2100, une planète surpeuplée ou une terre de vieux ?

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Quand la démographie s’affole…

Quelle sera la population mondiale en 2100 ? La question n’est pas anodine, en particulier si on s’interroge sur ce que sera la pression de l’humanité sur la planète. À l’évidence, l’empreinte d’une population de quatre, huit ou onze milliards d’êtres humains n’est pas exactement la même.

 

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Ces trois chiffres ne sont pas le fruit du hasard, 8 milliards correspond à la population mondiale actuelle, ce chiffre a été atteint en novembre 2022, le 15 de ce mois pour être précis, nous indique l’ONU. 10,5 voire 11 milliards relève du scénario moyen des projections réalisées pour 2100 par les Nations Unies (voir la courbe ci-dessous). 4 milliards est aussi une projection pour 2100 mais cette fois-ci dans le cadre d’une étude de HSBC. Et là, évidemment on est un peu saisi de vertiges devant la disparité de ces deux estimations. Dans un cas, la population mondiale à la fin du siècle serait la moitié de celle d’aujourd’hui, dans l’autre, la Terre compterait presque 3 milliards d’individus supplémentaires par rapport à 2022. Une marge d’interprétation à 7 milliards d’individus, ça fait beaucoup.

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Les études démographiques à l’horizon 2100 relèvent d’une opération à hauts risques où il faut envisager la dynamique de populations aux trajectoires fort diverses.

L’évolution de cette population mondiale repose, pour l’essentiel, sur deux critères : le taux de fécondité et l’espérance de vie. Par la force des choses, les migrations, si elles peuvent avoir un impact à l’échelle d’une région ou d’un pays, n’ont aucun effet à l’échelle de la planète.

L’espérance de vie

Dès lors qu’il y a allongement de la durée de vie, mécaniquement, la population s’accroit. En 2019, l’espérance moyenne de vie à la naissance était estimée à 72,9 ans et pourrait monter à 77,2 ans d’ici à 2050. Pour l’essentiel, les avancées sont le produit d’une baisse de la mortalité infantile mais restent à la merci de regain d’épisodes épidémiques ou d’une éventuelle pénurie de médicaments.

Il existe bien sûr des aléas par nature imprévisibles, mais dans l’ensemble ces données sont, d’une part, assez fiables et, d’autre part, arrivent à un plafond qui ne peux plus guère évoluer si ce n’est à la marge. Quelque soit le scénario retenu, 4 ou 11 milliards en 2100, il n’y a pas de différence d’approches en ce qui concerne l’espérance de vie.

Le taux de remplacement

Avec le taux de fécondité, c’est une toute autre affaire. Le chiffre est assez connu, on estime que le taux de remplacement, c’est-à-dire le nombre d’enfants que doit avoir une femme au cours de sa vie pour que la population reste constante, est de l’ordre de 2,1.

Attention, ce chiffre est valable pour les pays développés. Dans un pays moins développé, ce taux de remplacement peut monter à 2,3 voire plus. « Ce 0,1 ou 0,3 supplémentaire est dû au fait que le remplacement est impossible si un individu ne vit pas jusqu’à la fin de ses années de reproduction et n’a pas ses propres enfants ; ce supplément est donc ajouté par couple pour tenir compte du décès ou de l’infertilité à l’âge adulte »[[Ici pour plus de détail.]].

Cette question de la fertilité a pris une plus grande acuité ces dernières années avec une série d’études qui montrent un très net déclin de la fertilité notamment masculine. Une première étude de 2017 l’avait déjà montrée mais l’étude ne portait que sur des populations d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie. Une étude plus récente, réalisée cette fois à l’échelle de la planète, est arrivée à la même conclusion et il semble que la tendance soit en train de s’accélérer[[Voir ici ou encore .]].

Le taux de fécondité

Prenons donc le chiffre de 2,1 comme taux de remplacement. Selon l’ONU, en 2021 le taux était de 2,3 et devrait passer à 2,1 d’ici à 2050. C’est-à-dire que dès le milieu de ce siècle, nous aurons atteint une situation de stabilité. L’augmentation de population qui apparaît sur la courbe entre 2050 et un pic attendu autour de 2080 n’est que le produit de l’inertie démographique.

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L’étude produite par les chercheurs de l’HSBC global research prend comme hypothèse une accélération de la baisse de la fécondité. Le pic de population ne serait pas atteint vers les années 2080 comme le projette l’ONU mais dès les années 2040-2045, la population mondiale commençant à décroître ensuite.

Or il semble bien que cette éventualité soit au moins partiellement validée par un ensemble de données nouvelles. Dans une interview au journal Le Monde, la démographe Isabelle Attané déclare : « Selon le scénario moyen sur lequel se fondent la plupart des analystes, la population chinoise aurait dû commencer à décliner vers 2030. En revanche, si l’on regarde l’hypothèse basse, donc la plus pessimiste en termes de niveau de fécondité, cette baisse était prévue dès le début des années 2020 ».

La baisse de la population chinoise en 2022 s’est élevée à 850.000 personnes avec un taux de fécondité à seulement 1,15 en 2021, et encore en régression en 2022 à 1,08. Selon l’ONU et sur la base d’un taux qui remonterait à 1,5 (on en est très loin) la population chinoise pourrait n’être que de 788 millions à la fin du siècle (contre 1,412 milliard aujourd’hui) et même de seulement 587 millions selon l’Académie des sciences de Shangaï ici.

À la réalité démographique chinoise s’ajoute celle du Japon, passé de 128 millions d’habitants en 2010 à 126 millions en 2020 et un taux de fécondité de 1,34. Et que dire de la Corée du Sud qui avec un 0,84 enfant par femme détient le record de la dénatalité…

Au-delà de ces cas très particuliers, tous les éléments semblent indiquer que l’indice de fécondité baisse bien plus vite que ce qui avait été envisagé, il y a encore quelques années. Ainsi l’Indonésie et ses 270 millions d’habitants a vu son indice de fécondité tomber à 2,04 en 2021, l’Iran est à 1,71 (moins que la France).

Une prévision n’est pas une prédiction, il faudra donc être attentif aux différentes données démographiques des années à venir. Mais l’hypothèse d’une population mondiale en décrue à partir du milieu de ce siècle s’appuie sur des éléments solides. Une terre surpeuplée en 2100 ? Rien n’est moins sûr. Une terre de vieux ? C’est bien possible.

 

Guillaume Liégard

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