Mayotte, la gauche attendue

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Macron, Bayrou et Le Pen se sont rendus à Mayotte et ont fait entendre leurs visions de la reconstruction de l’île. Bien vite, sûrement, entendrons-nous les visions de la gauche.

Comment reconstruire Mayotte ? Les réponses deviennent l’emblème des différents projets politiques. Premier à s’être rendu sur place, Emmanuel Macron était mal préparé, a apporté des vivres en quantité symbolique (quatre tonnes) et a eu des mots brutaux pour intimer aux Mahorais davantage de reconnaissance envers la France. Comme une loupe sur son empêchement d’agir qui le rend encore plus désagréable.


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Deux semaines plus tard, le premier ministre et une partie de son gouvernement sont venus avec un plan d’urgence qui sera présenté ce mercredi en conseil des ministres et sous 15 jours au parlement. Il annonce des prêts garantis par l’État avec différé de remboursement, l’électricité d’ici la fin janvier, une rentrée scolaire adaptée, des lois dérogatoires en matière économique (type zone franche) et de droit de la construction.

Emmanuel Macron comme François Bayrou relancent le débat sur la remise en cause du droit du sol pour faire face à l’ampleur de l’immigration illégale venues des Comores. Ils sont validés par de très larges pans médiatiques. Daniel Cohn-Bendit a apporté sa contribution en parlant absurdement de « grand remplacement » qui menace Mayotte.

Face aux discours autoritaires et dérégulateurs, on aimerait de franches positions de gauche sur la reconstruction.

Dans ce contexte politiquement très favorable, Marine Le Pen débarque sur l’île. D’ores et déjà les dirigeants du RN expriment sur les antennes l’approche de la cheffe de l’extrême droite : remise en cause du droit du sol, rentrée scolaire maintenue avec évacuation des écoles occupées par des Mahorais sans logement, non reconstruction des bidonvilles, déploiement de l’armée. Marine Le Pen dira sûrement que la France a manqué à ses devoirs vis-à-vis de Mayotte et elle s’inscrira dans la logique des propositions de François Bayrou.

La fin des vacances sera, on l’espère, l’occasion d’entendre les propositions de la gauche. Aujourd’hui, elle rappelle à bon droit que l’ampleur des désastres est liée à l’extrême précarité des constructions et à la grande misère, et que tout cela nourrit le vote d’extrême droite. Certes. Mais face aux discours autoritaires et dérégulateurs, on aimerait de franches positions de gauche sur la reconstruction.

Mayotte ne sera pas reconstruite ni contre ni sans les Mahorais. Cela ne fait aucun sens d’annoncer l’interdiction de la reconstruction des bidonvilles. Il faut aider les Mahorais à rebâtir des maisons plus solides, mieux contreventées, évidemment avec les tôles qui sont leur trésor. Il faut livrer du bois de construction et enclencher un processus de solidification de ces villes précaires. Là se joue l’action de la puissance publique. Comme ailleurs dans le monde, comme en France dans les banlieues du début du 20ème siècle, cela passe par la réalisation de routes et non de chemin de terre avec de l’éclairage public, des réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts. Cela passe par des services de ramassage des ordures. C’est dans ces services publiques que se joue, ici comme partout, une possible vie digne. 

Cela ne fait aucun sens non plus de prétendre faire une rentrée scolaire « normale », même différée d’une semaine. 70% des écoles sont a minima endommagées, les professeurs touchés, choqués ; les enfants traumatisés et démunis. Il faut inventer (en fait, s’inspirer d’autres expériences) l’école hors les murs avec délicatesse.

Cela ne fait aucun sens de couper Mayotte de son archipel. Alors que les liens sont séculaires, la rigidité des autorisations de séjours à Mayotte alimente le désastre des clandestins. Il faut revenir à la raison : alors que 10% des personnes présentes illégalement sont évacuées chaque année, on ne réglera rien en passant à 20, 40, 50% d’évacuations. Aussi difficile et inhabituel que cela soit, il faut penser ensemble Mayotte et les Comores. Et avec les dirigeants islamistes des Comores, aussi détestables qu’ils soient. Il faut obtenir des nouvelles de la mission de recensement des morts… Enfin, il faut cesser les prétentions absurdes qui ne font qu’accroitre l’incrédulité et la défiance à l’égard du discours public.

L’État doit mobiliser une diplomatie créative, déployer des moyens techniques et matériels pour réparer écoles et bâtiments publics, reconstruire l’île et ses habitants. Mais il doit surtout changer d’approche : faire avec les Mahorais et appeler à une large mobilisation, partout en France, celle des bâtisseurs (architectes, ingénieurs, étudiants), des professeurs, des soignants. Une société ne se reconstruit pas seulement par l’État, encore moins quand il suscite de la défiance. Les ressources fondamentales sont en nous : tel pourrait être un projet et un discours de gauche sur la Nation et sur les fonctions de l’État. 

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3 commentaires

  1. carlos_H le 6 janvier 2025 à 18:04

    Enfin quand on dit l’Etat… on n’oubliera pas l’Union Européenne soit entendu (https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/100/regions-ultraperipheriques-rup-)
    Il est clair que concentrer des moyens économiques sur un point géographique dans un territoire caractérisé par le dénuement le plus total va forcément déstabiliser la zone toute entière. C’est un château de carte qui n’a pas eu besoin de l’ouragan pour s’effondrer tant la situation spécifique de MAYOTTE était déjà tendue!

    L’option la moins désastreuse reste de créer une coopération étroite entre ses pays voisins et le territoire, pour favoriser l’émergence d’un tissus économique et social dans la zone entière relativement « homogène » à même d’offrir un cadre de vie caractérisé par un meilleur accès pour TOUS aux biens communs et aux droits fondamentaux…
    Il s’agit du coup d’envisager les projets de développements locaux de manière plus large comme par exemple avec le développement d’une filière d’approvisionnement locale « performante » pouvant subvenir aux besoins « premiers » de la population du département français… autant que des communautés étrangères voisines.
    Sous couverts de « profiter » aux populations étrangères, c’est en réalité un deal « gagnant/gagnant » qui permettrait de ramener le calme et la sérénité dans des « lieux de vie », en même temps que d’ouvrir de nouvelles perspectives pour l’enracinement durable et vivifiant de toutes les communautés de la zone!

    La France achète aujourd’hui sa tranquillité avec le gouvernement des Comores (suite au non respect du droit international par la France sur le dossier de MAYOTTE) à coup d’aides financières qui malgré tout restent bien inférieures aux transferts financiers issus de la diaspora ou même aux coûts générés par l’immigration illégale comorienne… Alors qu’elle aurait tout à gagner à fabriquer par exemple un maillage culturel solide à travers des programmes d’échange « étudiants » (ce qui implique de participer à l’essor du système éducatif local), des programmes « scientifiques » (sur la problématique de l’eau, des énergies renouvelables, des systèmes d’alerte tsunamis, volcaniques et ouragans, etc…), du développement des ressources locales dans le respect de la préservation des moyens de subsistances (problématique des chaînes d’approvisionnement locales et l’amélioration de la résilience territoriale), etc…

  2. carlos_H le 6 janvier 2025 à 18:13

    …Tout ça a un coût bien supérieur à ce qui a déjà été injecté… Mais seul un Etat, ou une organisation supra-nationale sont en mesure de produire de tels investissements. Ont-il seulement envie de le faire?
    A quand les « bons du trésor » ou les « emprunts publics » ouverts au grand public pour financer les mégas projets « de transition » au sens large (la plus grande transition restant de passer d’une économie fondée sur la « croissance » à celle fondée sur « l’équilibre » et la préservation des 9 limites planétaires? Tiens… ça me fait penser à la « règle verte » du programme l’avenir en commun. Qui à gauche a un programme à part LFI ?

  3. carlos_H le 6 janvier 2025 à 18:18

    … Beaucoup de Gros chantiers… Pour lesquels il faut débloquer de Gros moyens!
    Qui y est prêt à gauche?
    J’aurais tendance à dire les mêmes que d’habitude… mais j’espère bien me tromper et que le NFP resterait uni sur ce genre de dossier! Cependant, mon petit doigt me dit qu’il ne restera que LFI pour tenir tête aux « nationalistes » dont l’humanisme s’arrête aux frontières.

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