Taxe Zucman : même les Américains l’ont fait
					Aux États-Unis aussi, la bataille pour taxer les riches avance… et pas seulement dans les discours. Le Massachusetts a mis en place une « taxe sur les millionnaires » en 2023 sans que cela ne suscite un exode fiscal. D’autres États, la Californie en tête, préparent un impôt sur la fortune inspiré des travaux de Gabriel Zucman et Emmanuel Saez.
Sur son blog, le sociologue Robert Reich, ancien secrétaire d’État de Bill Clinton et fin observateur de la « sécession sociale des élites », raconte comment les États américains taxent (ou vont taxer) les plus riches. Et, oh surprise !, ceux-ci n’ont pas fui et les recettes ont afflué. Évidemment, tout cela ne renverse pas le capitalisme américain, mais cela montre qu’un volontarisme fiscal existe, même au pays de Donald Trump.
Traduction assurée par Baptiste Orliange
Un impôt sur la fortune qui fonctionnera
Comment nous construisons un avenir meilleur malgré Trump
Amis,
Nous ne pouvons pas compter sur le gouvernement fédéral, ni sur le Congrès contrôlé par les républicains, ni sur la Cour suprême, et encore moins sur ce fou de président, pour faire avancer un programme progressiste. C’est donc aux États de prendre le relais.
Je me suis récemment associé à l’un des syndicats les plus puissants de Californie et à l’un des économistes les plus respectés du pays, Emmanuel Saez de Berkeley, pour proposer à l’État de Californie de mettre en place le premier impôt sur la fortune du pays.
Il s’agit d’une taxe exceptionnelle sur les milliardaires pour compenser les coupes budgétaires de Trump de 100 millions de dollars infligées au programme Medicaid (l’assurance-maladie, ndlr) de la Californie. Trump réduit les impôts principalement pour les riches et le finance en réduisant les crédits fédéraux pour Medicaid.
Si la mesure est promulguée, cela mettrait un impôt de 5% sur la richesse des quelque 200 milliardaires de l’État. 90% des fonds récoltés iraient vers les bénéficiaires de Medicaid en Californie et les institutions qui les servent (les 10% restants allant aux écoles de l’État). Mais cela pourrait avoir des conséquences importantes dans un pays où la fortune des ultra-riches explose, où les revenus médians stagnent et où le financement public diminue.
En effet, des propositions visant à augmenter les impôts des ultra-riches pour financer ce dont les travailleurs ont besoin émergent – notamment à New York, où le candidat démocrate à la mairie Zohran Mamdani (qui pourrait être élu prochain maire de la ville demain) veut augmenter de 2% les impôts des résidents dont les revenus annuels dépassent 1 million de dollars.
De telles propositions ont suscité l’indignation des riches, qui menacent de déménager. Doit-on les prendre au sérieux ? Pas vraiment : lorsque le Massachusetts a adopté une « taxe sur les millionnaires » en 2023, les conservateurs ont affirmé que les riches fuiraient. Deux ans plus tard, ce n’est pas le cas et cela a permis de collecter 5,7 milliards de dollars pour les infrastructures et l’éducation publique.
Il faut noter qu’en Californie, la proposition de taxe unique serait prélevée exclusivement sur la valeur nette actuelle des milliardaires en 2025. Ainsi, même s’ils décident de déménager dans les îles Vierges, ils seront toujours redevables de 5% de leur richesse en 2025. Mieux : la taxe ne réduira pas la fortune des milliardaires qui s’installeront en Californie l’année prochaine ou l’année suivante, car elle ne s’appliquera qu’aux milliardaires vivant dans l’État cette année.
Les revenus des milliardaires américains ont augmenté en moyenne de 7,5% par an depuis le covid, un contraste avec l’augmentation moyenne de 1,5% pour les Américains au revenu médian. Ainsi, même avec un impôt à 5%, les ultra-riches continueront de s’enrichir.
72% de la richesse des milliardaires réside dans leurs actions cotées en bourse. Il est donc facile d’estimer leur fortune et de les taxer. Et n’oubliez pas que cette taxe ne concerne que 200 milliardaires.
Ce n’est pas la réponse finale aux inégalités honteuses des États-Unis, bien sûr, mais c’est un début. Cela pourrait ouvrir la voie à d’autres efforts pour limiter l’obscénité des riches. Espérons que l’élection de Mamdani demain en ouvrira une autre.
Ces efforts sont essentiels non seulement pour financer ce dont la plupart des gens ont besoin, mais aussi pour préserver la démocratie américaine.
Ces exemples sont également de puissants rappels que, même avec Trump régnant sur l’Amérique comme une limace géante, des changements positifs peuvent et, même, vont se produire.