L’Europe divisée et sans projet
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Trump et Poutine redessinent la carte de l’Ukraine dans leur coin, les Américains multiplient les tractations pro-extrêmes droites et les coups de pression économiques. Et l’UE capitule d’avance ?
Face aux discours et aux actes de Donald Trump, ce qui prévaut est encore la sidération. Il faut maintenant en sortir. La violente diatribe du vice-président J.D. Vance à Munich ne doit plus seulement provoquer de la sidération. Peut-on être sidérés de ses propos enjoignant les Européens à bloquer l’immigration qui conduirait au terrorisme, à accorder une liberté d’expression sans limites même lorsqu’elle met en péril nos valeurs démocratiques, à bannir tous les interdits contre le racisme, à stopper les politiques redistributives ou de protections sociales, à arrêter toute volonté d’égalité notamment vis-à-vis des femmes et des minorités sexuelles ? Peut-on encore être surpris de cette immixtion étasunienne dans les prochaines élections en Allemagne, Vance s’affichant au côté de la dirigeante du parti d’extrême droite AfD ?
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Après le premier ministre argentin, J.D. Vance est venu à Munich énoncer avec cohérence la doctrine et la politique d’extrême droite qui prévaut aux États-Unis, la proposant comme modèle à suivre. L’intervention outrageante de Vance signifie clairement que les Américains entendent peser sur le monde du poids de leur pays et de leurs convictions effrayantes.
On verra cette stratégie de Washington aujourd’hui encore avec la reprise des relations avec le pouvoir poutinien dans cette rencontre accueillie par un autre grand pays démocrate, l’Arabie saoudite. Entre puissances liberticides destructrices du climat, vouées aux affaires et aux mains des oligarques, on va imaginer le monde d’après. Fi de l’Onu, fi du multilatéralisme, fi du respect des frontières ! Les échanges s’intensifient : après Benyamin Netanyahu, c’est le premier ministre indien qui a été longuement reçu à la Maison Blanche. Une alliance des impérialismes d’extrême droite se met en place.
Une alliance des impérialismes d’extrême droite se met en place. L’Europe ne sait comment faire face à Donald Trump. Et l’Union européenne semble aussi prête que Chamberlain et Daladier ne l’étaient en 1938.
Le discours en direction des Européens se résument à peu : achetez nos armes et notre IA, augmentez vos dépenses militaires. Que fait-on ? Ursula van Der Leyen dit oui aux injonctions et dénoue les cordons de la bourse : on peut dépasser les 3% de déficit si c’est pour acheter des armes. Que fait Emmanuel Macron ? Il réunit des chefs d’État choisis – seulement sept d’entre eux, d’Europe de l’Ouest. L’Europe puissance se construit en évacuant des pays tels que la République tchèque ou la Roumanie, pourtant bien engagés dans la question ukrainienne… Dans cette vision, les « petits pays » compteraient bien peu. Notre ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barot, lui, « met en garde ». Super ! Et qu’a-t-on vu au sortir de ce mini-sommet informel ? Des pays européens divisés avec en leur sein – surprise ! – une avocate de la politique de Trump, Georgia Meloni.
L’Europe ne sait comment faire face à Donald Trump et son plan de « paix » entre l’Ukraine et la Russie qui ressemble davantage à une capitulation qu’à une négociation. Les Ukrainiens et leur représentant, Volodymir Zelensky, ne sont d’ailleurs pas conviés. Trump vise la prédation du sous-sol ukrainien. Les pays européens ? Eux non plus n’ont pas voix au chapitre. Quelle assurance, quels gages avons-nous que Vladimir Poutine ne continuera pas d’avancer ses pions sur le territoire européen ?
Nous sommes à nouveau en 1938, à nouveau à Munich. À l’époque, un empire était en voie de (re)constitution sur des fondements nazis. La France et la Grande-Bretagne n’étaient pas prêtes pour l’affronter et avaient signé des accords. On connaît la suite. Aujourd’hui, ce sont deux empires, l’un russe et l’autre américain, qui entendent étendre leur pouvoir. Et l’Union européenne semble aussi prête que Chamberlain et Daladier ne l’étaient.
En 1938 il y avait, à côté de la menace nazie la menace communiste représentée par l’URSS. Ces deux menaces s’allièrent en 1939 pour déclencher la guerre, au cours de laquelle les Américains apportèrent une aide décisive à l’Europe pour vaincre le nazisme. Le communisme fut vaincu bien après, par la révolte des peuples qu’il prétendait asservir.
Aujourd’hui l’URSS a été remplacée par la Russie de Poutine. Les Européens ne savent pas y faire face, oubliant de tirer les leçons de Munich. Les États-Unis non plus, pourtant leur allié, qui les invitent à se défendre seuls en première ligne, sans compter sur l’OTAN, mais en trouvant dans leurs propres ressources de quoi parer la menace russe. C’est le nouveau défi américain, qu’il faudra savoir relever.