Chômage, emploi, salaires : le patron du Medef sur-accumule les bobards

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Selon Geoffroy Roux de Bézieux, il suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi. Ça vous rappelle quelqu’un ? Un bobard dangereusement éhonté. Un parmi d’autres que notre chroniqueur éco Bernard Marx démonte pour vous.

« Le travail n’est pas une marchandise. »

Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail, Philadelphie, mai 1944

« Depuis quelques mois quand on cherche un emploi, on trouve… » Sous-entendu (mais peut-on parler de sous-entendu, tant le sens de l’affirmation est limpide), il n’y a plus de chômage involontaire. Il n’y a que des chômeurs qui choisissent de l’être par paresse ou par excès de protection sociale. Et donc il serait tout à fait légitime, que dis-je légitime, tout à fait utile et nécessaire de réduire les droits des chômeurs.

 

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Pour Geoffroy Roux de Bézieux, Ce Qu’il Faut (à tout prix) Démontrer est que la France est dans la situation que décrit le ministre du Travail Dussopt :

Un ministre avec lequel le patron des patrons compte former une équipe soudée. Dussopt devant et le Medef derrière :

Et, comme il l’a exposé devant ses collègues à l’hippodrome de Saint-Cloud, le 29 août : « On ne se mettra pas d’accord [avec les syndicats réformistes] car nous n’avons pas le même diagnostic de la situation, notamment sur l’indemnisation. Il est légitime que l’État reprenne la main ».

Mais ce n’est pas pour autant que le prétendu équilibre retrouvé du « marché de l’emploi » n’est pas un gros bobard.

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Selon les statistiques officielles du ministère du Travail, du « Plein emploi » et de l’Insertions (DARES) publiées en août, il y a, au 2ème trimestre 2022, 20.702.200 salariés dans le privé (hors intérim) en France (hors Mayotte). 600.000 de plus en un an. Et 800.000 de plus qu’avant la crise du Covid. 20% environ s’explique par la croissance de l’apprentissage et la mise en place d’une prime exceptionnelle de 8000 € pour l’embauche d’un apprenti. Les emplois à temps partiel ont eu tendance à réaugmenter.

Au total, l’augmentation du volume global des heures travaillées correspond selon l’OFCE à environ 500.000 emplois supplémentaires.

Cette évolution est très loin d’équilibrer le « marché de l’emploi ». En juillet 2022, 3,185 millions de demandeurs d’emploi sont demandeurs d’emploi à Pôle emploi en catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité. En incluant l’activité réduite (catégories B et C de Pôle emploi), le nombre de demandeurs d’emploi s’établit à 5,436 millions.

L’amélioration toute relative de la situation ne vaut pas pour tous les chômeurs. Les chômeurs de longue durée n’en bénéficient pas. 45% de demandeurs d’emplois sont inscrits depuis un an et plus, près de 30% depuis plus de 2 ans.

Qui plus est, l’évolution plus favorable de l’emploi correspond de fait à une baisse très fragile de la productivité apparente du travail. Dans le contexte quasi récessif de l’économie au plan national et international, les entreprises vont tout faire pour regagner les gains de productivité perdu. La croissance risque fort de devenir négative et elle sera « moins riche » en emplois.

Quant à l’idée si méprisante, et si bien partagée entre Emmanuel Macron et Geoffroy Roux de Bezieux, que, quand on cherche un emploi on trouve, elle n’est en rien conforme à la réalité. Les contrôles de Pôle emploi sont toujours plus nombreux, détaillés et répressifs. Mais les radiations ne dépassent pas 3,5% à 4% des demandeurs d’emploi.

Et les demandeurs d’emploi ont bien du mérite puisque, avant même la nouvelle « réforme », ils n’ont jamais été relativement aussi peu à être indemnisés (à peine plus d’un tiers).

« … Et les salaires augmentent. La masse salariale a augmenté de 11% depuis le début de l’année. »

Plus le mensonge est gros… En réalité, selon les données publiées par l’INSEE le 31 août, la masse salariale (hors cotisations sociales patronales) versée par les entreprises privées au 2ème trimestre a augmenté de 3% depuis le début de l’année 2022. Une augmentation de 11% (11,7% exactement) a bien eu lieu mais sur un an. Les statistiques publiées par l’URSSAF donnent une estimation de 10,8%.

Cette hausse résulte de l’augmentation de l’emploi et aussi du recours au chômage partiel durant la première moitié de 2021. Mais pas du tout d’une augmentation du pouvoir d’achat des salaires liée à un rééquilibrage du marché du travail. Au contraire, les statistiques du ministère du Travail font état sur la même période d’une baisse record du pouvoir d’achat du salaire de base du secteur privé : -2,3% pour les employés, -2,7% pour les ouvriers, -3,6% pour les professions intermédiaires et -3,7% pour les cadres.

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Les données publiées par l’INSEE démentent, elles aussi, les comptes à la Roux de Bézieux, comme le note l’économiste Raul Sampognaro.

Tant de semi-vérités et de vrais mensonges en si peu de signes, c’est une prouesse. Ils prétendent démontrer que « le marché de l’emploi, c’est la loi de l’offre et de la demande » .

Cette punchline du patron des patrons n’est pas simplement l’affirmation trompeuse de la réalité. Elle est aussi l’affirmation d’un projet dont le Medef entend accélérer la réalisation en partenariat avec la Macronie. Ce serait une Grande Régression vers les règles économiques d’avant la Deuxième guerre mondiale, catastrophique.

 

Bernard Marx

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