LA LETTRE DU 16 JUIN

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L’insulte socialiste qui les arrange tous

par Catherine Tricot

Ils s’insultent et ils sont contents. Les leaders de la gauche n’en ont officiellement plus rien à faire de nous.

Jean-Luc Mélenchon est un coquin. Il fait mine de considérer comme subalterne la question stratégique qui fut au cœur du congrès du PS, celle des alliances politiques. Il les interpelle : « Vous ne pourriez pas vous disputer à propos d’autre sujet que LFI ou moi ? » et les appelle au débat de fond, le fameux débat « qui-intéresse-nos-concitoyens ». Le député Jérôme Guedj est un homme politique, pas seulement un homme légitimement blessé et ulcéré par les propos de Jean-Luc Mélenchon et les attaques dont il fut victime. Il n’est pas venu à la tribune du congrès pour dire ses états d’âme : quand il traite le leader insoumis de « salopard antisémite », il fait un acte politique pour créer de l’irréversible : la rupture définitive au sein de la gauche. Manuel Bompard est un fin calculateur quand il demande à Olivier Faure des excuses en place publique pour les propos de Jérôme Guedj : il sait qu’ils ne viendront pas et peut entériner ainsi une nouvelle fois la rupture avec le PS. Nicolas Mayer-Rossignol, le chef de file des opposants à l’union des gauches, en exigeant l’absence de tout accord avec LFI même aux législatives, a su trouver la phrase impossible pour faire capoter toute synthèse au PS. 

Ce week-end fut un festival de faux-culs. Tous faisaient semblant de parler d’autre chose alors qu’ils ne parlaient que d’une chose, consolider leur hégémonie à gauche ou la retrouver. Ils peuvent bien nous abreuver de belles idées (ou pas), toutes plus « radicales » les unes que les autres, si la gauche se maintient dans des eaux aussi basses et si elle poursuit ses infinies disputes… il n’en sera rien. Et chacun le sait. Donc si ça continue, c’est que chacun s’en fout. À la fin de la semaine, LFI va annoncer refuser tout accord aux municipales. Le PS l’a devancé. L’un et l’autre mettent fin à plus de 60 ans d’unité des gauches pour localement faire le mieux possible. Magnifique ! On est éblouis ! Rien ne justifie de telles ruptures qui auront un impact immédiat, non seulement dans la vie des gens, dans la préparation au réchauffement climatique… mais aussi dans la construction d’un rapport de force national.

La politique, c’est inextricablement une vision, des projets et des stratégies. Celles qui s’avancent sont désolantes. On a aussi un secret à partager : l’extrême droite est déjà dans la place, elle attaque et menace de tout emporter. La guerre gronde. On ne vous pardonnera pas ces médiocres calculs. Ras-le-bol.

Catherine Tricot

SLOGAN DU JOUR

« No Kings » : les mots inattendus de la contestation

Il a surgi sur les pancartes, dans les chants, sur les réseaux, comme une évidence rugueuse : « No Kings ». Pas de rois. Un vieux cri du cœur américain, hérité de 1776, qui refait surface dans les mobilisations contre Trump et la droitisation autoritaire des États-Unis. Il vise la dérive autocratique d’un pouvoir incarné par une figure masculine toute-puissante, capricieuse et violente. Une manière de dire que le trumpisme, plus qu’un programme, est un régime d’homme fort. Plus encore : No Kings devient une formule plastique, qui s’infiltre dans des recoins inattendus de la contestation. Vu à New York sur une banderole féministe : « No Kings, No Princes — only comrades ». Entendu à Los Angeles, scandé dans une Pride anticapitaliste : « No Kings, No CEOs ». Vu sur TikTok, repris par de jeunes queers : « No Kings, only queens ». Le slogan mute, glisse, s’approprie les codes d’une gauche jeune, intersectionnelle et sans patience. No Kings, c’est peut-être ce que pourrait être aujourd’hui un mot d’ordre républicain véritable : non pas seulement contre les monarques d’hier, mais contre tous les milliardaires-rois, flics-rois, patrons-rois, gourous-rois et influenceurs-rois d’un ordre social à bout de souffle.

P.P.-V.

CANDIDATURE DU JOUR

Autain veut une primaire pour faire vivre le NFP

Clémentine Autain l’avait laissé entendre à la radio en mars, elle développe sa proposition dans un entretien donné ce week-end à la Tribune du Dimanche : elle sera candidate dans une primaire à gauche. Elle ne s’envisage pas comme la candidate d’une sensibilité mais « aspire à représenter le tout » de la gauche. Elle se veut cheffe d’une équipe-chorale et propose une méthode : « Il faut d’abord bâtir un cadre programmatique commun, à partir de celui du Nouveau Front Populaire. C’est ce qui doit garantir que tout le monde reste soudé à la fin. » Se méfiant des primaires qui exacerbe les divisions, elle suggère « une primaire à choix majoritaire ou à choix préférentiel, à un tour ». La députée de Seine-Saint-Denis esquisse ce que serait sa proposition : « Je veux que la puissance publique devienne maîtresse du jeu. La marchandisation de la société doit être combattue par l’esprit public. Aujourd’hui, ce sont nos besoins qui s’adaptent à ceux du marché. Cela brise nos désirs et la planète. Ce que je veux faire, c’est l’inverse : adapter l’appareil productif à nos besoins authentiques. […] Contre la menace de l’extrême droite, on a su s’unir pour des sièges il y a un an et on ne saurait pas le faire pour sauver les Français en 2027 ? […] Les 9 millions de personnes qui ont voté pour nous n’ont pas disparu. Elles sont là et n’attendent qu’une seule chose, qu’on se mette d’accord. »

C.T.

ON VOUS RECOMMANDE…


Rhinocéros d’Eugène Ionesco. Dans cette pièce créée en 1960, chacun des habitants d’une ville se transforme petit à petit en rhinocéros. D’abord rejetées, puis acceptées, puis fascinantes, ces créatures homogènes, vertes, fortes et rugueuses sont l’incarnation du fascisme. Seul Bérenger décide de ne pas capituler : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ! » Aujourd’hui, la séduction pour les hommes forts et pour la guerre nous menace. Il faut voir ce que l’on voit. Ce texte, Rhinocéros, est au programme de Français des élèves de première. Vive la République, Vive la France !

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1 commentaire

  1. Marc le 16 juin 2025 à 13:56

    Bonjour,
    Enfin d’accord avec Catherine Tricot.
    Vive la gauche. Euh…laquelle ?
    Elle est où ?
    Le PC, qui n’ a de communiste que le nom, qui prône un communisme dont on ne sait plus très bien ce qu’il veut dire et qui va se planter aux prochaines municipales et présidentielles.
    Les ecolos : qui continuent, vaille que vaille, sur des thématiques qui n’intéressent plus grand monde et qui va se planter aux prochaines présidentielles.
    Un PS coupé en 2, 3, 4 …? qui oscille entre vague socialisme, social-démocratie, sociale- libéralisme et libéralisme tout court et qui fera un score moyen aux présidentielles.
    LFI, mené par un vieux grognon, et qui joue à….je ne sais pas quoi pour attirer des jeunes en mal de radicalité .
    Elle est gentille Clementine Autain, mais entre Ruffin, Glucksmann, Melenchon, Roussel et les ecolos, elle compte faire quoi, quoi d’autre et quoi de mieux.
    Oui, Catherine, ras le bol.

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