Contre-réforme des retraites : Élisabeth Borne ment…

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… et tout le monde s’en fout.

Dans la Macronie, tout le monde sait que, si alambiquée que soit la formule, c’est un gros bobard. Le candidat Macron mentait, le Président Macron ment… aucun justification – politique, économique ou financière – de la réforme des retraites ne tient la route.

 

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Sans cohérence, sans logique, l’exécutif et sa majorité parlementaire contorsionnent la réalité pour faire entrer des ronds dans des carrés. Plus c’est gros, plus ça passe. Il suffisait d’écouter la Première ministre Élisabeth Borne le 14 janvier au micro de France Inter…

Élisabeth Borne : « Ce qui est à la clé, c’est : est-ce qu’on veut sauver ou non notre système par répartition ? »

Mais vous avez aussi la version du parti macronien Renaissance :
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[cliquez sur l’image pour l’agrandir]

 

Les Échos ont publié le 11 janvier le graphique suivant :

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Il est très clair : la réforme « rétablit » l’équilibre financier jusqu’en 2030 en prenant jusqu’à 17 milliards dans cinq ans à 5 millions de travailleurs et de travailleuses nés entre 1961 et 1966. Soit la réforme des retraites la plus brutale jamais effectuée, comme le souligne l’économiste Michaël Zemmour.

Mais pour la suite on reste dans le noir. Elle fait quoi la « trajectoire après réforme » ? Le gouvernement n’en dit rien. Soulignons cependant que les courbes en rose et en rouge avec un déficit progressivement bien supérieur à 17 milliards, correspondent à la pire des hypothèse retenue par le Conseil d’orientation des retraites : celle où l’État réduit au maximum son financement des retraites de la fonction publique et où l’emploi et les salaires de ses agents restent durablement en berne.

En réalité, comme le souligne Mathieu Cocq, responsable du pôle économique de la CGT : « Tous les cinq ans on vous expliquera qu’il faut travailler plus, plus longtemps, que c’est « vital » pour les retraites ».

Élisabeth Borne : « Les 20% de Français les plus modestes sont ceux auxquels on demande le moins de travailler plus longtemps ».

En réalité, c’est en haut de l’échelle que ça frappera le moins dur. C’est ce qu’explique le journal Le Monde du 14 janvier : « Au bureau exécutif du parti présidentiel, Renaissance, Bruno Le Maire et Olivier Dussopt ont exposé, lundi 9 janvier, le projet gouvernemental devant une trentaine de participants, avant un apéritif convivial et ses conversations plus relâchées. « Cette réforme est bonne pour notre électorat », s’accordent trois responsables de la majorité. Comprendre : indolore pour les cadres, les retraités et le patronat. Le ministre du travail en donne une illustration, malgré lui, le lendemain. Chargé du service après-vente de la réforme, Olivier Dussopt répond sur BFM-TV à des Français, dont un cadre quadragénaire ayant commencé à travailler à 25 ans, qui touchera une retraite pleine à 66 ans. « Ça ne changera rien à votre situation », assure le ministre. Soucieux de précision, il ajoute que l’intéressé subit aujourd’hui une « grosse décote » s’il prend sa retraite à 62 ans, avant d’avoir cotisé ses quarante-trois annuités. « Demain, vante-t-il, […] vous pourrez partir à 64 ans, mais il y aura une décote moins importante » ».

Le très officiel Institut des politiques publiques a recherché quelles catégories seront les plus touchées par le relèvement de l’âge minimal légal. Le chercheur Patrick Aubert ne remet pas en cause le fait que les cadres et les catégories les plus favorisées seront moins pénalisées. Selon lui, ce seront les catégories des ouvriers, des employés qualifiés et des professions intermédiaires qui seront les plus pénalisées en termes de recul de l’âge et de baisse de la durée de la retraite.

Enfin, selon l’étude effectuée, « l’âge de départ à la retraite ne sera pas modifié pour une partie importante des assurés les plus modestes, soit parce que ces assurés conserveront la possibilité de partir à la retraite à 62 ans au titre de l’inaptitude et de l’invalidité, soit parce qu’ils devaient déjà, de toute façon, attendre 67 ans pour partir au taux plein. »

Sauf que le diable est dans les détails et, si ces assurés seraient relativement moins pénalisés côté âge, ils le seraient beaucoup plus côté montant des pensions qui sont déjà faibles : « Si elles ne sont pas touchées par la réforme en terme d’âge, explique Patrick Aubert, les personnes invalides et inaptes et les personnes à carrière incomplète seront en revanche, pour une partie d’entre elles, touchées en terme de montant de pension ». Celui-ci est en effet, lorsque la carrière est incomplète, calculé au prorata de la durée validée par rapport à la durée de référence. Et le chercheur souligne même que le relèvement de l’âge minimal à 64 ans combiné à une hausse plus rapide de la durée requise est sans doute le plus pénalisant pour les personnes à carrière incomplète des premières générations touchées par la réforme. Mais Élisabeth Borne n’en a bien entendu rien dit. C’est ce qu’on appelle un mensonge par omission.

Élisabeth Borne : « Nous avons été attentifs aux situations particulières des personnes qui ont des carrières longues, pénibles ou hachées. Notre projet sera plus juste envers eux. L’effort que nous demandons à ces travailleurs sera moins important que pour l’ensemble des Français ».

1. Pour les petites retraites, les règles actuelles du système de retraite pénalisent déjà les carrières incomplètes – « hachées », en langue de Première ministre. La retraite de base est calculée sur la base des 25 meilleures années de cotisations au prorata de la durée de cotisation aggravé par des décotes de 1,25% par trimestre manquant. Il faut attendre 67 ans pour pouvoir liquider sa retraite sans décote.
Le projet du gouvernement ne repousse pas cet âge. C’est ce qu’il appelle demander un effort moindre. Mais le report de l’âge ne va pas augmenter la durée de cotisations de toutes les « carrières hachées ». La pénalisation des carrières hachées risque même d’être amplifiée, puisque la barrière des carrières complètes va rapidement passer de 42 à 43 ans.

En réalité, souligne Michael Zemmour, « la réforme aurait un bilan social très lourd : elle prolongerait tout aussi « mécaniquement » la situation de précarité des seniors qui sont déjà hors de l’emploi à l’âge de liquider leur retraite, et cette situation est très inégalement répartie : en 2019, à 61 ans, un quart des employés et un tiers des ouvriers n’étaient ainsi ni en emploi ni en retraite. À partir des travaux de la Drees et de la Dares, on peut estimer le coût social du décalage de l’âge minimum de la retraite à 64 ans : une hausse de l’ordre de 100.000 du nombre d’allocataires de minima sociaux, 120.000 pensions d’invalidité supplémentaires, auxquels il faudrait ajouter la hausse du nombre de chômeurs indemnisés (de l’ordre de 80.000, hors effet de la nouvelle réforme) et de personnes sans emploi mais n’ayant droit à aucune prestation spécifique. Le tout représenterait de l’ordre de 300.000 personnes de plus maintenues dans le sas de précarité entre emploi et retraite ».

2. Le mécanisme de carrière longue permet actuellement un départ à 60 ans pour les personnes ayant démarré leur carrière avant 20 ans (cnq trimestres de cotisations à cet âge) et pouvant justifier d’une carrière complète. Le projet du gouvernement consiste à maintenir cet âge de départ pour les personnes ayant démarré leur carrière avant 18 ans et qui sont de moins en moins nombreuses y compris parme les non diplômés… Et à maintenir le report de deux ans pour les personnes ayant démarré entre 18 et 20 ans. Cela se conjuguerait avec une durée de cotisation maximale de 44 années soit un an de plus que les 43 ans qui sont censés devenir la règle générale.

3. Pour la prise en compte de la pénibilité, les changements seront en fait cosmétiques par rapport à un dispositif réduit à peau de chagrin en 2017 par Emmanuel Macron lui-même… Et confiés à une médecine du travail qui n’en peut mais.

Élisabeth Borne : « Nous devons redonner toute leur place aux seniors en entreprise […] L’index présenté dans notre projet permettra d’évaluer les pratiques des entreprises ». Cet index « s’inspire de l’index de l’égalité femmes-hommes en entreprise ». « Il n’y a pas d’obligation légale sur la part des seniors que vous avez dans l’entreprise, donc c’est compliqué de voir comment ça peut donner lieu à des sanctions […] On peut jouer peut-être sur les cotisations. Je ne suis pas en train de vous dire qu’on a épuisé la question de l’emploi des seniors. Je demande aux employeurs, aux entreprises, de se saisir de ce sujet. »

Un tel niveau d’enfumage vaut aveu que le gouvernement ne fera rien pour prendre à bras le corps la question réelle du travail des seniors. Pas question de bras de fer avec le patronat là-dessus comme sur le reste. Au contraire, la Première ministre est déjà prête à lui donner de nouvelles exonérations de cotisations sociales… qui creuseront les déficits des caisses de retraites sans augmenter vraiment l’emploi des seniors. C’est ce qu’on appelle l’effet d’aubaine.

 

Bernard Marx

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