LA LETTRE DU 26 DÉCEMBRE

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Gaza, Mayotte : Antigone ne peut toujours pas pleurer ses morts

par Loïc Le Clerc

D’une catastrophe à une guerre, ces morts innombrables disparaissent dans l’espace et le temps. Sans nom, sans sépulture, sans reconnaissance.

« La France fait face à la pire catastrophe naturelle depuis des siècles », selon les mots du premier ministre au lendemain de son cafouilleux voyage à Pau. Bilan officiel : 39 décès. Comme un vertige. Pourtant, après le passage du cyclone Chido, le 14 décembre, la rumeur progresse depuis l’archipel : il y aurait 60 000 morts. Car à Mayotte, au moins 100 000 personnes vivaient dans ces bidonvilles dont il ne reste rien. Absolument rien. Seul le silence règne.

À un autre bout du monde, une autre bataille de chiffres dure et perdure. Combien de morts à Gaza ? Les données officielles du Hamas font état de 40 000 victimes, quand des estimations montent jusqu’à 186 000 décès. Entre les deux, les innombrables ensevelis sous les décombres de la guerre. Ceux-là sont « portés disparus »: leur mort n’existe pas, le deuil toujours impossible. 

Dans la Manche, en Méditerranée, combien meurent noyés sans que nous ne sachions même qu’ils ont embarqués sur des radeaux de fortune ?

Par leur nature, ces évènements sont incomparables. Mais il est une chose qui les rassemble et nous dépasse : ces morts qui restent sans nom, sans visage, hors radars. 

Aussi loin que l’on remonte dans l’horreur dont est capable l’espèce humaine, la possibilité du deuil est liée au respect de la dignité humaine. Des fosses communes d’Espagne aux enlèvements de bébés argentins, ces atrocités ont des visages et des noms. Leur reconnaissance a fait l’objet de lutte. Enfin, ils existent.

À Gaza comme à Mayotte, sur les routes de l’immigration, ces morts n’existent pas.

Il importe absolument que ces disparus deviennent des morts, qu’ils soient nommés et que les vivants leur disent adieu. 

Sinon, comme Antigone nous ne pourrons trouver la paix.

Loïc Le Clerc

DEUIL DU JOUR

La veille de Noël, un conducteur de TGV s’est donné la mort sur son lieu de travail

Il s’appelait Bruno Rejony. Il était militant à la CGT cheminots de la Loire. Il a sauté de son train sur la ligne à grande vitesse sud-est. On ne connaît encore exactement ce qui a poussé ce père de 2 enfants à agir ainsi mais l’on sait une chose : l’indignité de certains médias qui ont tendu immédiatement un micro aux personnes que cette mort a coincé dans un train, le soir du réveillon, pour qu’elles déversent leur bile sur la SNCF et les syndicats. Indécent. Pensées à sa famille et à ses proches.

P.P.-V.

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L’arbre, le maire et la médiathèque, une fable cinématographique sortie en 1993 dont le réalisateur est Eric Rohmer. Un film sur les relations entre patrimoine, nature et modernité, sur les ambitions politiques des uns et l’intérêt général de tous les autres. Mais surtout un film qui donne à voir, parfois maladroitement certes, les métamorphoses à l’œuvre de notre société de façon particulièrement juste. Et Fabrice Luchini y est, comme toujours, grandiose. Disponible à la location sur Arte Boutique et sur UniversCiné.

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