Sans proposition du Front populaire, Macron reprend la main

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La gauche va-t-elle laisser le Président nous la faire à l’envers ?

Quatre jours que le second tour des législatives a eu lieu. La dissolution, elle, a été actée par Emmanuel Macron voilà plus d’un mois. Et l’on attend toujours que la gauche propose un nom. Rien qu’un nom pour Matignon, à défaut d’une équipe gouvernementale – ça, à la limite, on peut voir plus tard.

Dimanche soir, à l’annonce des résultats, beaucoup se sont sentis soulagés : l’extrême droite a perdu. D’autres ont même éprouvé de l’espoir : la gauche est en tête, elle va gouverner, le changement, c’est maintenant !

Et Macron dans tout ça ? Il a perdu, qu’il « s’incline » face au Nouveau Front populaire, selon l’expression de Jean-Luc Mélenchon. Ou comme disait son idole à la suite des élections législatives de 1988 : « Je ne sais pas finalement qui a gagné, mais, comme disait l’autre… je sais qui a perdu ! »

Pardon mais… avons-nous tous oublié à qui nous avons à faire ? D’où nous vient soudainement ce sentiment de victoire, de supériorité, face à cet individu capricieux et imprévisible qui nous a montré, depuis sept ans, qu’il était capable de tout – et surtout du pire ?

Quand la Macronie est sur le feu, il faut la surveiller. Et ce n’est pas ce que la gauche fait. Ces quatre jours d’attente, de rendez-vous entre chefs de parti, sans fumée blanche, ont débouché sur l’évidence : Macron parle et casse.

Dans une lettre adressée aux Français, le Président prouve une nouvelle fois qu’il n’a peur de rien : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires ».

Le problème n’est pas de savoir si Emmanuel Macron dit vrai ou s’il est dans une forme de déni de démocratie. Le problème, c’est de lui avoir laissé le temps de pondre cette lettre, de remplir le vide et de lui permettre de facto d’installer le doute. Le doute sur la victoire du NFP. Le doute sur la défaite de Renaissance.

Le chef de l’État peut littéralement se payer le luxe d’écrire des choses comme « Je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. […] Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. […] C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre. Cela suppose de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. »

Concrètement, personne ne peut dire comment cela va se traduire. Du côté de LR, on ne sait pas encore combien ils sontLes députés Renaissance rechignent eux aussi à s’inscrire au groupe parlementaire. D’autres sont carrément en train de créer des micro-groupes de macronistes de gauche – sept ans que ces gens sont censés peser sur l’action du Président ! Sans parler de la reconstitution du groupe Liot dont la cohérence politique est proche de zéro.

Une chose est sûre : si la Macronie est morte, Macron est bien vivant. Prenez ce commentaire de François Ruffin sur le « Personne ne l’a emporté » : « Emmanuel Macron aussi, en 2022, « ne l’a pas emporté ». Il a été élu pour faire barrage. Cela ne l’a pas empêché de faire la retraite à 64 ans, de brutaliser les citoyens et les institutions. » Tout est dit : Macron n’a pas besoin de victoire électorale pour régner. Pourquoi en serait-il différemment aujourd’hui ?

Parce que vous pensiez sincèrement qu’Emmanuel Macron en avait fini avec son entreprise de démolition de la politique française ? Pouvez-vous affirmer avec certitude que dans les rangs de la droite, il n’y a plus assez de forces vives pour venir au mieux servir de béquille à la Macronie, au pire venir grossir ses rangs ? Pouvez-vous affirmer avec certitude qu’il ne reste plus un socialiste prêt à franchir le Rubicon pour un ministère ?

Macron a fait voler le clivage gauche-droite en éclat. En deux temps : à gauche en 2017, à droite en 2022. Et en 2024, qui va-t-il saigner à blanc ? Le reste de LR ? Les écologistes ? Après tout, c’est bie

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8 commentaires

  1. Magnus le 11 juillet 2024 à 12:58

    « D’autres ont même éprouvé de l’espoir : la gauche est en tête, elle va gouverner, le changement, c’est maintenant ! »

    Enfin, « le changement, c’est maintenant », c’était le slogan de Hollande, j’en déduis que Le Clerc est ironique/sarcastique et pense qu’il n’y aura pas grand changement, même avec un gouvernement nfp.

  2. Magnus le 11 juillet 2024 à 13:00

    « une orientation européenne et la défense de l’indépendance française »

    Dis donc, il est doué pour les contradictions macron.

  3. Magnus le 11 juillet 2024 à 13:09

    Concernant Macron : https://jacobin.com/2024/07/macron-rassemblement-national-snap-elections

    Sandrine Rousseau est à peu près sur la même ligne que Catherine Tricot.

    C’est l’idée de ne pas passer des choses en force comme les macronistes. Mais essayer d’obtenir des majorités en misant sur consensualité.

    Après clairement le but de macron c’est d’aller jusqu’au bout.

    Apparemment cela peut durer jusqu’à septembre, Larcher qui a parlé avec macron propose qu’attal reste jusqu’à la rentrée.

    on voit bien que les macronistes disent que personne n’a gagné et personne n’a perdu.

    Donc présumant que le nfp tient, contrairement aux attentes de macron, que fera-t-il ?

    Mais soyons clair : macron est de droite, il est plus près du rn que du nfp.

    comme dit dans l’article de jacobin :

    « Macron, says Endeweld, has one overriding drive: a thirst for power. And he’s methodically pursued that ambition with another aim in mind: the eradication of the Left. »

    • Magnus le 11 juillet 2024 à 13:11

      Donc : ça a un côté mignon le style sandrine rousseau, ruffin, tricot consistant à dire « nous on ne va pas passer des choses en force nous ».

      Après faut savoir ce qu’on a en face…

  4. Frédéric Normand le 11 juillet 2024 à 17:06

    Effectivement Macron, avec ses intrigues et ses foucades, a fait voler en éclat le clivage gauche/droite. Du moins temporairement. Il serait intéressant d’y revenir : répartir les députés selon leur position par rapport à une ligne médiane : ‘d’un côté tous ceux capables de se dire de droite, de l’autre tous ceux capables de se dire de gauche. Il y aurait là un moyen de dégager une majorité. Mais ce n’est pas certain. Il peut se trouver des parlementaires pour s’accrocher encore au ni-ni, au en-même-temps et autres subtilités. Elles ne sont plus de mise, mais des politiciens de l’ancienne école pourraient faire de la résistance.

  5. carlos_H le 11 juillet 2024 à 21:53

    « La gauche va-t-elle laisser le Président nous la faire à l’envers ? »
    Y avait vraiment une autre réponse que « bien évidemment » à cette question ? lol
    Genre: « oulala, on va voir ce qu’on va avoir! je vais moi aussi écrire une lettre et Macron en tombera de son trône à mes pieds! »
    Parce que bon, j’imagine qu’ici à Regards, on va quand même pas demander aux gens de sortir dans la rue pour s’opposer à ce qui reste un prérogative du président permise par la constitution française de la 5ème… C’est pas comme si d’autres n’avaient pas vu ce genre de crise politique arriver et avaient demandé depuis quelques années déjà une assemblée constituante pour passer à une 6ème république! Mais bon, vu qu’ils sont dorénavant antisémites et staliniens en plus d’être sectaires, on va quand même pas les suivre là-dessus.

    • Magnus le 11 juillet 2024 à 21:56

      :))

  6. Lucien Matron le 19 juillet 2024 à 09:55

    Nous y sommes : toujours le même président, toujours le même 1er ministre pour expédier les affaires courantes, mais pourquoi pas pour une prolongation de bail à Matignon après l’élection de Yael Braun- Pivet à la présidence de l Assemblée Nationale.
    Les leçons des dernières élections sont pourtant simples : rejet de l’extrême droite ( 2 électeurs sur 3 contre Le Pen- Bardella- Ciotti), changement de cap politique ( 20% au 1er tour des législatives soit 1 électeur sur 5 adhère au programme macroniste), et surtout majorité relative pour le nouveau Front Populaire. Le tout permet à Macron de rester maître du jeu politique. Pour combien de temps ?

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