Mayotte, laboratoire français de l’indignité républicaine
Il suffit d’écouter les macronistes en parler : le droit du sol, c’est pour la France, la vraie, pas pour les Mahorais.
Il y a des choses que l’on voit venir, que les médias indépendants documentent, que les associations et les ONG dénoncent, que les élus de gauche tentent de prévenir. Et puis il y a le « sens de l’histoire », en l’occurrence d’une tonalité assez brune en ce premier quart de siècle.
Mayotte. Ce cotillon sur l’Océan indien. Il y a peu de temps, le droit du sol y était déjà amoindri par le gouvernement français. Désormais, le brave Darmanin entend bien y mettre un terme : « Nous allons prendre une décision radicale qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle ». L’île doit rester territoire français, pour des raisons militaires, économiques, (néocoloniales ?), mais hors de question que ses habitants se prennent pour autre chose que ce qu’ils sont : des Noirs. « Des bébés papiers, cela ne sera plus possible », exultait Estelle Youssouffa, députée LIOT de Mayotte. À voir si la modification constitutionnelle mentionne précisément Mayotte ou si la classe politique ouvre entièrement la boîte de Pandore – c’est le souhait du RN et des Républicains.
Reprenons précisement les mots de Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Citoyenneté et à la Ville – qui refuse d’admettre que la suppression du droit du sol équivaut à l’instauration du droit du sang – : « À Mayotte des drames humains arrivent, ces fameuses petites embarcations, qui s’appellent des kwassa, sur lesquelles les femmes viennent accoucher, qui viennent notamment, en grande majorité, des Comores, pour accoucher dans des conditions catastrophiques, tout ça pour que leur enfant puisse être mahorais, donc français. Le département de Mayotte, subit une vague d’immigration illégale, irrégulière, féroce, et où les Mahorais n’en peuvent plus […] il ne faut jamais avoir mis ses pieds là-bas, à Mayotte, et savoir ce que nos concitoyens mahorais vivent à cause de cette immigration justement, qui est poussée par ce fameux droit du sol, vous naissez à Mayotte vous devenez français, et du coup c’est un point d’arrêt, je pense, nécessaire à cette vague d’immigration illégale ».
De deux choses l’une : si les femmes étrangères viennent accoucher à Mayotte, ce n’est pas dans leur majorité parce qu’elles espèrent que leurs enfants deviendront Français un jour, mais que peut-être c’est lié à la meilleure situation sanitaire, comme l’écrivait Martial Villefort ici même. Et quand bien même les Mahorais seraient favorables à la proposition de l’exécutif, en quoi la fin du droit du sol impacterait quoi que ce soit leurs problèmes d’immigration, de sécurité ou de pauvreté ? Comme pour leur fameuse loi Immigration, les macronistes ne répondent pas à la question. Le seul effet sera de polluer un peu plus encore la vie des gens.
La France est une République indivisible (+ Mayotte)
Et quand la journaliste Neïla Latrous lui demande ce qui a changé entre 2018 – lorsque Marine Le Pen proposait de supprimer le droit du sol à Mayotte – et aujourd’hui où la Macronie s’apprête à le faire, la secrétaire d’État lâche calmement : « La mauvaise mesure d’hier devient une bonne mesure maintenant parce que le monde change ». Et de fermer la porte à une extension sur l’hexagone : « Les départements, les territoires d’Outre-mer, ne peuvent pas être considérés comme le territoire national […] à situation catastrophique, réponse exceptionnelle ». Belle vision de la France indivisible ! Quand on pense qu’en 2009, les Mahorais ont voté à 95% pour devenir un département français…
Le droit du sol n’est pas une petite chose en France : il fait partie de notre histoire depuis le 14ème siècle. Faut-il haïr à ce point son propre pays pour tout envoyer balayer d’un revers de la main ?
D’aucuns s’interrogent : à partir de combien de loi inspirée, soutenue ou voulue par l’extrême droite et passée par Emmanuel Macron peut-on dire que ce gouvernement, cette majorité et ce Président sont d’extrême droite ? Parce que depuis l’annonce de la fin du droit du sol à Mayotte, on sabre le champagne chez Marine Le Pen. Pour autant, la Macronie persiste dans le déni, à l’instar de Prisca Thevenot, la ministre déléguée chargée du Renouveau démocratique, qui jure n’avoir « rien en commun avec Marine Le Pen ». Elle même ne semble pas y croire pas.
Pourtant, la dérive est telle qu’il faut que certains macronistes, et pas des moindres, recadrent eux-mêmes leurs ministres en plein flirt avec le Rassemblement national.
Pour revenir à Mayotte, il se dit que la suppression du droit du sol passerait par un référendum. Emmanuel Macron ayant évoqué l’idée d’un tel vote à mainte reprise sans jamais la réaliser, il ne faut pas trop y croire. Néanmoins, le ministre de l’Intérieur l’a promis : « Il ne sera plus possible de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parents français ». Une pensée pour tous les Mahorais qui tomberaient amoureux d’un étranger : vos enfants ne seront pas Français ! Ça ressemble à une assignation à résidence familiale…
Vous pensez que « Ce qui se passe à Mayotte reste à Mayotte » ? En vérité, c’est plutôt « Quand vous voyez faire du mal des Mahorais, ouvrez l’œil, il s’agit de vous ». Il ne faudra pas venir pleurer d’ici quelques années : tout le monde sait.
On ne peut instaurer ce qui existe déjà : le droit du sang est inscrit dans la loi. C’est l’acquisition de la nationalité par filiation. Il n’est nullement incompatible avec le droit du sol.
Pardonnez, mais « l’indignité républicaine » c’est ce qui se passe à Mayotte depuis des années, et sûrement pas la fin du droit du sol.
« L’île doit rester territoire français », en effet mais ni « pour des raisons militaires et économiques » et encore moins « néocoloniales » mais pour respecter la souveraineté populaire (renseignez vous sur ce concept intéressant) des mahorais ayant choisi leur destin français depuis bien longtemps.
Quant au fait d’ouvrir « la boîte de Pandore », c’est d’abord le souhait d’une large majorité de la population française (vous savez, la souveraineté) mais visiblement le fait d’être aussi le souhait « du RN et des Républicains » suffit à le disqualifier. Rassurez-vous ça n’arrivera pas, car
Allez donc défendre vos thèses face à E.Youssoufa, si toutefois vous aimez les déculottées en public.
Quant au fait que la loi ne changera rien dans les faits, c’est la même rengaine absurde et malhonnête qu’on entend dans tous les camps sur tous les sujets : ça sert à rien d’interdire X puisque les gens le font quand-même. Pensez, depuis le temps qu’on a interdit le meurtre, est-ce les meurtres ont pris fin ?