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Ce mardi sera votée la motion de censure déposée par le Parti socialiste. Une motion pour prouver son opposition… mais qui ne cache pas que la gauche parlementaire s’enfonce dans l’éclatement stratégique. L’acte est politique mais le moment révèle surtout l’impasse institutionnelle et le cynisme des jeux de rôle à l’Assemblée.

C’est une motion de censure qui n’en est pas vraiment une, ou plutôt : une motion de censure sans censeur crédible, sans stratégie claire. Cet après-midi, le Parti socialiste a déposé une motion de censure contre le gouvernement Bayrou. Et contrairement aux lectures hâtives, il ne s’agit pas du début d’un sursaut unitaire de la gauche parlementaire. Il faut plutôt y voir une nouvelle manière d’organiser la concurrence interne à la gauche.


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En première ligne, Olivier Faure. Réélu à la tête du PS sur la promesse de maintenir son parti à gauche et reprendre le leadership à LFI de ce côté-là de l’échiquier politique, le premier secrétaire se doit d’en apporter les gages. Sa motion de censure est l’un d’eux. Un geste pour prouver, à ceux qui doutent encore, que les socialistes savent se dresser contre le pouvoir en place – surtout quand celui-ci est affaibli, illisible, et, surtout… quand la censure n’a aucune chance d’être adoptée.

Le paradoxe n’échappe à personne : aucune motion de censure commune de la gauche n’a été déposée. Les socialistes ont fait le choix de la déposer seuls. Aucun élan commun, aucune stratégie partagée. Ce n’est pas la gauche qui se ressoude : c’est chacun pour soi, chacun pour sa ligne, chacun pour son espace. Olivier Faure ira bien à la réunion organisée par Lucie Castets, ce mercredi, visant à rassembler toute la gauche – sauf LFI qui ne veut pas s’y associer et le PCF qui reste mystérieux – mais là encore, il s’agira d’une autre tentative de recomposition sans commun. Dans l’hémicycle, chacun se compte ; dans les couloirs, chacun se contourne.

Cette situation est le symptôme d’une crise politique qui s’approfondit dans les détails. Elle se mesure dans les positions de ceux qui votent pour des raisons inversement tactiques à ce qu’ils déclarent. Le RN ne votera pas la censure, non pas pour soutenir le gouvernement, mais pour éviter que celui-ci ne soit remplacé par un autre.

Pourquoi alors les socialistes censurent-ils ? Parce que François Bayrou les a trahis, tout simplement. Ils affirment qu’il s’était engagé à faire retourner dans l’hémicycle la réforme des retraites de 2023. Ce n’est donc pas le fond ou l’échec du « conclave » qui motivent la sanction, mais la rupture d’un pacte, d’une parole donnée. En un sens, c’est un rétrécissement de la politique. De toute façon, un texte pourra toujours être examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Bref, tout est encore possible, tout est encore flou – donc tout peut continuer, même l’improvisation.

Cette situation est le symptôme d’une crise politique qui s’approfondit dans les détails. Elle se mesure dans les positions de ceux qui votent pour des raisons inversement tactiques à ce qu’ils déclarent. François Hollande l’a reconnu : il votera la censure uniquement parce qu’elle ne passera pas. Il le dit, il l’assume. Que dire alors des manœuvres du Rassemblement national ? Lundi, le RN a voté une motion de rejet sur la loi audiovisuelle pour mieux pouvoir, plus tard, voter le texte amendé. Ce n’est pas qu’ils veulent ou non la loi : ils veulent surtout garder la main sur le calendrier et l’image. Le RN ne votera pas la censure, non pas pour soutenir le gouvernement, mais pour éviter que celui-ci ne soit remplacé par un autre.

Le sujet du vote n’est plus qu’un prétexte. Ce n’est pas nouveau, bien sûr, mais cela devient une méthode généralisée, épuisante, insupportable. Le billard à quinze bandes est désormais la norme. Et le cynisme parlementaire est devenu si visible qu’il n’a même plus besoin de rideau. Il y a une fatigue qui monte, dans le pays, mais aussi dans l’hémicycle. Le gouvernement, lui, est suspendu à des équilibres précaires, maintenu en vie par l’absence d’alternative. Mais pendant ce temps, la gauche n’avance pas. Elle mesure ses angles, ses pertes et ses marges. Et chacun continue de faire mine de croire que l’union viendra… plus tard.

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