TRIBUNE. Manifeste en soutien à Ritchy Thibault

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Nous publions cette tribune rédigée et signée par des universitaires en soutien à Ritchy Thibault, étudiant en histoire et militant d’une nouvelle éducation populaire, face à l’acharnement répressif dont il est victime, notamment après son interdiction d’aller sur son lieu de travail : l’Assemblée nationale.

Depuis son entrée à l’université comme étudiant en histoire, Ritchy Thibault, jeune activiste issu des gilets jaunes, a fait le choix de construire son engagement entre action et réflexion historique. Dans la tradition de l’éducation populaire et de l’agitprop, il cherche systématiquement à rappeler des faits historiques dans ses actions, ses écrits et ses prises de parole. 

Il se retrouve en butte à des attaques systématiques de l’extrême droite et du gouvernement, qui ont atteint des proportions telles qu’aujourd’hui il est pris pour cible directement par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Ritchy Thibault avait qualifié d' »enfants de Pétain » les policiers qui font passer des informations sur lui aux médias de Bolloré. Bruno Retailleau, à la suite d’ailleurs d’une recommandation qui lui a été adressée par l’eurodéputé RN Matthieu Valet, a décidé de l’attaquer en justice pour cette expression, qui rappelait pourtant deux choses : que le RN fut, sous le nom de RN, fondé par d’anciens Waffen SS et que la période de la Collaboration fut aussi celle d’un intense mouvement de dénonciations. 

De l’élu RN au ministre LR, la cabale a été rejointe par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, troisième personnage de l’État, qui a notifié à Ritchy Thibault une interdiction d’entrée dans l’enceinte du palais Bourbon, alors qu’il est depuis septembre l’assistant parlementaire de la députée LFI Ersilia Soudais. Elle prétend qu’il serait un trouble à l’ordre public par sa simple présence. Au-delà de la très inquiétante union des droites allant du RN au parti minoritaire du président pour s’acharner sur un jeune étudiant, nous voulons revenir sur ce qui constitue le trouble à l’ordre public dont il est question d’après les trois forces de droites extrêmes au pouvoir, et en quoi cela incarne une volonté révisionniste de l’histoire vis-à-vis de toute expression contraire au roman national conservateur.

Malgré huit gardes à vue, dont une seule a conduit à des suites judiciaires, Ritchy Thibault n’a jamais été condamné. Les plaintes déposées contre lui disent quelque chose de l’agenda politique de la réaction.

Sa résistance opiniâtre dit quant à elle un engagement ancré dans l’histoire. D’abord, lors d’un débat contre Jordan Bardella, alors que le leader du Rassemblement national se moquait de ses origines, Ritchy a rappelé que le fascisme était une menace à éradiquer. Ritchy est Voyageur et ses arrières-grands-parents ont été enfermés et déportés par le régime de Vichy et l’occupant nazi. L’éradication de la menace fasciste revêt donc pour lui une nécessité absolue. Jordan Bardella a porté plainte, sans aucune suite judiciaire pour l’instant.

Ensuite, après l’assassinat de Nahel Marzouk par un policier, Ritchy a brandi un drapeau de la Ligue des droits de l’homme dans une manifestation de soutien au policier assassin, organisée par le polémiste d’extrême droite Jean Messiha. Ce geste est d’abord un rappel de l’égalité des droits et surtout des vies humaines, au cœur de l’histoire et des valeurs de notre pays, bafouées dans ce contexte où la vie d’un adolescent de quartier populaire semble n’avoir aucune valeur aux yeux d’un représentant de la loi au point que celui-ci s’octroie un permis de tuer. Là encore, le geste de révolte de Ritchy, porteur d’une réflexion historique, politique et philosophique, est déformé par Messiha qui le dénonce pour tentative d’agression. La plainte a été classée sans suite.

Ritchy s’est aussi engagé dans la grande protestation agricole avec son collectif PEPS (Pour une Écologie Populaire et Sociale), étant fils d’une ouvrière agricole. Lors de l’apogée de la mobilisation, au salon de l’agriculture, il a crié de loin au président de la République : « Eh l’éborgneur, n’oublie jamais que nous sommes dans le pays de la Révolution française, le pays qui fait tomber la tête des monarques« . Là encore, son propos est d’abord un rappel historique du pouvoir littéralement destituant des révolutions en France, qui a chassé du pouvoir Louis XVI, mais aussi Charles X et Louis-Philippe. Là encore, la réponse fut une garde à vue et un procès pour « menace de mort », qui devait se tenir en août, mais qui a été reporté en 2026, comme un aveu d’échec.

Récemment, lors d’une prise de parole commune avec une militante de l’Union juive française pour la paix, Ritchy a dénoncé le génocide en cours des Palestiniens par Israël voulu par Netanyahu. Il a affirmé son soutien à tous les peuples opprimés et massacrés par les politiques colonialistes. À la suite de l’UJFP, il a appelé à une intifada (« protestation » en arabe) des peuples colonisés et à une mobilisation politique. L’extrême droite, dans un contresens délibéré, a voulu y voir un appel à la haine antisémite. 

Les attaques du pouvoir et des forces d’extrême droite, menées conjointement et de façon répétée, envers un jeune militant de milieu populaire, issu de la minorité des Voyageurs en proie à des persécutions séculaires en France et dans le reste de l’Europe, sont particulièrement révélatrices de la machine à broyer les voix dissonantes dans notre pays. Elles sont aussi un moyen de s’en prendre à l’opposition, à la France Insoumise et au Nouveau Front Populaire. La députée Ersilia Soudais, qui l’a embauché en qualité d’assistant parlementaire, est depuis longtemps la cible d’un harcèlement continu et d’attaques particulièrement ignobles dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Nous soutenons Ritchy Thibault parce que sa voix est l’écho de celles de tant d’autres qui ont été réduites au silence par la violence et parce qu’elle gêne un pouvoir aux abois lancé dans une grave dérive autoritaire, et nous demandons que la possibilité d’accéder au Palais Bourbon lui soit immédiatement rendue. 

Signataires :

  • Ludivine Bantigny
  • Alain Bertho
  • Christophe Bonneuil
  • Yannick Bosc
  • Philippe Boursier
  • Deborah Cohen
  • Jean-Baptiste Comby
  • Samuel Hayat
  • Olivier Le Cour Grandmaison
  • Albert Lévy
  • Dominique Paturel
  • Fabrice Riceputi
  • Jean-Marc Schiappa
  • Alessandro Stella
  • Barbara Stiegler 
  • Françoise Vergès

crédit photo : Juliette Jacobs, le 9 août 2024 devant le TGI avant le procès contre Macron, au côté de Christophe Dettinger

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