Les premiers ministres se succèdent et rejouent la même scène : tendre la main au RN

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Le rythme auquel les premiers ministres se rapprochent du RN s’accélère. En pure perte pour leur maintien à Matignon mais pas sans conséquence politique.

Ce week-end, dans un grand entretien accordé au Parisien, Sébastien Lecornu ferme la porte à toutes les attentes de la gauche et des syndicats. Attend-il pour autant les bras ballants son sacrifice annoncé ? Comme ses prédécesseurs, il espère l’indulgence de Marine Le Pen. Une nouvelle fois, c’est vers lui que le pouvoir se tourne.


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On se souvient que ce fut le cas de ses prédécesseurs. « Menacé de censure, Michel Barnier cherche le compromis avec Marine Le Pen », titrait Le Monde le 29 novembre. Michel Barnier n’était plus qu’à quelques jours de sa chute comme premier premier ministre post-dissolution. Il promettait alors de diminuer « sensiblement » le « panier de soins » de l’aide médicale d’État. Il assurait que des mesures seraient prises « à court terme » pour « lutter » contre l’immigration illégale et pour la « maîtriser » de façon « très stricte ». Il annonçait également qu’un projet de loi serait présenté « au printemps » pour instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives. Le 3 décembre, Michel Barnier chute.

Nommé dans des conditions rocambolesques, François Bayrou avait pris les devants et tentait d’amadouer le RN dès sa prise de fonction. Le 27 janvier sur LCI, le second premier ministre post-dissolution reprend à son compte un élément de langage essentiel du RN. Et il assume. « François Bayrou maintient l’idée d’une ‘submersion’ migratoire », titre Le Monde le 28 janvier après que celui-ci a réitéré ses propos devant l’Assemblée nationale.

Le 30 mars il se déclare « troublé par l’énoncé du jugement » contre Marine Le Pen. Il ne ménage pas ses efforts pour parvenir à un accord sur la proportionnelle. Les appâts sont les mêmes. La suite aussi. François Bayrou chute. Ultime lâcheté, même après avoir perdu la confiance de l’Assemblée, François Bayrou prépare des décrets pour réduire l’AME.

Avant même sa déclaration de politique générale, Sébastien Lecornu ferme la porte à toutes les revendications sociales et attentes de la gauche. En revanche, le RN n’est pas oublié.

À peine nommé, Sébastien Lecornu devance l’appel. Avant même sa déclaration de politique générale, il vient d’accorder un long entretien au Parisien. Il ferme la porte à toutes les revendications sociales et attentes de la gauche. Ni taxe Zucman, ni retour de l’ISF, ni suspension ou abandon de la réforme des retraites. Rien sur les déremboursements de médicaments, les suppressions de postes de fonctionnaire. On passe d’un objectif de réduction du déficit de 4,6% jugé trop rapide à… 4,7% ! La gauche n’aura rien. Elle va censurer, évidemment.

En revanche, le RN n’est pas oublié. Une loi sera présentée contre la fraude sociale. Les agences de l’État sont mises en cause. Et bien entendu, lui aussi promet une restriction de l’AME. Se référant au rapport de Claude Evin (l’ancien ministre socialiste de la santé) et Patrick Stéfanini (le grand humaniste chef de la campagne de Fillon et Pécresse), il propose « des évolutions de certains critères ou une modernisation administrative pour lutter contre les fraudes. Il faut examiner cela dans le détail. »

À la question « Faut-il réformer l’exécution provisoire qui frappe d’inéligibilité Marine Le Pen ? », le premier ministre déclare : « Si une loi pose débat, il appartient au Parlement de s’en saisir ». C’est un « go » clair et net. 

Ces séquences sont répétitives :

  • étape 1 : faire croire qu’on s’ouvre à la gauche (sortie en tête de la dissolution de 2024). Emmanuel Macron et le premier ministre mettent en scène le suspense et l’ouverture. Objectif : faire porter aux socialistes la responsabilité du blocage.
  • étape 2 : céder au RN. Sur les immigrés, l’abaissement sera total – sur le fond et dans les mises en cause de l’AME. Et dans la foulée tout lâcher : sur la fraude sociale, sur l‘inéligibilité de marine Le Pen et sur une réforme du mode de scrutin qui lui soit plus favorable, participer au concert de déstabilisation de la justice.
  • étape 3 : le RN empoche son gain. Ce week-end, sur LCI pendant deux heures, Marine Le Pen a encore joui du suspens de la goutte d’eau. Elle annonce ne pas vouloir censurer a priori. Sébastien Lecornu devra en lâcher encore et encore et valider ainsi thèses et propositions du RN. Et à la fin, renforcé, le RN censurera. 

Effroyable et pathétique.

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5 commentaires

  1. Berthelot Jacques le 30 septembre 2025 à 17:06

    Le RN est contre la taxe Zucman , contre l’ISF , contre l’augmentation du SMIC , contre l’abrogation de la réforme des retraites , ils sont en accord avec Lecornu et ne vont pas le censurer, ils vont prolonger sa vie politique en béquille de la droite et du MEDEF.
    Espérons que le PS l’a compris.

  2. Lucien Matron le 1 octobre 2025 à 08:59

    N’en déplaise à Raphaël Glucksmann et Jean-Luc Mélenchon, la division de toutes celles et de tous ceux qui se réclament de la gauche , par opposition à la droite et l’extrême-droite, est une machine à perdre les élections à tous les échelons . C’est la garantie de maintenir au pouvoir, la droite de Lecornu, Retailleau, Darmanin, Dati et de voir progresser l’extrême droite.
    Le Nouveau Front Populaire proposait un «  Contrat de Législature » clair , précis, selon un agenda réaliste. La proposition faite à Macron de constituer un gouvernement avec Lucie Castex comme Première Ministre a été balayée par Macron parce que ce contrat était une vraie rupture. Si la gauche , toute la gauche, de Mélenchon à Glucksmann, en passant par Faure, Roussel et Tondelier ne reprend pas les discussions sur les bases de ce contrat alors toutes les conditions seront réunies pour l’arrivée au pouvoir du tandem mortifère Le Pen- Bardella à la grande satisfaction du Medef, de la finance, des trumpistes.

    • BDPIF le 1 octobre 2025 à 12:29

      C ‘est foutu. Melenchon n’ a qu’une intention. Se présenter tout seul. D ‘une part, il y a l’âge, d’autre part, comme pour les dernières élections que la droite passe ou l’extrême droite, cà n’ a pas beaucoup d’importance pour lui.

      Donc, la gauche n’ a pas le choix, si elle veut espérer passer le second tour, elle devra voter Melenchon.
      Donc Le PS, le PCF, écolos et autres, devront tous retirer leur candidat, par obligation, sans avoir le choix. Par Force.

      Et ca ne suffira même pas, vu les positions internationales pro Russes et dictatoriales de Jean Luc Melenchon, beaucoup de gens de gauche préférerons encore voter au Centre, à droite ou s’abstenir, au nom des valeurs internationales de Gauche.

      Donc on peut rêver d’une coalalition Nupes pour les prochaines élections, sans y croire, Melenchon l’acceptera à la seule condition qu’il soit le seul candidat à Gauche.

      Inutile de brasser du vide. Les prochaines elections sont foutus pour la Gauche. Il ne reste plus qu’à espérer que les gens de Gauche comme moi voteront pour le candidat opposé au RN au second tour des prochaines élections. Et encore, cela ne suffira pas, car les gens de LFI eux, n’iront pas voter contre le RN.

      Donc pour ma part, j’irais donc voter Melenchon au premier tour, par obligation et par force, avec des pinces à linge, puis contre un libéral qui sera opposé au FN. Même pas sur que cela suffise à empêcher le RN de prendre le pouvoir.

  3. Renaud Bernard le 1 octobre 2025 à 11:33

    On ne peut condamner les effets de ce dont on chérit les causes. Ces jeux tactiques sont normaux dans le régime parlementarisme, c’est à dire la démocratie. La gauche et l’extrême-gauche d’un côté, la droite et l’extrême-droite de l’autre manœuvrent afin de se présenter en position favorable pour former une majorité et accéder au pouvoir. D’ici là il faut négocier des alliances, car en pratique aucun parti, qu’il soit de droite ou de gauche, qu’il soit modéré ou extrémiste, ne peut y parvenir tout seul.

    On ne fait l’économie de cette situation qu’en décrétant qu’une partie des citoyens est supérieure à toutes les autres et donc que la mission de guider le peuple vers le progrès lui revient. Cela, c’était le socialisme, c’était le nazisme, c’était le fascisme, régimes qui ont tous disparu et dont personne ne souhaite le retour.

  4. Berthelot Jacques le 2 octobre 2025 à 10:09

    C’est extrêmement inquiétant : Lecornu se rapproche du RN : voilà le tiercé gagnant: RN LR MEDEF.
    On a vraiment l’impression qu’à gauche on est loin d’avoir saisi l’ampleur du problème.
    Chacun met en place sa petite écurie présidentielle , s’auto proclamant candidate ou candidat , et pendant ce temps là l’extrême droite fourbit ses armes prête à instaurer « la préférence nationale » , l’Apartheid à la française.
    Sans sursaut unitaire , évidemment sans exclure LFI , la gauche est morte.

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