LA LETTRE DU 10 MAI

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Colombe : l’extrême droite se remplume

C’est l’histoire d’une femme, précaire, désespérée, qui se tourne vers le RN, ce qui… l’oblige à démissionner des Restos du Cœur. Une histoire triste comme Marine Le Pen les aime.

Le 1er mai, devant les caméras de TF1 à Perpignan, Colombe témoignait de l’émotion provoquée par sa rencontre avec Marine Le Pen. Comme chaque année pour la fête des travailleuses et des travailleurs, le Rassemblement national organisait un meeting. La sexagénaire raconte alors avoir du mal à vivre avec son RSA, être bénévole aux Restos du Cœur et ne retrouver espoir que dans les promesses de Marine Le Pen. La télé immortalise la détresse de Colombe dans une vidéo qui atteint très vite plusieurs millions de vues.

Et lundi 6 mai, elle n’est plus bénévole aux Restos du Cœur. Le point 5 de la charte des bénévoles exige « une indépendance complète à l’égard du politique et du religieux » et Colombe aurait donc « démissionné à contrecœur ». Même si les Restos du Cœur sont revenus depuis sur leur décision, très vite elle est devenue un martyre malgré elle.

Colombe est la cible idéale pour l’extrême droite : une femme fragilisée par un quotidien éreintant, sans perspective d’évolution de sa situation. Pour ne pas croire aux sirènes de l’extrême droite, il faut avoir déjà atteint un certain seuil de la pyramide de Maslow. Être en grande précarité oblige à renoncer à certaines sorties, aux vacances et prive donc peu à peu de bien des relations sociales, d’échappatoires. Le bénévolat, au-delà des engagements personnels, devient alors l’unique moyen de sociabilisation et de conserver l’estime de soi, en ayant encore une place dans la société. Retirer à Colombe cette possibilité d’être encore une citoyenne actrice ne peut que justifier à ses yeux son refuge sous l’aile perçue comme protectrice du RN.

D’ailleurs, Marine Le Pen ne tarde pas à s’emparer du sujet sur X : « Elle nous rappellera toujours pourquoi et pour qui nous nous battons ». Pourtant, le Rassemblement national n’est pas le fervent défenseur des travailleurs. Si on les entend beaucoup sur la question migratoire et celle de la délinquance, la communication de Jordan Bardella est nettement moins prolixe sur celle du travail, pourtant centrale en cette période de crise.

Dans ce sens, Léon Deffontaines, comme de nombreuses personnalités politiques, a réagi sur X, plateforme sur laquelle il publie une lettre ouverte adressée à la sexagénaire : « Le Rassemblement national vers lequel vous vous êtes tournée n’est pas le remède aux terribles maux qui vous touchent. Il est, au contraire, un faussaire de la question sociale ».

Le RN use et abuse de la désespérance de ceux qui vivent dans la précarité. Lorsqu’un travailleur tente de conserver sa dignité et commence à redouter la fin du mois dès celle de la première semaine, les promesses d’un parti illusionniste envoutent. Et ce d’autant plus que cette misère, cette difficulté à vivre est invisibilisée ou stigmatisée par les autres camps. Promesse de lendemains qui chantent et déculpabilisation offrent enfin un horizon, à défaut d’un réel avenir. Plutôt que de stigmatiser les opinions politiques radicales de Colombe, il y a urgence à résoudre cette problématique de la précarité croissante.

Astrid Jurmand

VIOLENCE DU JOUR

Toujours la même histoire : des jeunes arabes ou noirs pris à partie violemment par une police sans filtre.

Banalité de la violence policière : 5 jours d’ITT pour un lycéen parisien après s’être fait tabasser par les forces de l’ordre à la suite d’une interpellation. Mobilisé devant son établissement le vendredi 3 mai, il s’est fait embarquer à 11h30. A 7 dans une voiture 5 places, ils l’ont frappé et insulté puis gardé en garde-à-vue pendant 48 heures. Des patates dans sa gueule pour lui apprendre à vouloir « changer le monde ». Dans le récit de ce gamin qui a témoigné pour Cerveaux non disponibles, tout respire la plus triste des vérités.

P.P.-V.

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1 commentaire

  1. Frédéric Normand le 12 mai 2024 à 17:47

    Historiquement c’est l’extrême-gauche communiste qui exploitait la misère en promettant aux plus humbles des lendemains qui chantent. C’était bien sûr de la démagogie électorale, qui lui a profité un temps avant que la réalité du régime socialiste, censé les faire advenir, ne le rattrape.

    Cette démagogie est critiquable en elle-même, quel que soit le parti qui s’en outille. Sa nature n’est pas changée d’être pratiquée par l’extrême-droite ou par l’extrême-gauche. Elle reste une facilité. Et les partis modérés n’en sont pas indemnes. Il est vrai qu’à court terme, elle a une certaine efficacité électorale. A court terme uniquement. Au-delà les yeux de l’opinion se dessillent. Quel bord politique la pratique le plus ? Chacun dira que ce n’est pas le sien.

    Faut-il en conclure que c’est le principe même du suffrage universel qui la porte en lui ? Non bien sûr. Mais la nécessité de remplir coûte que coûte les urnes expose les partis à une redoutable tentation.

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