Bayrou : l’obstination illuminée au service de l’impuissance

La lettre du 26 août 📨
François Bayrou s’apprête à subir le même sort que Michel Barnier. Minoritaire, inflexible, se croyant rusé et se voulant plein d’éclats, il illustre le rejet d’un consensus politique à bout de souffle.
François Bayrou n’avait rien à faire à Matignon. Pas plus que Michel Barnier avant lui. Tous deux venaient d’une minorité politique et sociale, imposés à la tête du gouvernement par celui qui confond la Cinquième République avec un jeu de chaises musicales qui n’aurait qu’une chaise, celle du président. Ce qui se joue aujourd’hui n’est donc pas une surprise.
Ce lundi, le premier ministre a annoncé un vote de confiance pour le 8 septembre. Sur quoi bâtirait-il une majorité ? Sur un programme auquel il n’a retiré aucune de ses brutalités, à commencer par la suppression de deux jours fériés ? Sur une ligne qui n’esquisse jamais la moindre compréhension de ce qui se passe dans le pays : un rejet profond du consensus néolibéral, cette religion d’État qui unit depuis 25 ans la droite et la gauche de gouvernement à epsilon près ?
La vérité, c’est que François Bayrou n’écoute rien et ne sait faire qu’une chose : dramatiser la dette. Il s’y accroche comme à une bouée pour mieux éviter la question centrale : pourquoi s’obstiner dans une cure d’austérité dont l’expérience a démontré son inefficacité et qui suscite un rejet profond ? Son incapacité à penser hors de ce cadre est précisément ce qui le conduit à l’impasse.
Le blocage ne vient pas de l’Assemblée nationale, mais bien de l’exécutif. L’an dernier, avec la même composition parlementaire, un budget avait été débattu pendant des semaines, de nombreuses mesures adoptées, la dette considérablement réduite – avec un déficit sous la barre des 3%. L’audace autant que les mesures furent jugées insupportables par le gouvernement Barnier… qui y laissa sa peau. Bayrou comme Barnier persiste dans le cadre fixé par la Macronie : pas touche à la politique de l’offre, pro-business. Il y laissera sa peau de premier ministre. Résultat : aujourd’hui, toute la gauche s’apprête à faire tomber le gouvernement. Le RN a annoncé qu’il voterait contre la confiance. La messe est dite. Reste à écrire la suite.
L’appel à « tout bloquer le 10 septembre » prend une autre saveur. La chute annoncée du gouvernement Bayrou agira-t-elle comme un catalyseur pour transformer la crise politique en crise globale ? Nul ne sait. La rue peut faire irruption ou bien s’éteindre avant même d’avoir pesé. Personne ne possède l’alchimie d’un mouvement social, encore moins d’un grand mouvement populaire. Mais il ne fait aucun doute que resteront les questions et revendications des appels à agir le 10. Il faudra bien y répondre.
Que fera Macron après ce 8 septembre ? Renommer un premier ministre, au hasard d’un casting qui n’a déjà plus ni horizon ni crédibilité ? Catherine Vautrin, Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, une table basse ? On trouvera toujours dans Les Échos quelqu’un pour qualifier ce prochain choix de « coup de maître ». Mais quiconque acceptera Matignon ne sera qu’un nouveau figurant, vite démonétisé, une blague destinée à gagner du temps.
Alors… dissolution ? L’idée peut séduire un président qui semble gouverner comme on joue au poker, misant tout sur le bluff et la témérité. Il y a quinze mois, Emmanuel Macron avait pris le risque de porter le parti de Marine Le Pen au pouvoir. Il peut le refaire. Le Nouveau Front populaire, qui avait émergé dans l’urgence contre le péril d’extrême droite, a volé en éclats. Avant lui, la Nupes avait fait long feu. Mais cette fois, la proximité de l’élection présidentielle rend peu probable une alliance dans l’urgence. Le risque est donc immense que l’extrême droite capitalise.
Voilà où nous en sommes : un gouvernement qui ne gouverne pas, un président qui parie sur la crise et un peuple qui se détourne toujours plus d’institutions incapables de représenter ses aspirations. Quand ceux d’en haut ne peuvent plus et ceux d’en bas ne veulent plus… Un cycle de reconfiguration politique s’est amorcé. Il ne s’arrêtera pas le 8 au soir. L’avenir dure longtemps.
🔴 ANALYSE DU JOUR
Varoufakis démonte le « deal Trump – von der Leyen »

C’est l’histoire d’une puissance – l’Union européenne – incapable de s’imaginer comme souveraine et déterminée à rester le vassal d’un empire – les États-Unis. L’Europe, par la voix de sa plus haute diplomate, Ursula von der Leyen, a donc cédé sans mener la moindre bataille aux caprices et à la violence de Donald Trump. Ce « deal » n’a rien d’un « accord commercial », c’est un choix éclairé : la honte et le déshonneur. En quoi les dirigeants européens se sont-ils trompés ? Et qu’auraient-ils pu faire différemment pour éviter cet accord humiliant, tout en évitant des souffrances économiques encore plus grandes ? L’ancien ministre de l’économie grec apporte ses réponses. Loin, bien loin des turpitudes de Bruxelles. Et c’est à lire, en français, sur regards.fr !
L.L.C.
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« La démocratie contre elle-même ? » Un billet de blog signé Pierre Khalfa, en réponse à une tribune parue dans Le Monde sur la nature de la démocratie. Dans cette dernière, Blanche Leridon, directrice éditoriale de l’Institut Montaigne, pointe comme un risque majeur le fait que puisse dominer une « vision littérale et intégrale, où le pouvoir accordé par le peuple ne doit subir aucune entrave », citant Trump comme exemple où la « démocratie » remet en cause l’État de droit et les contre-pouvoirs vus comme des obstacles à la volonté populaire. Pierre Khalfa propose, lui, un « bouleversement de l’ordre des choses ». À lire !
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