Espagne : Podemos est-il mort ?
Alors que le socialiste Pedro Sanchez vient d’être reconduit à la tête du gouvernement espagnol, en coalition avec la communiste Yolanda Diaz, Podemos ne compte plus aucun ministre. Est-ce la fin du « parti des indignés » ?
Héloïse Nez est professeure de sociologie à l’université Paris Cité (LIED/LCSP), auteure des ouvrages Démocratie réelle. L’héritage des Indignés espagnols (Éditions du Croquant, 2022) et Podemos. De l’indignation aux élections (Les Petits matins, 2015).
Regards. Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, vient de former un nouveau gouvernement avec son alliée Yolanda Diaz. Et Podemos, qui avait encore deux ministres dans la précédente mandature, se retrouve hors de l’exécutif. Que s’est-il passé ?
Héloïse Nez. Les ministres de Podemos, en particulier Irene Montero au ministère de l’Égalité, ont été la cible permanente des attaques de la droite et de l’extrême droite au cours de la mandature, en raison des nombreuses politiques féministes mises en place. L’application de certaines d’entre elles, comme la loi contre les violences machistes, a également provoqué des tensions au sein du gouvernement avec les socialistes. C’est pourquoi Pedro Sánchez a tenu à ce que le ministère de l’Égalité, emblématique pour la gauche, soit désormais aux mains du PSOE (Parti socialiste espagnol) alors que Podemos revendiquait le maintien d’Irene Montero. Par ailleurs, les relations entre Yolanda Díaz et les ministres de Podemos, Irene Montero et Ione Belarra (également secrétaire générale du parti), se sont détériorées lors de la composition de Sumar.
Comment se sont positionnés Sanchez et Diaz vis-à-vis de Podemos ? Et inversement, Podemos vis-à-vis des autres forces de gauche ?
Pedro Sánchez et Yolanda Díaz ont refusé la demande de Podemos de se maintenir au ministère de l’Égalité, en proposant de nommer Nacho Álvarez comme ministre des Droits sociaux. Ce professeur d’économie, membre historique de la direction de Podemos chargé de l’économie et secrétaire d’État aux Droits sociaux lors du gouvernement précédent, s’est impliqué dans la campagne de Sumar comme porte-parole économique. Cette proposition a été rejetée par Ione Belarra, pour qui Podemos était en droit de choisir la ministre de son choix, comme le parti avait laissé ces alliés le faire lors de la constitution du premier gouvernement de coalition. La question qui se pose ici est celle du protagonisme parmi les forces à la gauche des socialistes : Podemos occupait jusque-là une position dominante, désormais conquise par Sumar. Le parti qui était venu en 2014 « renverser l’échiquier politique » a de fait la même réaction qu’Izquierda unida (coalition formée en 1986 par différents partis de gauche, dont le Parti communiste espagnol) lors de son irruption, en cherchant à maintenir son leadership sur la gauche de la gauche.
« La désillusion vis-à-vis de Podemos vient surtout des promesses non tenues de renouvellement de la politique et des luttes fratricides au sein du parti. »
Comment expliquer la dégringolade électorale de Podemos, de 69 parlementaires en 2015 à 5 aujourd’hui ?
La chute importante du nombre de députés de Podemos s’explique notamment par le mode d’intégration du parti dans la coalition Sumar, qui regroupe vingt formations autour de Yolanda Díaz. Podemos a négocié tardivement sa place, à l’issue des élections municipales et régionales de mai 2023, en présentant souvent des candidatures séparées pour mesurer sa force par rapport aux autres partis de gauche. Ses mauvais résultats lors de ces élections (le nombre de ses députés régionaux est passé de 47 à 15) ont placé Podemos dans une position défavorable pour négocier ensuite la composition des listes pour les élections législatives de juillet. L’enquête de terrain que j’ai menée pendant dix ans à Madrid, à partir de l’émergence des Indignés en 2011, montre que la désillusion vis-à-vis de Podemos vient surtout des promesses non tenues de renouvellement de la politique et des luttes fratricides au sein du parti.
Quel avenir pour le « parti des indignés » ? Peut-il encore peser politiquement ? S’est-il fait remplacer par Sumar ?
Podemos a adopté une nouvelle feuille de route politique début novembre qui vise à développer son autonomie par rapport à Sumar et à imposer ses conditions pour de futurs accords électoraux comme la tenue de primaires ouvertes pour désigner les candidats. Il s’agit d’un changement stratégique majeur par rapport à la ligne du parti qui était, depuis la démission de Pablo Iglesias comme ministre et secrétaire général de Podemos en mai 2011, de miser sur un leadership de Yolanda Díaz. Podemos se présente désormais comme une gauche plus combative que celle de Sumar, qualifiée par Ione Belarra de « gauche servile ». Sumar a pour l’instant pris la place de Podemos comme principale formation à la gauche des socialistes, mais la coalition qui voulait mettre en avant l’unité de la gauche va également être affaiblie par la séparation avec Podemos, qui a une base militante et une structuration territoriale plus développées.
Le gouvernement de Pedro Sanchez est un des plus fragiles qu’ait connu l’Espagne démocratique. Podemos peut-il l’affaiblir ?
En étant élu au premier tour à la majorité absolue avec 179 votes en sa faveur, Pedro Sánchez a reçu non seulement 12 votes de plus qu’il y a quatre ans, mais aussi plus de soutiens que des présidents comme Mariano Rajoy en 2016 ou José Luis Rodríguez Zapatero en 2004 et 2008. La fragilité vient davantage de l’hétérogénéité de ces soutiens, avec notamment des partis nationalistes et indépendantistes basques et catalans de gauche et de droite, et de la forte opposition de la droite et de l’extrême droite qui s’est manifestée ces dernières semaines dans les rues. Dans ce contexte de forte polarisation du débat politique, une division au sein de la coalition de gauche peut affaiblir le gouvernement. Les cinq députés de Podemos, avec qui il faudra compter pour faire voter des lois, ont déjà averti qu’ils prendraient leurs décisions de manière autonome si leur parti n’était pas présent au gouvernement.
Ben le problème est le même en Espagne qu’un peu partout dans l’Occident : le manque de véritable alternative de gauche, le manque d’une clarté d’action de gauche, fait monter l’extrême droite. Avec la majorité actuelle en Espagne, on voit bien que l’extrême droite espagnole a de beaux jours devant elle. Ici, en France, le gouvernement de Jospin a beau avoir été plus à gauche que le gouvernement Hollande, toutefois est-il qu’il a paru trop mou auprès de la population (privatisation de France Telecom, …,) ce qui a donné le Pen au deuxième tour de la présidentielle pour la première fois.
J’ai beau trouver Mélenchon peu représentatif du renouveau politique nécessaire, mais il semble avoir compris une chose : l’action de gauche molle fait prospérer l’extrême droite. Alors, quand Regards fait l’éloge du gouvernement espagnol, ça revient à saluer la montée de l’extrême droite. Cela fait interroger…
Podemos est mort depuis que Pablo Iglesias a transformé le mouvement populaire novateur en parti politique à l’ancienne et au service de son ambition personnelle. Résultat il a tout perdu et sabordé le mouvement.
L’arrogance et les ambitions personnelles des cheffes de Podemos (Bellara et Montero) expliquent beaucoup de choses…
En France c’est sûr, beaucoup rêvent d’un devenir de LFI à la Podemos et travaillent assidument à la réalisation de cette perspective au nom du bien connu « mieux vaut Hitler que le Front Populaire ». Regards et ses ambiguïtés, pour parler comme les détracteurs systématiques de Mélenchon, n’est pas loin d’être sur cette ligne.
Avec LFI pas de perspective de changement , les idiots utiles de la droite