Gaza : le charnier des bonnes consciences françaises

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Combien de morts israéliennes et palestiniennes pour que vous ayez des nuits blanches ?

Une éternité s’est écoulée depuis le 7 octobre. Depuis que le Hamas a commis le pire massacre envers des Juifs depuis la Shoah. Depuis que le « droit de se défendre » d’Israël se traduit par la mort de plus de 7000 Palestiniens, dont un nombre terrifiant d’enfants.

Face à cette histoire, inqualifiable d’horreur et de tristesse, la classe politique française est en dessous de tout – à de rarissimes exceptions près, ils se reconnaîtront sans peine. Depuis 19 jours, chacun défend un camp. Rares défendent celui de la paix.

19 jours qu’une partie de la gauche peine à qualifier les troupes du Hamas de terroristes. Comme si l’on devait choisir un mot, un seul, simplement pour être juste juridiquement. Comme s’il était impossible de dire que le Hamas est un ramassis d’enfoirés, de salauds, commettant des atrocités, des saloperies, des crimes, des attentats, au-delà de toute humanité, terrorisant et tuant au quotidien les Palestiniens et, le 7 octobre, massacrant les Israéliens. Souffrir la moindre ambiguïté envers ces hommes n’est d’aucune dignité. Ou comme le disait l’écrivain Joseph Andras à Regards : « Inutile de dire que personne, au sein du mouvement internationaliste en faveur de l’émancipation, au sein de la tradition socialiste, révolutionnaire, anti-impérialiste, appelez ça comme vous voulez, ne saurait nouer quelque travail de solidarité que ce soit avec [le Hamas]. »

Le Hamas est un groupe fascisant. Les contorsions sémantiques – « actes de terreur »« crimes de guerre qui visent à terroriser » – ne servent qu’à vous donner bonne conscience. Et pendant ce temps, les Gazaouis meurent, sans même savoir que vous existez.

Et il n’y a pas que la gauche qui se complait dans ce débat pseudo-intellectuel. Hier encore, l’on débattait sur le plateau de BFMTV, avec un éminent juge antiterroriste, de savoir quels sont les termes les plus appropriés pour qualifier la barbarie du Hamas : terrorisme, crime de guerre, crime contre l’humanité ? Un débat passionnant au demeurant, mais est-ce le moment ? Pouvons-nous, et d’autant plus lorsqu’on est un responsable politique de premier plan, nous permettre de faire comme si nous en étions à ce moment de l’histoire où les membres du Hamas se retrouvent face à un tribunal international ? À part à exciter les oppositions, la réponse est non.

Israël vaincra ?

Dans le camp d’en face, puisqu’il s’agit bien de cela, les consciences sont tout aussi tranquilles. Il aura fallu attendre lundi 23 pour qu’Élisabeth Borne et mardi 24 octobre pour qu’Emmanuel Macron aient, enfin, une parole pour les Palestiniens. Il faut dire que, face à Mahmoud Abbas, le contraire aurait été des plus malvenus. Entre-temps, la Macronie, la droite dans son ensemble, et quelques brebis égarés à gauche, font bloc derrière Benyamin Netanyahu. Ne leur parlez pas de contexte. Le Hamas a attaqué Israël out of nowhere1. Même le secrétaire général de l’ONU ne peut pas prendre de la hauteur de vue sans être conspué. Ne leur parlez pas de colonisation, d’apartheid, de respect du droit international, pas même des civils palestiniens qui meurent chaque jour sous les bombes de Tsahal. Il n’y a que les « pensées » (les « prières » si l’on est Américain) pour les victimes de l’attaque du 7 octobre – ce qui devrait être le point de départ de toute réaction un tant soit peu empathique face à ces événements, mais aucunement celui d’arrivée. La paix ? « Qu’ils libèrent les otages ! » Le bellicisme du gouvernement d’extrême droite israélien ? « Israël a le droit de se défendre ! » Les milliers de morts palestiniens ? « Propagande du Hamas ! »

Le gouvernement israélien est un exécutif fascisant. Ces postures hypocrites ne servent qu’à vous donner bonne conscience. Et pendant ce temps, les Israéliens meurent, sans même savoir que vous existez.

Le bal des faux-culs

À quoi bon interdire les manifestations de soutien aux Palestiniens et autoriser celles pour les Israéliens ? À quoi joue le ministre de l’Intérieur quand il parade d’une décision pourtant suspendue par le Conseil d’État ?

Que signifie ce déploiement policier pour dissoudre des associations, arrêter des syndicalistes et des propriétaires d’un fast-food dont le nom s’approche un peu trop de celui du Hamas ?

Que penser de cette obsession médiatique de faire dire un mot aux politiques, un seul, quitte à déclencher une bronca généralisée, quand ce même mot – « terroristes » – est galvaudé par des élus de la majorité à des fins pernicieuses ?

Faut-il envoyer la coalition anti-Daesh contre ces écologistes ?

Et les autres, en quoi s’enorgueillir de faire des millions de vues sur les réseaux sociaux est-il d’une quelconque utilité pour le sort des Palestiniens ? À quoi bon toutes ces polémiques sur l’ultra-sionisme des unssur l’antisémitisme des autres ? Pourquoi donner le flanc à un monde politique et médiatique qui se déshonore à lutter contre la gauche main dans la main avec le RN ? Pourquoi se vautrer dans des clichés antisémites – la juive agent de l’extérieur, qui « campe », qui « campe » !? Aurait-elle « singé » si elle avait été noire ? – à l’endroit d’une Yaël Braun-Pivet, critiquable à bien des égards ?

Est-ce trop demander que de faire preuve d’un minimum de retenue, à défaut de vertu politique, dans un tel moment ? Faut-il être malhonnête pour rappeler que « les mots ont un sens » quand on les utilise tel du papier-toilette ?

Nous pouvons, de bonne foi, douter des intentions que chacun dissimule. Des postures, des coups de menton, à la portée électoraliste et populiste. Avec une touche de jouissance à savoir qui sera le plus obséquieusement outrancier. Qu’importe, tant que chacun à fait le tweet qui lui donne bonne conscience.

Où est la France ?

C’est le titre du dernier billet de Clémentine Autain. Elle y fait une critique virulente de l'(in)action d’Emmanuel Macron face à l’horreur de ce conflit – un billet écrit avant que le Président ne rencontre ses homologues palestinien, jordanien et égyptien et qu’il pondère sa position. La France s’étonne de ne plus être aimée des populations arabes de par le monde ? Elle se remémore De Gaulle, Mitterrand, Chirac, et ne voit pas ce qu’il s’est passé ensuite. N’a-t-on pas eu droit à un Sarkozy luttant au Kärcher contre les « racailles », contre le voile au nom de la laïcité ? N’a-t-on pas eu droit à un Hollande répondant au terrorisme par des lois liberticides, dont l’usage envers les citoyens est devenu chose commune ? N’a-t-on pas eu droit à un Macron mettant plus d’énergie à bannir 300 abayas qu’à protéger les professeurs de leurs assassins ? Et que dire de cette France, trafiquante d’armes, qui aide les oligarques arabes à massacrer d’autres Arabes ? La liste serait si longue qu’on pourrait en écrire un livre.

Qui assume aujourd’hui la moindre responsabilité de ces fautes françaises ? Qui demande les démissions de Gabriel Attal, de Gérald Darmanin, après l’assassinat de Dominique Bernard ? En Belgique, après l’attentat de Bruxelles, le ministre de la Justice a démissionné. En France, le garde des Sceaux sera bientôt convoqué à la Cour de justice de la République, où il sera jugé pour prise illégale d’intérêts. La gauche a un boulevard pour faire vaciller la Macronie, mais où est-elle ?

Oui, vous autres, de gauche, pensiez-vous à la Palestine le 6 octobre ? Ou à votre prochain tweet contre un allié politique d’hier ?

Allez, ne changez rien. Et dormez bien.

  1. Out of nowhere = sorti de nulle part. ↩︎

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5 commentaires

  1. schmutz le 27 octobre 2023 à 03:59

    Bravo pour des bobos dits de gauche vous tombez dans le piège tendu par la propagande israélo-américaine en tapant sur la gauche qui résiste à l’intoxication générale de l’axe républicain et vous êtes parfaitement Macron compatibles.
    Certes le Hamas a commis un acte terroriste mais ce n’est pas pour cela que c’est une organisation terroriste, le FLN commettait des actes terroristes et pourtant en fin de compte il a fallu discuter avec le FLN. Obama qui n’est pas un terroriste l’a défini comme un mode d’action. Que vous le vouliez ou non le Hamas est actuellement le seul mouvement de résistance palestinienne à la colonisation israélienne comme le démontre les actions violentes de soutien en Cisjordanie. L’action dégueulasse du Hamas s’explique parfaitement par les 60 années de colonisation violente et la situation d’apartheid de l’état d’Israël avec un gouvernement fasciste. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité, c’est un terroriste qui a dit ça, accusé d’attentats criminels et condamné à perpétuité, un certain Nelson Mandela. Oui, un terroriste. Libéré au bout de 27 ans, il a tout fait pour que l’opprimé et l’oppresseur retrouvent le chemin de leur humanité. Si on veut comme lui retrouver le chemin de l’humanité, il n’y qu’une solution renouer des liens avec le Hamas et le reconnaitre comme un représentant de la résistance palestinienne pour engager des pourparlers. La libération des otages en échanges de prisonniers politiques emprisonnés en Israël sans jugement, ils sont 4300 dont des femmes et des enfants. Il est évident que le gouvernement actuel israélien souhaite soit un génocide soft ou l’expulsion en Égypte des palestiniens de gaza comme cela s’est produit dans le passé en Jordanie et au Liban. Seule la communauté internationale (l’ONU) peut imposer à Israël de respecter les accords internationaux des 2 états et d’entreprendre des discussions.
    A écouter
    https://www.youtube.com/watch?v=GN61Bi_8E0g
    et sur labas.org RONY BRAUMAN : EXPLIQUER N’EST PAS EXCUSER
    Monsieur le Président je vous fais cette lettre…Par Dominique EDDÉ. Écrivaine. »L’orient le jour

    • Glycère BENOÎT le 27 octobre 2023 à 17:56

      Vous avez raison en politique il faut tôt ou tard parler avec tout le monde. C’est vrai en politique intérieure comme en politique internationale. Parler, c’est le secret dela diplomatie, disait Louis Joxe. Parler de la pluie et du beau temps s’il n’y a pas moyen de faire autrement mais parler.

      • Magne le 29 octobre 2023 à 10:50

        « Pourquoi se vautrer dans des clichés antisémites – la juive agent de l’extérieur, qui « campe », qui « campe » !? Aurait-elle « singé » si elle avait été noire ? – à l’endroit d’une Yaël Braun-Pivet, critiquable à bien des égards ? »

        Alors, je ne suis pas un fan de Mélenchon, bien qu’il était le meilleur candidat parmi les prétendants au second tour lors des deux dernières présidentielles (il critique les médias, mais est en même temps en symbiose avec elles, il prône le changement tout en fonctionnant de manière tout aussi conservatrice que les autres dirigeants des partis ayant reçu le plus de votes), mais adopter le point de vue de la macronie sur ce choix de mots me semble équivalent à entrer dans le caricatural que pourtant Le Clerc prétend critiquer. À la limite, on peut interpréter ce choix de mots comme une façon de rappeler le grotesque derrière le fait que des juifs une fois ont souffert l’enfer des camps de concentration et que maintenant des juifs en Israël semblent avoir développé un mépris, une peur, … pour la faiblesse d’une force égale à ceux des nazis de l’époque. Netanyahou est bien symptomatique de la dérive qu’a connu Israël, mais aussi l’Occident en large je dirais (Netanyahou a un côté très américain) ; homme blanc, avec son côté sombre (à vrai dire Sarkozy est du même genre à mon avis, tout comme Biden, …), qui se croît pourtant investi d’une mission sacrée, voir qui fera tout pour justifier sa présence au pouvoir. La question étant à quel point les juifs d’Israël vont se laisser entraîner dans le délire de Netanyahou, s’il va vraiment réussir à imposer l’image Terminator de lui-même dont il rêve.

        Bref, pour moi « camper » n’est pas utilisé de façon antisémite, je le vois comme une façon de rappeler l’histoire, donner de recul, histoire de rappeler qu’une fois des juifs étaient dans une situation non sans rappeler celle d’une grande partie des palestiniens d’aujourd’hui.

        Après on a compris : regards.fr œuvre pour que Mélenchon disparaisse du paysage politique pour être remplacé par quelque chose (une machine peut-être ? ;)) qui au moins utilise des mots qui passent comme une lettre à la poste – en espérant que cette chose saura aussi arriver au pouvoir, acter une politique de gauche, voir être moins conservateur que Mélenchon et les autres dirigeants politiques connus aujourd’hui dans son fonctionnement.

        J’aimerais bien, MAIS : « l’élection » c’est 2027, voilà le hic. J’ai cet espoir de ne pas voir la dérive droitière continuer, car il me semble que le temps presse. Mais peut-être faut-il laisser 2027 passer au profit de lancer un mouvement d’en bas ? Car comme nous rappelle John Lennon : le changement commence ici et maintenant, pas d’en haut. On ne peut pas déclarer une société de gauche d’en haut. Donc, il faut déjà commencer par déconstruire et construire d’en bas (avant tout hors écran, inciter à revenir à une vie et vivre ensemble hors écran). Cela prendra du temps, mais au moins ça finira par être durable et solide, ce qu’il faut.

        • Magne le 31 octobre 2023 à 14:37

          (Je précise que ma réponse était à Regards/l’auteur de l’article, et non à Glycère BENOÎT, j’ai dû faire une erreur de manipulation qui n’a pas été corrigée – voir peut-être passée inaperçue – par l’équipe de Regards)



  2. Lesauvage le 28 octobre 2023 à 12:55

    Bonjour,
    Et pourquoi utiliser des anglicismes « en toute bonne conscience » ?
    Marc

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