le programme de législature en 2024…
    Dans toutes les analyses, il ne faudrait pas oublier l’essentiel c’est à dire le corps électoral lui-même traversé par les multiples courants politiques. Ceux qui remporteront les prochaines élections seront ceux qui sauront mobilisés les électeurs et les énergies. Il est donc plus que jamais nécessaire de clarifier les enjeux.

  3. Toto le 29 octobre 2025 à 21:10

    « En vérité, plus personne ne sait qui vote quoi.  »

    Et bien je sais très bien sur quoi porte ‘action de LFI :
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/10/29/budget-2026-l-assemblee-nationale-taxe-les-multinationales-et-les-gafam-contre-l-avis-du-gouvernement_6650100_823448.html
    FAIRE PAYER LES MULTINATIONNALLES

    Nous sommes sincèrement désolés, LFI ne travaille pas pour une union vide de sens au profit de la carrière de tous les élus de goche !!

    Nous travaillons pour la justice sociale et Regards nous rappelle fort justement que du point de vue des appareils, nous sommes bien seuls. Mais le Peuple nous comprend mieux que Regards….

  4. Berthelot Jacques le 31 octobre 2025 à 06:47

    « A gauche, il est clair que le PS a abandonné ses anciens compagnons du Nouveau Front Populaire dont il avait approuvé le programme de législature en 2024 »
    Tout est clairement exprimé dans ce commentaire.
    le PS dans sa volonté de se sauver et donc de sauver Lecornu et la macronie est en train de tuer toute possibilité d’unité à gauche et de rendre possible toute victoire de la gauche et d’empêcher le RN d’accéder au pouvoir.
    Il faudra qu’un jour ils répondent de cette faute politique, dans la situation actuelle, il vaut mieux qu’ils ne se montrent plus dans les actions syndicales, les mouvements sociaux.

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