« Dans cette guerre sourde, où l’on ne fusille pas les savants mais où on les dépouille, il est du devoir des scientifiques de résister »

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Des chercheurs français se mobilisent en soutien à leurs collègues américains menacés par l’administration Trump. Loucas Pillaud-Vivien, polytechnicien, chercheur en mathématiques à l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, s’associe à cette lutte : Ciencia o Muerte, Venceremos !

Il y a dans le silence une complicité dont nous devons nous défaire. Ce silence, c’est celui qui entoure l’assassinat progressif de la pensée libre aux États-Unis sous l’administration Trump. Par vagues, par coups mesquins mais systématiques, l’obscurantisme avance, fauchant la science, muselant les chercheuses et chercheurs, brisant les instruments de leur quête de vérité. Devons-nous regarder ailleurs et attendre notre tour ?

Les faits sont là, brutaux. Trump et son administration ont mené une croisade réactionnaire contre la connaissance elle-même, usant d’intimidation, de censure et de destruction pure et simple. Des milliers de chercheurs, de chercheuses, ont vu leur parole entravée, leur travail détruit. La méthode est simple : censurer, licencier, isoler, affamer. Interdire aux scientifiques de la NOAA (l’agence fédérale Océan-Atmosphère) de parler à leurs pairs étrangers. Effacer le mot « changement climatique » des documents officiels. Rayer d’une convocation la présence américaine au sein du GIEC. Supprimer les budgets qui dérangent. Faire taire les rapports sanitaires. Autant de preuves d’une stratégie d’étouffement où l’ignorance n’est pas une carence mais une ambition. Et tandis que les chiffres sont effacés, les budgets tranchés, les postes supprimés, la vérité elle, demeure, tête levée.

Le projet de Trump n’est pas seulement autoritaire, il est nihiliste. Il ne veut pas seulement réduire les scientifiques au silence, il veut que la vérité elle-même devienne inaudible, que le monde se noie dans la boue de ses mensonges et de ses peurs. Ce n’est pas une bataille d’idées. C’est une tentative de faire de l’esprit humain un désert.

Dans cette guerre sourde, où l’on ne fusille pas les savants mais où on les dépouille, il est de notre devoir de résister. À Paris, demain, nous marcherons, à l’initiative du collectif Stand Up for Science France. Non pas par confort militant, mais par nécessité vitale. La science n’est pas une tour d’ivoire, elle est le flambeau qui brûle au milieu de la nuit, la vigie qui dénonce la tempête avant qu’elle ne frappe. Chaque chercheur réduit au silence, chaque thème de recherche banni, chaque fait dissimulé est une brique arrachée à l’édifice fragile de la connaissance. Si nous cédons à l’indifférence, c’est cet édifice tout entier qui s’effondrera sur nous.

Nous avons vu, dans l’histoire, où mène la méthode du mensonge d’État. Nous savons qu’un peuple privé de vérité est un peuple condamné à l’aveuglement, donc à la servitude. Il ne s’agit pas simplement de soutenir nos collègues américains : il s’agit de nous préserver nous-mêmes, de refuser un futur où l’arbitraire dicterait ce que nous avons le droit de savoir, où la crainte gouvernerait nos laboratoires comme nos esprits.

Résistons. Trump et ses semblables veulent enterrer la science sous les décombres de leur ignorance. Ne les laissons pas faire. À Jussieu ce vendredi, nous, scientifiques, rappellerons à celles et ceux qui veulent nous plonger dans l’ombre que nous sommes celles et ceux qui portent le feu.

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3 commentaires

  1. Florent le 8 mars 2025 à 08:22

    Cela me rappelle une anecdote, peut-être apocryphe, à propos d’un congrès économique : à un économiste lui faisant remarquer que les faits démentaient ses théories, Milton Friedman aurait répondu que ce n’était pas la théorie qui se trompait mais la réalité.

  2. Colette Dion-Guillemot le 9 mars 2025 à 11:31

    Merci Loucas Pillaud-Vivien de ce cri d’alarme .
    Nous nous inquiétons du peu de couverture médiatique de ces décisions américaines et de leurs conséquences à très court terme. Le climat politique est rendu tellement anxiogène que c’est comme si cet aspect déterminant pour l’avenir ne pouvait être rajouter comme préoccupation supplémentaire dans ce contexte pour le grand public . Les manifestations ne seront pas suffisantes de même que les nécessaires pétitions ! il faut passer à des actes spectaculaires et qui retiennent l’attention médiatique plus sûrement avec ce que signifieraient en Europe de telles politiques

  3. alfred leclercq le 9 mars 2025 à 11:37

    chez nous aussi, ces idées font leur chemin:
    Monsieur Moudenc, maire de Toulouse qui s’attaque aux « vérités scientifiques d’un jour, dangereuse pour la démocratie », qui affirme « les autorités environnementales ne doivent pas passer avant l’avis des élus locaux »
    le crime de bureau se commet à distance: le criminel ne voit pas ses victimes et voudrait s’en disculper.
    Madame Delga n’est pas en reste, avec un comportement très politicien qui consiste à avoir des idées fluctuantes en fonction des interlocuteurs. Face à Guillaume Laury, président exécutif d’Airbus, elle fustige la défiance de la société vis à vis de la science: « ma confiance dans la science qui va nous permettre de concilier l’économie et l’écologie ». Mais face aux scientifiques de l’Atécopol (Atelier d’écologie politique représentant près de 2000 scientifiques), changement de registre: la réalité scientifique pèse peu face aux intérêts politiciens

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