LA LETTRE DU 23 JANVIER

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Algérie : les gesticulations de l’incendiaire Retailleau

En outrepassant ses fonctions pour engager un bras de fer brutal avec l’Algérie sur la question des OQTF, Retailleau n’arrivera à rien, sinon à jouer le jeu du pouvoir algérien corrompu.

par Catherine Tricot

À l’Express qui en fait sa Une cette semaine, Bruno Retailleau déclare au sujet de l’Algérie : « Puisque la manière douce n’a pas suffi, il me semble que nous devons à présent examiner l’ensemble des moyens à notre disposition pour remettre la relation sur de bons rails ». Si le moment n’était pas si angoissant, on en rirait. Mais comme l’époque et le monde sont inquiétants… on pleure de ces déclarations sans retenue de celui qui – officiellement – n’est que ministre de l’Intérieur. Sans doute se croit-il aussi ministre des affaires étrangères et ministre des armées quand il précise sa pensée sur BFM : « Sans rapport de force, on n’y arrivera pas ». Retailleau ravive nos souvenirs de lectures d’Astérix où un petit garçon bloque sa respiration et promet « retenez moi sinon je fais un malheur ». Ridicule.

Ne voit-il pas que la France est en train de perdre un à un tous les liens qui l’unissait aux pays africains ? Elle se fait chasser de tous ces pays à force de sentiment de supériorité insupportable, d’exploitation ou de spoliations inacceptables, d’ingérences politiques intolérables. Pourquoi la France a-t-elle reconnue la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidentale, contre l’ONU ? En Algérie même, l’Italie est devenue un partenaire plus présent que la France, elle-même loin derrière les États-Unis et la Chine. La réalité crue, c’est que c’est l’Algérie qui nous dégage.

Mais pour la France et les Français, l’Algérie ce ne sont pas que des relations commerciales, diplomatiques, stratégiques. 900 000 immigrés algériens vivent en France, près d’un français sur 4 a des relations personnelles avec ce pays : anciens pieds noirs, pieds rouges et coopérants, harkis et enfants d’harkis, époux ou épouse d’algériens, enfants d’algériens, 1ere, 2eme, 3eme génération etc. l’Algérie est dans le cœur de beaucoup d’entre nous. La maltraiter n’a rien d’anodin ; c’est une blessure infligée à nous-même. Menacer de réduire le nombre de visas, c’est faire souffrir les familles, rendre la vie encore plus compliquée aux étudiants et aux malades. Mettre en cause la Cimade c’est ôter des moyens de vie digne à tant d’immigrés isolés. Fustiger les accords de 68 (déjà passablement édulcorés au fil du temps) c’est revenir sur les équilibres de la décolonisation. Tout ceci ne fait qu’aviver, partout, le ressentiment à l’égard de la France.

Que croyez-vous que pensent les Algériens de tout cela ? Cela resserre les liens avec leur pauvre pouvoir corrompu, honnis parfois et déliquescent intellectuellement (Comment l’agence de presse officielle peut-elle parler d’un pouvoir « macronito-sionniste » !?).
Retailleau fait des moulinets avec ses bras, bloque sa respiration et devient tout rouge… mais il ne peut imposer, pas plus à l’Algérie qu’à tout autre pays, de recevoir les personnes frappées d’OQTF. Et d’ailleurs ce n’est pas vraiment son projet de trouver des solutions. Sinon pourquoi aurait-il annoncé sur X l’expulsion d’un influenceur avant même que la justice ne le demande et sans avoir négocié avec l’Algérie son arrivée ? Il s’est fait sèchement recadrer par les juges. Son objet est, et reste, idéologique.

Face à la prétendue « offense » de l’Algérie (qui, quelle ironie, entend rester maitre de ses frontières), Retailleau veut porter la « fierté française ». Il prétend tourner la page de la « repentance » et affirme que le récit culpabilisant est à déconstruire. Retailleau est un incendiaire transnational. Ce ministre de la droite radicale participe à sa mesure au projet de guerre civilisationnelle. Qui le fera taire ? Y-a-t-il encore un président et un premier ministre pour lui intimer le silence ? Y a-t-il une diplomatie et une politique vis-à-vis de l’Algérie… ailleurs que place Beauvau ?

Catherine Tricot

DÉMISSION DU JOUR

La porte-parole du ministère de l’Intérieur démissionne après avoir critiqué le syndicat Alliance

Porte-parole du ministère depuis décembre 2019, Camille Chaize, commissaire de police, a démissionné après la sortie de son livre Porte-parole. Réflexions personnelles de la voix officielle du ministère de l’intérieur. En cause, ses critiques du syndicat Alliance Police « et du pouvoir que l’administration a décidé de leur laisser », ainsi que du Rassemblement National. Des propos incompatibles avec son devoir de réserve, fait valoir le cabinet du ministère de l’Intérieur. À n’en pas douter, Bruno Retailleau serait aussi regardant sur des propos tenus par des fonctionnaires de son administration critiquant la CGT ou la gauche.

ON VOUS RECOMMANDE

Les quatre soeurs, un documentaire poignant en 4 épisodes sur 4 rescapées de l’Holocauste par le géant Claude Lanzmann à qui l’on doit aussi et bien sûr le magnifique Shoah. A voir sur Arte+7 pour que la sidération face à la violence antisémite continue de se conjuguer au présent, quelques jours avant le 80e anniversaire de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz par l’URSS.

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