« Les Palestiniens prennent conscience de leur force en bravant l’interdit arbitraire israélien »
Quelques jours après l’assassinat de la journaliste d’Al-Jazeera Shireen Abu Akleh et son enterrement qui a suscité l’indignation à travers le monde, on fait le point dans #LaMidinale avec Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’AFPS, l’association France Palestine Solidarité.
UNE MIDINALE À VOIR…
ET À LIRE…
Sur l’assassinat et l’enterrement de Shireen Abu Akleh
« On a beau suivre la question depuis longtemps et connaitre la barbarie israélienne, ce qui s’est passé dépasse tout entendement. »
« La réaction de l’Union européenne m’a un peu scandalisé : on parle d’usage disproportionné de la force mais ça veut dire qu’ils permettent à Israël d’utiliser la force, juste que c’est un peu exagérer. »
« Où est-ce que le meurtre a été commis ? A Jénine, dans les territoires palestiniens occupés, sous autorité exclusive palestinienne selon les Accords d’Oslo. L’armée israélienne n’avait donc rien à y faire. Comme elle n’avait rien à faire sur l’esplanade des mosquées lorsqu’elle a gazé les fidèles. »
Sur les réactions internationales
« Depuis l’assassinat et depuis l’enterrement, il n’y a aucune réaction de Jean-Yves Le Drian. Et Emmanuel Macron est l’un des rares dirigeants des pays occidentaux à n’avoir eu aucun mot pour Shireen Abu Akleh. »
« La réaction de la communauté internationale est loin d’être suffisante. »
« Tant qu’il n’y a pas la constitution d’une commission internationale transparente, le crime risque, comme d’autres auparavant, de demeurer impuni. »
« Il faut une enquête indépendante pour montrer au monde entier qui a tué et dans quelles conditions. »
« Il y a une enquête menée par les Palestiniens qui ne veulent pas d’enquête conjointe avec les Israéliens vu qu’ils sont partie prenante du crime. C’est comme si on demandait à Poutine d’enquêter conjointement avec Zelensky sur ce qui s’est passé à Marioupol. »
« Depuis 2001, il y a eu entre 35 et 55 journalistes tués. Aucune enquête n’a abouti. La réponse des Israéliens, c’est de dire que les journalistes prennent des risques et entravent la liberté de mouvement des soldats. »
« La communauté internationale est invitée à participer à l’enquête par les Palestiniens qui détiennent le corps, la balle qui a transpercé la tête et des échantillons. »
« Les Israéliens sont entrés dans un jeu où ils essaient de faire croire qu’ils sont en train d’enquêter pour échapper à la condamnation d’un tribunal comme la Cour pénal internationale. La CPI ne s’intéresse à un cas que s’il n’y a pas d’enquête locale ou qu’elle est faite pour camoufler le crime. »
« Aujourd’hui, il y a eu l’annonce d’un match de foot en Israël entre l’équipe de France et la Pologne : voilà un exemple de complicité avec l’occupant israélien. »
« On sait qu’il y a des équipes des colonies qui participent au championnat de foot israélien. Ca devrait être un motif pour exclure Israël de la FIFA. »
Sur les suites après cet assassinat
« C’était le dernier reportage de Shireen Abu Akleh et elle l’a réussi parfaitement parce que qui est sorti vraiment grandi de cette affaire ? Le peuple palestinien. »
« Je lis des éditoriaux de droite de la presse israélienne : ils se posent la question de savoir ce qui est arrivé et de l’image de monstres que le monde entier a d’eux. »
« Nous ne sommes pas les seuls à demander une enquête internationale transparente : il y a aussi la Fédération internationale des journalistes, l’Union européenne, le Conseil de sécurité des Nations unies, Reporters sans frontières, la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnesty International ou encore Human Rights Watch. »
Sur la population israélienne
« La population israélienne n’est pas l’ennemie des Palestiniens ou des mouvements de solidarité. »
« Les consciences israéliennes sont un peu en train de se réveiller mais il ne faut pas minimiser la machine de propagande incroyable qui essaie de faire passer coute que coute les versions de l’armée qui sont souvent mensongères. »
Sur le peuple palestinien
« Les Palestiniens ont pris conscience de la gravité de la chose et l’opportunité qu’ils ont de crier haut et fort leurs revendications. »
« Le jour de l’enterrement de Shireen Abu Akleh, il y avait trois demandes de la part de la police à la jeunesse palestinienne : il fallait mettre le corps directement dans le corbillard et le conduire vers l’église sans aucun cortège, aucun drapeau palestinien et aucun slogan autorisé. Les Palestiniens ont bravé les trois interdits : ils ont porté le corps de Shireen Abu Akleh sur leurs épaules, ils ont brandi les drapeaux palestiniens et ils ont scandé des slogans pour honorer Shireen. »
« Les Palestiniens ont pris conscience de leur force lorsqu’ils bravent l’interdit israélien. »
« Les Palestiniens savent qu’il n’y a pas d’offre politique sérieuse sur le terrain : ni de la part de leurs dirigeants, notamment de la part de l’Autorité palestinienne, ni de la part des Israéliens, ni de la part de la communauté internationale. Mais ils crient leur colère en disant qu’ils n’accepteront jamais la situation d’apartheid. »
« La mort de Shireen et ce qui s’est passé autour consolident la conscience du peuple palestinien. »
Sur la solution à 2 Etats
« La solution à 2 Etats a été imposée par la communauté internationale. Ce n’était pas une revendication palestinienne. »
« En 1981, au sommet de Venise, l’Union européenne a parlé d’une seule voix en disant aux Palestiniens que s’ils arrêtaient de réclamer toute la Palestine historique, à savoir édifier un Etat souverain sur 22% du territoire, c’est-à-dire la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, ils les aideraient. En 1988, Arafat a travaillé pendant 7 ans )à convaincre sa population et les autres formations politiques d’accepter ce compromis. Il y a eu ensuite le sommet international d’Alger en 1988 qui consacre cette nouvelle position de l’OLP… »
« Sur le terrain, la solution à 2 Etats est impossible : il y a des colonies partout en Cisjordanie. Il suffit de faire un court voyage entre Hébron et Jénine pour s’en rendre compte. »
« Je ne crois pas que nous, en tant que mouvement de solidarité, il faut nous abandonnions complètement la question des 2 Etats : tactiquement, ce n’est pas une bonne chose parce que toutes les résolutions de l’ONU ou de l’Union européenne qui concernent les produits issus des colonies se basent sur la frontière de 1967. »
« La frontière de 1967, c’est le talon d’Achille d’Israël. »
« La Palestine a adhéré aux Nations unies et à l’UNESCO, même si ce n’était pas clairement déterminé, tout le monde a compris que c’était sur les frontières de 1967. »