LA LETTRE DU 18 AVRIL
Veni, vidi, Jancovici
Il est quand même fortiche ce Janco. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il a réussi mardi soir à réunir une grosse partie des têtes de liste aux élections européennes à Angers pour leur faire causer écologie.
Il y a quelque chose de typiquement français à se voir accorder une aura et une autorité à vie sous le prétexte d’une école dans laquelle on est entré, certes sur concours, mais quand on avait 20 ans. C’est le cas de l’École Polytechnique où Jean-Marc Jancovici est allé et dont il est sorti ingénieur des télécoms.
À 62 ans, il continue de jouer de ce statut et d’asseoir ses raisonnements et ses prises de position sur son passé glorieux. Depuis 2010, l’inventeur du fameux bilan carbone est à la tête d’une association qu’il a créée, « The Shift Project », un laboratoire d’idées financé par les plus grandes entreprises françaises, faisant office de cabinet de lobbying œuvrant à la réduction de la dépendance de notre économie aux énergies fossiles. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il pèse dans le game1.
Personnalité médiatique, Jean-Marc Jancovici imprime. Parce qu’il joue sur une corde raide tendue entre deux ambivalences : d’une part, une radicalité que d’aucun considère comme une utopie, qui lui font affirmer que la solution à la baisse de la production de pétrole passe par la nécessité de limiter le nombre de trajets en avion par vie humaine à 4. Et d’autre part, un pragmatisme assis sur une grande culture scientifique et technique qui lui permet de jongler avec données et perspectives avec une rare dextérité, mis à profit autant pour défendre le nucléaire que la décroissance.
C’est donc le père Jancovici qui a décidé, presque tout seul, de faire émerger l’écologie dans cette campagne européenne. Pendant près de deux heures, les candidats ont égrené leurs propositions. Et Jean-Marc, gentiment mais sûrement, de leur distribuer les bons et les mauvais points – ou plutôt de leur signifier, souvent, leur hors-sujet. À la fin, qu’en ressort-il ? Des convictions et des contradictions, des démonstrations et des approximations. Mais surtout, un scientifique qui sait peser dans le débat public… mais avec quels effets concrets ? Parler avec des responsables politiques, c’est bien, réussir à agir sur les politiques publiques, c’est mieux. Comme dirait Rimbaud : « Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu’ils ignorent tout à fait ».
Pablo Pillaud-Vivien
PATRON DU JOUR
Michelin roule sur le gouvernement
« Le smic en France n’est pas suffisant. » Ne rêvez pas, aucun membre du gouvernement ou de sa majorité relative n’est l’auteur d’une telle déclaration. Non, il s’agit-là de Florent Menegaux, PDG du groupe Michelin. Et le patron du pneu entend bien agir : il a annoncé la mise en place d’un salaire « décent » et d’un « socle de protection sociale universel » pour les 132 000 salariés du groupe. De quoi renvoyer Gabriel Attal et sa lutte contre la « désmicardisation » (sans augmenter le smic) à ses postures.
Loïc Le Clerc
ON VOUS RECOMMANDE
- L’interview de l’écrivain Alain Damasio dans le 1, dont le dernier numéro est consacré à l’IA. Pour penser cette « chose » qui vient à peine de débarquer dans nos vies sans qu’on en saisisse encore les tenants et les aboutissants.
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- Comme disent les d’jeuns, selon Pablo Pillaud-Vivien qui fête ses 35 ans ce jour-ci… ↩︎