Les États-Unis déclarent la bataille culturelle mondiale
Le gouvernement Trump formalise un agenda offensif mêlant nationalisme économique et combat idéologique. Une stratégie qui trouve une Union européenne désarmée, incapable de penser son autonomie et encore moins de résister.
Vendredi 5 décembre, le gouvernement américain a publié un document exposant sa stratégie de défense nationale pour le nouveau mandat. Ce texte, compact, de 33 pages, s’ouvre par un court message de Donald Trump à ses concitoyens. Mais c’est tout le document qui se veut politique. À huit reprises, l’action est justifiée au nom de la défense des « travailleurs » américains, terme devenu rare dans les documents diplomatiques.
La concision est rendue possible par sa forte cohérence. Il faut dépasser les risibles flagorneries vis-à-vis du président américain. Il y a lieu de voir la profondeur de ce document. Tout n’est pas nouveau, mais tout est redisposé, mis à jour. Les mots sont crus : « Les stratégies américaines depuis la fin de la guerre froide […] ont énoncé de vagues platitudes plutôt que de définir clairement ce que nous voulons ». La charpente politique est affirmée par Donald Trump : « Dans tout ce que nous faisons, l’Amérique reste notre priorité » ; « L’unité politique fondamentale du monde est et restera l’État-nation ». Et à ce titre, « nous nous opposons aux incursions des organisations transnationales les plus intrusives qui sapent la souveraineté ». Il ne s’agit pas pour autant de revenir à l’isolationnisme : l’interventionnisme est envisagé au nom des intérêts américains mais il doit relever de « critères élevés ». La doctrine Monroe qui pose l’Amérique latine comme le champ naturel de l’influence états-uniennes est affirmée et étendue aux « chaînes d’approvisionnement essentielles » : « Nous voulons garantir notre accès continu à des emplacements stratégiques clés ». C’est clair ?
Les États-Unis formalisent dans un document officiel leur engagement dans une bataille politique et culturelle à l’échelle mondiale dont l’Europe sera une des premières cibles : « Les États-Unis encouragent leurs alliés politiques en Europe à promouvoir ce renouveau spirituel, et l’influence croissante des partis patriotiques européens est source d’optimisme. […] Ce déclin économique est éclipsé par la perspective réelle et plus sombre d’un effacement civilisationnel. Parmi les problèmes les plus importants […], les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des conflits. »
Les bases de la puissance sont affirmées et vouées à être retrouvées et étendues : frontière nationale, puissance militaire et industrielle, indépendance énergétique, innovation et nouvelle technologie, monnaie internationale avec le dollar. Des objectifs purement idéologiques complètent ces bases matérielles : le « soft power » est une arme. « Le courage, la volonté et le patriotisme du peuple américain » sont érigés en socle de puissance. La promotion de « la famille traditionnelle » et le combat contre le wokisme sont considérés comme des enjeux stratégiques.
Mais le cœur de la puissance reste la force économique. Les moyens de l’État sont mis à la disposition des entreprises nationales partout où elles sont présentes.
Ce document est une feuille de route pour l’action des États-Unis dans le monde. Concernant les relations avec l’Europe, l’interventionnisme est explicitement sur le terrain politique : « Les États-Unis encouragent leurs alliés politiques en Europe à promouvoir ce renouveau spirituel, et l’influence croissante des partis patriotiques européens est en effet source d’optimisme. Notre objectif devrait être d’aider l’Europe à corriger sa trajectoire actuelle » ; « Ce déclin économique est éclipsé par la perspective réelle et plus sombre d’un effacement civilisationnel. Parmi les problèmes les plus importants […], les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des conflits. »
Après le discours stupéfiants de J. D. Vance à Munich en février, quelques jours après l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les États-Unis formalisent donc dans un document officiel leur engagement dans une bataille politique et culturelle à l’échelle mondiale dont l’Europe sera une des premières cibles.
La réaction infantile de Kaja Kallas, vice-présidente de l’Union européenne chargée des relations internationales, est inquiétante. Comme les enfants qui cachent leur visage quand ils ont peur, elle déclare que les États-Unis restent « le plus grand allié de l’UE ». Elle est dans la veine de la présidente de la commission acceptant sans condition toutes les exigences économiques de Donald Trump. Après avoir appliqué avec un dogmatisme fou l’idéologie néolibérale, après avoir réduit le projet européen à un grand marché – et seulement à cela –, après avoir lâché les ambitions sociales, écologiques, démocratiques et de respect du droit international, la commission constate la montée des extrêmes droites. Elle ne réfléchit pas, ne renonce pas, n’affronte pas ; elle compose.
Dans ces circonstances, empêcher la victoire de l’extrême droite en France devient un enjeu non seulement pour notre pays, mais pour notre continent et pour la démocratie. La bataille sera rude. On le savait déjà. Elle devra aussi faire face à la puissante Amérique. What else ?