Burkini : faute de gouvernement, on passe le temps

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Bonjour, on est le 16 mai 2022. On a un nouveau président de la République. Ça fait déjà bientôt trois semaines. Mais on n’a toujours pas de nouveau Premier ministre. Alors on s’occupe comme on peut. Et en ce début de semaine, c’est du côté de Grenoble que les médias ont polarisé leur attention. Le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, doit faire voter aujourd’hui une délibération au conseil municipal pour lever les interdictions dans les piscines municipales. « Un choix de simplicité. Il faut lever les interdits qui sont récents. On doit permettre aux femmes de se vêtir ou de se dévêtir comme elles le souhaitent », assume Piolle. Ses détracteurs parlent d’un « devoir de discrétion ». On entend même que la laïcité interdit tout signe religieux dans la sphère publique ce qui est bien évidemment une interprétation tronquée de la loi de 1905.

Au cœur de la polémique, ça n’est pas la liberté de celles et ceux qui se baigneront seins nus dans les piscines municipales mais le burkini, cette combinaison qui dissimule les corps des femmes. Voilà l’objet de la préoccupation. Et en réalité, ça n’est pas tant le burkini qui est la cible mais l’Islam. Les musulmans. Les musulmanes plus exactement. Les avez-vous entendues ? Les entendrez-vous ? Non. Parce qu’évidemment, tous les trois mois, quand on déterre la polémique, on ne les entend jamais. Rares sont les fois où on leur offre la possibilité de s’exprimer. Et pourtant, on devrait. Pourquoi ? Prenons au mot les détracteurs de Piolle qui nous parlent de soumission des femmes. Le burkini comme symbole de soumission. Admettons qu’ils aient raison. Quelle conséquence l’interdiction du burkini aurait-elle ? D’empêcher ces femmes d’aller à la piscine ? De les sommer de les laisser chez elles, coupées du monde et de la vie collective ? Que voulons-nous ? Les isoler ? Les stigmatiser plus encore ? Voulons-nous les interdire de vivre au prétexte qu’elle porte un foulard ou un burkini ?

Ce matin, Cécile Duflot pose une question très pertinente sur Twitter : « Combien de femmes dans votre entourage ne vont jamais à la piscine ? Combien d’entre elles restent habillées à la plage ? » Combien d’entre elles ont tout simplement peur de montrer leur corps face aux standards que nous infligent la publicité. Que nous inflige la société tout entière ? Sommes-nous libres, libres vraiment, de nous habiller comme on veut ? Les hommes de La Défense et d’ailleurs, qui avancent tête baissée dans les couloirs du CAC 40 encravatés sont-ils vraiment plus libres que les femmes qui choisissent de ne pas montrer leur corps à la piscine – qu’il s’agisse du burkini, d’un t-shirt ou d’une combinaison de plongée ? Comment justifier une interdiction au nom de la liberté ? En réalité, la mairie de Grenoble s’apprête à réparer une injustice. Celle qui consiste à penser à la place des femmes. Et de les laisser libres de leur choix de s’habiller ou non.

Une dernière chose sur cette histoire de burkini. Il est intéressant de constater que cette affaire se déroule à Grenoble. Parce que c’est précisément à Grenoble qu’avait été organisée la semaine décoloniale. Et à l’époque, le maire avait retiré le label de la ville de Grenoble in extremis, suscitant un tollé chez les militants antiracistes. Depuis, la gauche mélenchonienne a fait une démonstration de force dans les quartiers populaires, hyper sensibles et mobilisés contre le climat islamophobe, franchement nauséabond. Le printemps républicain et les sorties aussi gênantes que stigmatisantes de Fabien Roussel ont été mis en minorité.

À gauche enfin, on assume de ne pas être un pays blanc et chrétien mais un pays laïc et multiculturel.

 

Pierre Jacquemain

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