LA LETTRE DU 5 NOVEMBRE
Présidentielle américaine : l’avenir des démocraties sous les yeux du monde
Jour de vote aux États-Unis. Pour succéder à Joe Biden, qui de sa vice-présidente Kamala Harris ou de son prédécesseur Donald Trump va l’emporter ? Les jeux sont presque faits et rien ne va déjà plus.
Cette campagne présidentielle (ou plutôt l’affrontement en règle entre la Démocrate et le Républicain) fut particulièrement dense et scrutée, des deux côtés de l’Atlantique, et pas seulement parce qu’il s’agit encore de la première économie et de la plus grosse force de frappe militaire du globe.
Ceux qui s’autoproclament encore parfois leaders du monde libre habitent un pays en proie aux tourments d’un Occident qui se crispe et se cherche des perspectives. Aux États-Unis comme en Europe, on s’imagine souvent hérauts de la démocratie, défenseurs des droits humains, garants des libertés publiques comme individuelles. C’est, au fond, ces fantasmes qui ont porté à la fois les discours de Kamala Harris et de Donald Trump.
Des droits des femmes, notamment à disposer de leur corps, à ceux des minorités raciales comme de genre, la première a défendu l’idée d’États-vraiment-Unis, où chacun pourrait avoir sa juste place. Mais sans véritablement réussir à convaincre qu’elle puisse permettre d’envisager des lendemains qui chantent. Le projet de Kamala Harris est, disons-le, mal articulé au niveau des questions de travail, sans réelle vision écologique et en butte à une realpolitik internationale qui fait notamment s’échouer les plus beaux idéaux sur les côtes palestiniennes.
De l’autre côté de l’échiquier politique, Donald Trump aussi a voulu capitaliser sur une certaine idée de la démocratie : le pouvoir au peuple, américain bien sûr, blanc, masculin et hétérosexuel de préférence. Soulignant dès qu’il le pouvait le caractère effrayant du 21ème siècle, il a construit un projet de repli sur soi radical. Un projet qui permet, en creux, de voir les béances et les impasses de nos sociétés quant à l’élaboration de la mondialisation capitaliste ou des évolutions sociétales à l’œuvre.
Les résultats, dont les grandes tendances seront connues dans la nuit de mardi à mercredi, risquent d’être particulièrement serrés. Peu importe l’issue, Donald Trump devrait annoncer qu’il a gagné, enfonçant par là-même un peu davantage son pays dans la crise politique qu’il traverse. Et pouvant entraîner avec lui, de nombreux pays européens. La démocratie n’est pas un état de fait qui se conquiert ou se décrète une bonne fois pour toute, elle doit être un processus sans arrêt interrogé et renouvelé, creuset de toutes les dynamiques qui traversent nos sociétés. Mais surtout, surtout, la démocratie ne peut s’envisager sans un projet émancipateur et universel d’égalité, sans lequel elle n’est qu’un prétexte ou pire, une farce.
Pablo Pillaud-Vivien
MÉDAILLE DU JOUR
Paris 2024, JO antisociaux
Tout s’est hyper bien passé, c’était chouette, c’était la fête et en plus on a vibré ! Le volet social des Jeux de Paris, on en a beaucoup parlé avant, mais plus du tout pendant l’événement. Heureusement, certains citoyens veillent, comme le collectif Le Revers de la médaille, qui vient de publier son bilan, d’une tristesse qu’aucune médaille d’or ne saurait justifier. Au total, plus de 19 000 personnes ont été expulsées d’Île-de-France – dont 4550 mineurs – et 260 lieux de vies informels (campements, bidonvilles, squats) ont été évacués. En échange, l’État a créée 256 places d’hébergement… Le collectif évoque aussi le volet répressif des JO : « répression de militant·es, […] dévoiement de la garde à vue et des placements en CRA comme outil de nettoyage social, d’intimidation et de pression politique ». Sans parler des nouveaux joujoux du ministère de l’intérieur qui ont été déployés pour les JO, comme la surveillance algorithmique, les drones, etc., et qui vont être pérennisés. Quand la fête devient prétexte à la force, il n’y a plus de gagnants à l’arrivée.
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE
L’appel aux dons, lancé par le NPA, afin qu’il puisse racheter la Rotographie. Ce bâtiment historique, situé à Montreuil, en banlieue parisienne, n’est pas seulement le siège du parti, c’est aussi l’endroit de sa librairie La brèche, de la IVème Internationale et de l’imprimerie, « Roto », pour les intimes, « régulièrement mise au service de l’impression du matériel de nombreux mouvements sociaux, organisations syndicales ou associations », écrit le NPA dans son appel. Et de conclure : « Sans que ce geste ne constitue un soutien à toutes les positions du NPA, nous […] voulons continuer de faire vivre cet héritage social, politique et culturel dans un bâtiment qui, faute de rachat, serait voué à disparaître ».
ÇA SE PASSE SUR REGARDS.FR
Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !