Les derniers jours du Parti socialiste…
C’est le livre événement de la rentrée littéraire et politique, signé Aurélien Bellanger. Une si belle occasion, Arnaud Viviant ne pouvait omettre d’y consacrer sa chronique.
Il y a peu, je lisais un tweet sur X qui disait : « Un jour on réalisera le mal profond qu’a fait le Printemps Républicain à la gauche et plus largement à l’unité du pays, en rendant acceptable d’avoir des discours et des actions clairement racistes et xénophobes sous le masque d’un laïcisme perverti ». Eh bien, ce jour est arrivé avec la parution, dans le cadre de la rentrée littéraire, du nouveau roman d’Aurélien Bellanger, Les derniers jours du Parti socialiste.
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Un mot sur l’auteur pour celleux qui ne le connaîtraient pas encore. Au début du siècle, Bellanger est entré dans la carrière avec un remarquable essai littéraire sur Michel Houellebecq. Cela fit que les romans qu’il produisit par la suite furent souvent paresseusement qualifiés par la presse de houellebecquiens. A tort. S’il faut leur accoler un adjectif, c’est plutôt celui de balzacien qui viendrait sous la plume. Si l’auteur de La Comédie humaine voulait concurrencer l’état civil, Bellanger réduit la focale en ne s’intéressant qu’aux êtres de pouvoir, le Who’s who de notre époque, à travers des biographies romancées (de Xavier Niel dans La Théorie de l’information ; du producteur de télévision Stéphane Courbit dans Télé-réalité) mais aussi, dans des romans plus amples où surgissent des personnages aussi réels que Sarkozy dans Le Grand Paris ou BHL dans Le Continent de la douceur.
Dans Les derniers jours du Parti socialiste, l’écrivain a choisi de modifier tous les noms des protagonistes. Mais on reconnaîtra facilement, sous celui de Grémond, Laurent Bouvet, fondateur du Printemps républicain (dont Bellanger a aussi modifié l’intitulé et qui devient ici le Mouvement du 9 décembre, date à laquelle la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État a été votée), décédé de la maladie de Charcot en 2022 ; Raphaël Enthoven, sous le nom de Taillefer ; Michel Onfray devenu Frayère. Ce sont les trois personnages principaux de ce roman où l’on croisera aussi Macron (le Chanoine), Philippe Val (sous le nom qui lui va à merveille de Revêche), Caroline Fourest ou encore Aurélien Bellanger lui-même (sous le nom de Sauveterre). Qu’est-ce que ça raconte ? Eh bien, comment un petit apparatchik du PS, Grémond donc, « un de ces hommes de l’ombre dont les romanciers s’emparent parfois pour définir l’esprit d’une époque », a utilisé le thème de la laïcité pour dépasser le clivage gauche/droite dans une France traumatisée par les attentats.
À titre personnel, je me souviens de m’être méfié à la naissance du Printemps républicain après avoir appris que, parmi les fondateurs du mouvement, il y avait Marc Cohen que je connaissais bien et qui avait été l’un des artisans du regrettable épisode « rouge-brun » dans les années 90. Devenu rédacteur-en-chef de Causeur, il allait publier le manifeste du Printemps républicain, conjointement avec Marianne. On le sait, la pensée du Printemps républicain se retrouve aujourd’hui dans le magazine Franc-Tireur dirigé par Raphaël Enthoven et Caroline Fourest, financé par Daniel Kretinsky, également propriétaire de Marianne, mais qu’il est en train de revendre au milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin.
N’attendez pas le second tour de l’élection présidentielle de 2027 pour lire Les derniers jours du Parti socialiste, et comprendre le piège qui a été tendu à la gauche avec ce simple mot : laïcité.
Comme l’écrit Aurélien Bellanger, par la voix de son personnage Sauveterre, « toute cette histoire de laïcité était un prétexte depuis le début. Votre conception de la laïcité cache quelque chose d’obscurément fascisant et on est sans doute engagé plus loin que je ne l’aurais cru dans un processus de fabrication d’un ennemi intérieur ». Autant de choses qu’on peut constater en regardant CNews (où Onfray dispose désormais d’une émission à sa botte, comme Zemmour en son temps et sans doute pour la même raison que lui : se présenter à l’élection présidentielle de 2027 comme l’imagine d’ailleurs Bellanger dans son roman) ou en écoutant les éditos « d’extrême droite moins une » de Philippe Val sur Europe 1. Bellanger invente cette expression à partir du fameux tweet de Raphaël Enthoven où il disait que « si Mélenchon et Marine Le Pen étaient au second tour, il irait voter pour cette dernière à 19h59 ». Certes, Bellanger a beaucoup moins de force romanesque que Houellebecq à qui il rend d’ailleurs hommage à la fin de son livre. Il est plus dense, plus cérébral, moins marrant ; mais aussi beaucoup plus structuré et pertinent politiquement que l’auteur de Soumission. N’attendez pas le second tour de l’élection présidentielle de 2027 pour lire Les derniers jours du Parti socialiste, et comprendre le piège qui a été tendu à la gauche avec ce simple mot : laïcité.
Cette chronique est extraite du prochain numéro de Regards, sous presse et bientôt dans vos boîtes à lettres – abonnez-vous, que diable !
Très juste cet article.
Bonsoir,
La loi de 1905 n’est pas celle de la séparation de l’Eglise et de l’Etat mais DES Églises et de l’Etat. Le pluriel est important. Le terme Église est à prendre dans un sens générique d’organisation religieuse puisque la loi sépare le culte israélite tout comme les cultes protestants ( luthérien et réforme) et catholique. Le théme du livre est la laïcité mais, malheureusement , l’auteur reprend tous les poncifs sur celle ci comme d’ailleurs le fait le Printemps républicain qui n’y connait rien mais instrumente la laïcité.
Et bien voila une excellent pub pour une sortie de livre, on se croirait dans une émission de Rance Inter où l’invité n’est qu’une excuse pour faire la promo de son prochain bouquin, pas certain que ce livre entre dans ma bibliothèque même si le titre est alléchant (à priori)…ben, non en fait !!!
La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’Etat ( c’est son intitulé) affirme que » la République assure la liberté de conscience et garantit le libre accès à des cultes… » . Autrement dit chacun est libre de croire ou de ne pas croire, peut accéder librement au culte de son choix s’il est croyant quelque soit sa religion. Mais depuis quelques années, ces éléments essentiels de notre loi républicaine commune ont été dévoyés au profit de la religion catholique sous prétexte que cette dernière serait un élément de l’identité nationale et au détriment de la religion musulmane sous prétexte qu’elle serait dangereuse. Il n’est donc plus question de liberté de croire ou de pratiquer mais d’instrumentaliser la laïcité à des fins politiques. Michel Onfray, Caroline Fourest, Raphaël Einthoven et quelques autres auteurs ont fait de cette instrumentalisation un petit business tout à la fois juteux et honteux à l’égard des lois républicaines.
Merci pour ce commentaire totalement juste et qui rend important le livre d’Aurélien Bellanger dont on conseille vivement la lecture.
L’avis de Jean Baubérot sur le livre d’Aurélien Bellanger
https://blogs.mediapart.fr/jean-bauberot-vincent/blog/230824/aurelien-bellanger-narrateur-de-l-illusion-d-une-laicite-pure
Bonjour,
Je viens de finir le livre d’Aurélien Bellanger et j’ai eu un peu de mal à reconnaître les personnages n’étant pas parisien ! certes Onfray, certes Enthoven mais Laurent Bouvet m’avait échappé. Je me demande, vue d’un petit village du Lot, si on ne surestime pas l’influence de Printemps Républicain ? il me semble que la mort de la gauche vient de plus loide Hollande n : 1983 abandon par Mitterrand d’une politique de gauche, référendum sur le TCE, propos de Jospin aux grévistes de LU en pleine campagne électorale, Valls premier ministre etc..
Je lis en même temps les livres de Eugénie Mérieau : La Dictature une antithèse de la Démocratie et celui de JF Spitz « La République ? Quelle Valeurs » sur le même thème : la perte de l’hégémonie culturelle de la gauche.