LA LETTRE DU 6 MAI

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Xi Jingping en France : face au nouvel empereur

Le dirigeant chinois est en visite en France pour célébrer les soixante ans des relations diplomatiques entre les deux pays.

Il y a 60 ans, le 27 janvier 1964, la France se distinguait en étant la première puissance du monde occidental à reconnaître pleinement la Chine communiste de Mao Zedong. Il y avait de la raison dans cet acte. Après deux siècles d’éclipse par la faute des guerres occidentales, la Chine était en train de reprendre sa place historique, c’est-à-dire celle d’une des toutes premières sociétés au monde.

Ces jours-ci, Emmanuel Macron reçoit avec solennité le premier dirigeant chinois, Xi Jinping. Son pays n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a 60 ans. La Chine est devenue non seulement la seconde puissance économique du monde mais elle se pose en leader alternatif pour les pays du « Sud global ».

Il n’est plus question de la considérer comme une puissance relevant d’un monde retardataire ne pouvant accéder à la modernité qu’en se soumettant aux canons d’un Occident. La Chine n’est plus un pays à la démographie galopante, vouée à être au mieux un supplétif et durablement un nain politique. Sa puissance numérique, économique et intellectuelle en fait un État qui doit se comprendre en lui-même et pas d’abord par la manière dont il se positionne par rapport à l’Occident.

L’histoire récente de la Chine est faite de drames immenses, comme la révolution culturelle, plus tard la répression des militants prodémocratie et le massacre de Tian’anmen et aujourd’hui le génocide en cours des Ouïghours. Elle n’a pas choisi la voie ultralibérale empruntée par la Russie au début des années 1990, quand s’effondrait le modèle soviétique. Cet État-continent a voulu combiner une logique économique pleinement capitaliste et un contrôle social et politique d’une rigueur extrême, appuyé sur un redoutable arsenal technologique.

La Chine affiche sa réussite économique et se veut un modèle pour les pays du « Sud global ». Elle est le cœur d’un vaste système promettant aux anciens dominés de se libérer de la tutelle des centres structurants de la « mondialisation ». Cette proposition se traduit dans ses positions internationales et dans ce faramineux projet d’infrastructures intercontinentales les « routes de la soie ». Son influence se renforce quand elle se substitue à la banque mondiale et au FMI qui ne remplissent plus leur mission d’aide au développement. On ne saurait être aveugle sur les conditions draconiennes qui accompagne ces engagements. Comme on ne peut passer au second plan le lien intime entre ces politiques et le régime de coercition et d’atteintes graves aux libertés.

Mais son influence est aussi le fait d’une mondialisation libérale qui a fait, de l’immense majorité des populations du monde, des subalternes. On ne comprend rien au poids diplomatique et politique de la Chine si l’on ne voit rien des responsabilités des puissances occidentales dans l’état du monde tel qu’il est.

Comme De Gaulle avait compris qu’on ne pouvait plus ignorer la Chine en 1964, on ne peut plus la considérer comme seconde aujourd’hui, seconde dans un monde qui serait encore piloté par l’Occident. Mais on ne peut accepter le modèle que Xi Jinping incarne. 

La Chine a quelque chose à dire au monde. Sa proposition est faite de nationalisme affirmé et débarrassé de la suprématie occidentale, d’autoritarisme extrême et de contrôle social généralisé, d’action de l’État et de planification, de stratégie fondée sur sa force intérieure. Et nous, l’Europe, qu’avons-nous nous-mêmes à proposer pour dépasser une arrogance occidentale trop portée à l’impérialisme et asséchée par 50 ans de néolibéralisme ?

Il parait que dans cinq semaines on vote pour les élections européennes. Y a-t-il une proposition européenne pour le monde ? On peut en douter et relever qu’Emmanuel Macron n’a pas prononcé une fois le nom de l’Afrique dans son intervention à la Sorbonne.

Catherine Tricot

RÉSISTANCE DU JOUR

À France Inter, les jeux sont faits, rien ne va plus

Dans l’émission « Le grand dimanche soir », toute la bande de Charline Vanhoenacker a dit en humour et en chansons ce qu’elle pensait de la menace faite à Guillaume Meurice de licenciement pour avoir réitéré sa (très douteuse) blague sur « Netanyahou, le nazi sans prépuce », après que la justice l’ait relaxé. Un moment de rébellion contre un air qui s’obscurcit.

C.T.

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