Gaza : à quand une grande mobilisation en France ?

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Au sommet des États et dans les rues, le monde sort peu à peu du silence face au martyr des Palestiniens. Mais en France, la gauche peine à organiser un rassemblement.

Face à la famine qui gagne, à l’intensification des bombardements et aux morts palestiniens toujours plus nombreux , les réactions internationales commencent à se faire entendre. Parmi les plus actifs, on trouve le gouvernement irlandais, qui s’était associé à la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice, accusant l’Etat hébreu de « génocide » à Gaza.


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Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol affirmait ce week-end dans une allocution au sommet de la Ligue arabe qu’il faut « intensifier notre pression sur Israël pour arrêter le massacre à Gaza, notamment par les voies que nous offre le droit international ». Il précisait que l’Espagne allait présenter un projet de résolution à l’ONU pour que la Cour Internationale de Justice « se prononce sur le respect par Israël de ses obligations internationales » et une autre pour qu’Israël mette « fin au blocus humanitaire imposé à Gaza » et garantisse « un accès complet et sans restrictions à l’aide humanitaire » dans le territoire palestinien.

Les premiers ministres anglais et canadien ainsi que le président français prévenaient hier qu’ils ne resteraient pas « les bras croisés face aux actions scandaleuses ». Avec 19 autres chefs d’État et de gouvernement, ils exigent une « reprise complète de l’aide de Gaza, immédiatement ». Benyamin Netanyahou leur a répondu ce lundi même : « Nous prendrons le contrôle de tout le territoire de Gaza » et, dans un cynisme atroce, il a affirmé qu’il ne fallait pas laisser mourir de faim les Gazaouis pour « des raisons pratiques et pour des raisons diplomatiques ».

Les opinions publiques aussi se font entendre. Ce week-end, ils étaient des centaines de millier dans les rues de Londres ; 100 000 manifestants vêtus de rouge à La Haye, aux Pays-Bas pour appeler le gouvernement néerlandais à condamner Israël. Le week-end précédent, 50 000 personnes défilaient dans les rues de Madrid, comme dans une centaine d’autres villes d’Espagne. Les manifestants scandaient : « Ce n’est pas la guerre, c’est un génocide ! », « Boycottez Israël ! ». Il y a un mois, ils étaient 15 000 à Milan. En mars, Lisbonne connaissait des manifestations massives. Dans le monde arabe aussi, les opinions publiques pèsent sur les dirigeants. On se souvient que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane confiait à des législateurs américains au sujet de l’accord de normalisation avec Israël : « Si je signe, mon peuple me tue ».

Et en France ?

Ça bouge un peu sur le plan diplomatique. Emmanuel Macron a redit en avril que l’hypothèse de la reconnaissance d’un État palestinien par la France est sur la table. Décidée par l’Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron co-présidera en juin, à New York, avec l’Arabie saoudite, une « conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de la Palestine et la mise en œuvre de la solution des deux États ». 

Et dans la rue ? Tous les samedis à Paris et dans quelques villes se tiennent des rassemblements de soutien, souvent trop clairsemés. Le collectif Urgence Palestine, constitué il y a moins d’un an, a rassemblé les plus militants sans parvenir à élargir au-delà. L’insuffisance de la mobilisation est comme un paradoxe dans ce pays historiquement favorable à la cause palestinienne.

Si la cause palestinienne est devenue un identifiant LFI, c’est aussi parce que le reste de la gauche – de toute la gauche – n’a pris aucune initiative de masse.

De fait, seuls 17% des Français – selon le dernier sondage de juin 2024 – s’opposent à la création d’un État palestinien. Malgré l’écœurement face au génocide en cours bien au-delà des cercles militants, aucune grande manifestation à l’horizon. Les logiques répressives, comme les interdictions de manifestations, de conférences ou la dissolution demandée par Retailleau d’Urgence Palestine pèsent sur les mobilisations. Mais, au-delà, il y a bien une question spécifique à la France. Dans un paysage où les associations de solidarité avec la Palestine sont faibles, c’est traditionnellement la gauche politique – le PCF, les Verts, LFI – qui conduit les mobilisations. La fracturation de la gauche, là aussi, produit ses effets. 

La France insoumise s’est mise aux avant-postes du combat dans une gestion cohérente avec sa stratégie de différenciation par rapport au reste de la gauche. Son choix de propulser Rima Hassan comme figure politique en est l’expression et a produit ses effets. La juriste franco-palestinienne s’interroge, comme beaucoup d‘intellectuels, sur la solution à deux États. Elle s’est fait connaitre en défendant la solution d’un état binational : « From the river to the sea ». Une proposition souvent avancée au sein de la gauche, israélienne, palestinienne et internationale qui est loin de faire consensus. Le passage d’intellectuelle à porte-parole puis figure de proue de la campagne des européennes a produit un brouillage, un clivage politique là où la gauche était rassemblée sur la revendication de deux États et d’une reconnaissance par la France de la Palestine. Aucune manifestation unitaire n’a dès lors été possible. Le poison d’une assimilation du soutien aux palestiniens à un combat d’antisémites a fini de démobiliser. 

Est-ce que cela excuse les autres forces de la gauche ? En aucune façon. Si la cause palestinienne est devenue un identifiant LFI, c’est aussi parce que le reste de la gauche – de toute la gauche – n’a pris aucune initiative de masse.

Il faut maintenant tourner la page de cette division. Et appeler à manifester contre le génocide, pour la solution à deux États, pour l’aide humanitaire, maintenant… Une telle initiative, en coordination avec les autres mouvements européens, serait une idée formidable. Et vite, s’il vous plaît.

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