TRIBUNE. Permis à 17 ans : quand des associations de prévention routière sont contre-productives
Les jeunes de 17 ans seraient trop immatures pour conduire. Éric Le Bourg démontre en quoi ces arguments ne tiennent pas la route.
Le gouvernement a décidé d’abaisser l’âge du permis de conduire à 17 ans. Cette mesure étant présentée comme devant permettre en particulier aux apprentis de rejoindre plus facilement leurs lieux de travail, on pourrait penser qu’elle va être acceptée par tous, en soulignant bien sûr que la plus grande attention sera nécessaire pour éviter une plus grande mortalité routière. Ce n’est pas le cas. Des associations de sécurité routière s’insurgent avec un discours qui ne va pas faire diminuer la mortalité.
Ainsi, la déléguée générale de l’association Prévention routière déclare : « Il y a un problème de maturité par rapport aux risques à cet âge-là. On considère que la maturité psychologique par rapport au risque est, surtout chez les jeunes garçons, de 25 ans et plus sûrement le moment de la première paternité. Entre 17 et 18 ans, ça fait une différence dans l’expression du risque ». Une autre association explique que les accidents de la route sont « la première cause de mortalité chez les jeunes » et que donc « on est à l’inverse de ce qu’il faut faire pour baisser de moitié le nombre de morts sur la route en 2030 ». Examinons donc ces arguments.
Les jeunes, et en particulier les garçons, sont-ils immatures jusqu’à 25 ans et leur premier enfant ? Si oui, la mesure logique est d’envisager de remettre la majorité à 21 ans, 25 ans pour les garçons comme sous Napoléon, voire seulement quand ils auront eu un enfant, et bien sûr de leur interdire de conduire jusqu’à ce moment. Ajoutons que, puisque les hommes représentent les trois quarts de la mortalité routière, il faudrait donc aussi leur interdire de conduire à tous les âges, ce qui diminuerait immédiatement la mortalité. C’est du même niveau que proposer, puisque la vitesse augmente la gravité des accidents, d’imposer le 30 kilomètres/heure partout. Il est sûr que dire aux jeunes qu’ils sont immatures est le meilleur moyen d’augmenter leur prudence sur la route et ce discours des associations est pour le moins contre-productif, car dénigrant sa cible : les jeunes.
Les accidents de la route sont-ils « la première cause de mortalité chez les jeunes » ? Oui, et il en sera toujours ainsi, pour la simple raison que la mortalité des jeunes due aux maladies étant très faible, la mortalité à ces âges est essentiellement le fait des accidents et des suicides. Même si on divise par deux la mortalité des jeunes sur la route, ce sera probablement toujours leur première cause de mortalité en temps de paix (sauf si les suicides passent devant). La meilleure preuve est donnée par le rapport sur l’accidentalité routière 2022 en France. Entre 2010 et 2022, la mortalité accidentelle par habitant du même âge a diminué de 33% chez les 18-24 ans et les 25-34 ans, alors que les résultats sont moins bons aux âges plus élevés (-17 et -19% chez les 35-44 et 45-54 ans, mais +5% et -3% chez les 55-64 et 65-74 ans). Si la mortalité des 18-24 ans était 3 fois plus élevée que celle des 65-74 ans en 2010, elle ne l’est plus que de 2 fois en 2022, ce qui montre que les jeunes ne sont pas tous « immatures ». En Île-de-France, la mortalité routière des jeunes est plus faible qu’ailleurs, mais cela ne change rien au fait qu’elle est la première cause de mortalité et a toutes les chances de le rester. Brandir la mortalité routière des jeunes n’a donc aucun sens et, si on suit le raisonnement disant que permettre aux 17 ans de conduire va l’augmenter, la logique serait donc d’interdire chaque année à une nouvelle classe d’âge de conduire, les 18 ans en 2024, les 19 ans en 2025, etc. puisque chaque année on supprimerait la mortalité d’une nouvelle tranche d’âge. Ces arguments des associations n’ont donc aucun sens et aucune utilité.
On aurait pu s’attendre à ce que les associations de prévention routière mettent en avant la nécessité de prévenir la mortalité et de continuer à la diminuer en ciblant les jeunes de 17 ans, ce qu’elles savent pourtant faire, mais leur message sur le permis à 17 ans est désespérant : les jeunes sont immatures, donc interdisons-leur de conduire ! Si ces associations veulent mettre en garde contre les dangers de la route on ne peut que leur suggérer d’avoir un message plus constructif.
Dans l’immédiat, elles peuvent critiquer l’attitude du président de la République qui a cru bon de boire cul-sec une bière de 33 cl en public. Une telle attitude, en privé, fait généralement partie des bêtises d’adolescent ou de jeune adulte qui ne prêtent guère à conséquence si elles sont rares et qu’on ne prend pas le volant (à 45 ans, c’est plus pathétique). Le faisant en public, le président de la République envoie le message que le binge drinking n’est pas un problème alors qu’on imagine aisément les conséquences sur la conduite.