TRIBUNE. Ni supprimé, ni conservé, l’OFB doit être entièrement refondé !

En réponse à Laurent Wauquiez qui appelle à dissoudre l’Office français de la biodiversité (OFB), Azelma Sigaux, oratrice de la Révolution Écologique pour le Vivant (REV), parti fondé par Aymeric Caron, nous livre cette tribune.
Le président des députés LR Laurent Wauquiez appelle à la dissolution de l’Office Français de la Biodiversité. Une annonce choc pour de nombreux agriculteurs et écologistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui lui répondent par la revendication inverse : il faudrait au contraire conserver telle quelle la police de l’environnement, garante du respect des règles environnementales. Or, aucune de ces deux positions n’est raisonnable sur le plan écologique. L’OFB, qui par certaines de ses pratiques se rend complice d’infractions environnementales, ne doit pas être supprimé ni préservé en l’état : il doit impérativement laisser place à une véritable police de protection du vivant indépendante des lobbies et du pouvoir exécutif, ce qui est loin d’être une réalité.
L’hypocrisie de Wauquiez, ennemi des petits paysans et de la biodiversité
Deux jours avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture, Laurent Wauquiez et Fabrice Pannekoucke adressent un courrier aux agriculteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes appelant à la dissolution pure et simple de l’OFB. Le « conseiller spécial » et le président de région, qui sont pourtant les premiers à défendre les dispositifs policiers lorsqu’il s’agit d’installer des caméras de surveillance ou de traquer les réfugiés, justifient leur stupéfiant souhait en affirmant que la police de l’environnement, coûteuse pour les contribuables, serait une « coalition d’idéologues » ayant pour mission d’empêcher les professionnels de l’agriculture de faire leur travail dignement. Quelques semaines après les résultats alarmants des élections syndicales agricoles qui ont montré une montée spectaculaire de l’adhésion au syndicat d’extrême droite Coordination rurale, on le comprend immédiatement, les mots sont choisis pour plaire à un électorat : celui du RN.
Mais c’est également une façon de rassurer les amis et potentiels financeurs de Laurent Wauquiez, à savoir les porteurs de projets agro-industriels, les multinationales et toutes celles et ceux qui méprisent le vivant et l’écologie. Car l’argument de l’ancien président de région et de son remplaçant manque de transparence : l’idéologie anti-paysannerie, précisément, n’est autre que la politique qu’il a menée et qu’il continue de défendre.
En effet, Laurent Wauquiez veut aller toujours plus loin dans la promotion de tous les projets qui servent ses intérêts électoralistes, quitte pour cela à piller les écosystèmes et à nuire à l’activité des petits paysans respectueux de la planète. C’est ainsi, par exemple, qu’il a défendu la déviation absurde de la RN88 entre Le Pertuis et Saint-Hostien, une route qui, si elle était construite en dépit des oppositions massives issues notamment de la consultation publique en cours, détruirait 190 hectares de terres agricoles, de forêts et de zones humides. Ses objectifs se sont aussi illustrés dans la promotion de la construction d’un abattoir géant à Brioude, baptisé « Pôle Viande », un projet immoral et écocidaire à plusieurs millions d’euros publics. Idem lorsqu’il avait choisi de ne pas respecter le dispositif Zéro artificialisation nette, assumant là encore une politique climaticide.
L’idée de la suppression de l’OFB montre également l’hypocrisie de Laurent Wauquiez sur le plan économique. Cet établissement public serait coûteux pour les contribuables ? Quid, dans ce cas, du repas à 100 000 euros qu’il avait offert à des invités secrets en 2022, avec l’argent de la région AURA ? Quid des 9 millions d’euros versés localement en 6 ans aux chasseurs, ces ennemis de la biodiversité ?
La réalité est celle-ci : si nous avions une police de l’écologie digne de ce nom, Laurent Wauquiez serait arrêté pour crime contre l’environnement depuis bien longtemps.
OFB : certains services complices de graves infractions
Oui, sauf que l’OFB, justement, est loin d’être la police autoritaire décrite par le chef du groupe LR à l’Assemblée. Ce serait même plutôt tout le contraire. En effet, si de nombreux services travaillent correctement avec les moyens limités qui leur sont offerts, les failles systémiques de cet établissement permettent également des comportements déviants gravissimes de la part de certains agents. En effet, un ancien inspecteur de l’environnement m’affirme qu’il n’est pas rare que les agents de l’OFB, qui sont les yeux, les oreilles et les mains des procureurs, décident arbitrairement de ne pas relever les infractions commises par les porteurs de projet et collectivités. Cela, de fait, empêche toute enquête, et donc toute condamnation. En agissant comme un « verrou judiciaire », cet établissement chargé de la protection de la biodiversité protège finalement davantage ceux qui la détruisent et se rend ainsi complice de délits environnementaux.
Outre le laxisme vis-à-vis des auteurs de délits, les agents n’hésitent également pas à mentir pour les couvrir. L’exemple de la centrale photovoltaïque industrielle construite par la société Boralex à Cruis dans les Alpes-de-Haute-Provence est sans équivoque. Les atteintes à plusieurs espèces en danger critique d’extinction commises pendant des mois et dénoncées par les associations n’ont jamais été relevées par les agents, comme l’affirme Pierrot Pantel, ex-inspecteur de l’environnement au sein de l’OFB. Puis, alors qu’Enedis avait entamé des travaux de défrichage sans aucune autorisation – on l’apprendra plus tard –, le chef de service de l’OFB du département interrogé par l’Association Nationale pour la Biodiversité a prétendu que tout était conforme d’un point de vue administratif. Dans ce même dossier, l’OFB a violé le code de l’environnement et une convention internationale à plusieurs reprises en refusant de communiquer des informations pourtant libres d’accès. La cheffe adjointe est même allée jusqu’à justifier leur inaction par l’absence d’habitat d’espèce animale protégée sur la zone… alors que les travaux se situaient dans une réserve de biosphère, également classée ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). Pendant ce temps, plusieurs militantes âgées de 60, 72 et 75 ans ont été sévèrement réprimées par la police et la justice pour avoir tenté, pacifiquement, de bloquer ces travaux illégaux que l’OFB refusait de voir. Ces mêmes agents, qui selon Laurent Wauquiez « contrôlent nos agriculteurs avec un pistolet à la ceinture », ont ainsi couvert deux multinationales coupables d’atteinte environnementales graves. On notera d’ailleurs que l’OFB sur son site internet fait la promotion d’Enedis comme une entreprise « engagée pour la nature ».
L’exemple n’est pas un fait divers : ce type de situation malheureusement courante est l’illustration de la défaillance d’un établissement public qui doit être radicalement refondé. Il en va de l’égalité devant la loi et donc de l’état de droit, mais aussi de l’urgence à défendre le vivant vis-à-vis de ses bourreaux, fruits de notre société capitaliste.
Refonder l’OFB est une urgence écologique et démocratique
L’OFB est fort avec les faibles et doux avec les puissants mais jouit d’une impunité exceptionnelle. Dès lors, son remplacement par une police efficace et impartiale devra notamment passer par la création d’une entité de contrôle totalement indépendante de son action de police, chose qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, n’existe pas. Il s’agirait également de lui redonner toute sa neutralité. Il n’est pas normal, par exemple, que l’OFB puisse être présidé par un chasseur, ou qu’il bénéficie d’un pourcentage sur des taxes imposées à certains projets1 sur lesquels l’établissement rend pourtant des avis techniques – autrement dit qu’il soit juge et partie.
Cette nouvelle police de protection de la biodiversité devra enfin, et c’est la base, constater toute infraction relevant de ses prérogatives, que les auteurs soient des agriculteurs, des industriels, de grandes entreprises ou des responsables politiques. Car non seulement la notion d’exemplarité doit être centrale mais le deux poids deux mesures n’est plus tolérable.
Cela est manifestement contre-intuitif pour qui ne connaît pas les agissements de l’OFB mais en tant qu’écologistes, il est de notre devoir moral et politique de souhaiter la suppression de cet établissement tel qu’il est aujourd’hui, souvent dysfonctionnel et trop régulièrement délinquant. Toutefois, le chantier qui s’impose n’est pas une dissolution sans alternative, mais bien un remplacement de l’OFB par une nouvelle police du vivant intraitable envers celles et ceux qui violent la loi, massacrent nos écosystèmes et détruisent la paysannerie au profit de l’agro-industrie.
- Cette information concerne notamment les projets d’éoliennes offshore, à hauteur de 10%. ↩︎