La droite contre la justice, la République en danger

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Depuis la Première République, seuls trois chefs de l’État ont connu la prison : Louis XVI, Napoléon III (mais avant d’avoir exercé le pouvoir) et Philippe Pétain. Nicolas Sarkozy se joint désormais à eux. Le symbole est immense. Il dit quelque chose d’essentiel sur la fragilité de notre démocratie et sur les secousses qu’elle traverse actuellement.

Il y a des journées qui entrent dans l’Histoire. Hier, jeudi 25 septembre, un ancien président de la République française a été condamné à cinq ans de prison fermes, avec mandat de dépôt. En clair : Nicolas Sarkozy dormira en prison, au moins un temps.


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À droite comme à l’extrême droite, c’est l’union sacrée. Les mêmes qui, d’ordinaire, hurlent au « laxisme de la justice », s’offusquent cette fois-ci de sa sévérité. Pire : ce n’est plus la délinquance qui les scandalise, mais la justice elle-même. Nicolas Sarkozy, à la sortie du tribunal, a tonné : « Cette injustice est un scandale », ajoutant que « ceux qui me haïssent à ce point pensent m’humilier ». Or, un article du code pénal stipule explicitement qu’il est interdit de jeter publiquement l’opprobre sur une décision de justice ou sur les magistrats qui l’ont rendue. Et pourtant, la droite se permet ce franchissement, fragilisant un peu plus la République dont l’un des piliers demeure l’autorité judiciaire.

La droite commet une erreur d’analyse fondamentale. Elle croit que parce qu’une majorité de Français se dit défiante vis-à-vis de l’institution judiciaire, il est possible de la discréditer sans frais. Mais cette défiance ne signifie pas un rejet global de la justice : elle traduit surtout un sentiment qu’elle est trop lente et trop laxiste. De fait, après la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens, une large majorité a validé la sanction. À n’en pas douter, il en ira de même pour Nicolas Sarkozy. Et c’est peut-être là le plus terrible : beaucoup de nos concitoyens ne veulent pas moins d’autorité, mais davantage, au risque de rêver d’un nouveau chef autoritaire censé « remettre de l’ordre ».

Reste la question brûlante du mandat de dépôt. À droite, on crie au scandale : comment appliquer immédiatement une peine alors que le jeu des appels n’est pas épuisé ? Cette disposition a été votée récemment aussi par les députés de droite et les juges n’ont fait que l’appliquer. Généralement, elle sert à éviter une fuite ou la récidive. Ici, la présidente du tribunal a invoqué la gravité exceptionnelle des faits : l’entente d’un ministre de l’intérieur avec une puissance étrangère pour truquer une élection présidentielle – ainsi que la désinvolture de Nicolas Sarkozy tout au long du procès. 

Alors, pourquoi tant de bruit ? Parce qu’une partie de la droite veut semer le chaos dans l’État de droit pour mieux justifier demain l’arrivée au pouvoir d’un homme ou d’une femme providentielle, autoritaire, « au-dessus des juges ». Voilà le vrai danger. Face à cela, la gauche est-elle capable de faire contrepoids ? Certains s’y essaient. D’autres restent muets. La France insoumise, si souvent offensive contre le « lawfare » (ces poursuites judiciaires utilisées comme arme politique), hésite à se prononcer quand la justice sanctionne un adversaire.

Hier, la République a montré qu’aucun puissant n’était intouchable. C’est une victoire fragile, qu’il faut défendre. Car, dans la tourmente politique actuelle, ce qui vacille, ce n’est pas seulement le destin d’un ancien président, mais l’équilibre même de notre démocratie.

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