Piketty n’a pas raison sur tout
Faut-il, comme l’avance l’économiste, recouvrer le clivage gauche-droite et considérer le RN comme faisant partie du bloc de droite – et non pas d’extrême droite ?
Dans une intéressante chronique du Monde, Thomas Piketty avance des analyses passionnantes sur ce qui plombe notre démocratie et englue la gauche dans une tripartition étouffante. Il pourfend ainsi les tentations de coalition des « raisonnables » contre les « extrêmes ». Il rappelle à la gauche qu’elle ne se relancera qu’à condition… d’être conforme aux valeurs qui sont historiquement les siennes.
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Mais il termine son texte par l’idée que, pour retrouver la simplicité du dualisme de la droite et de la gauche, il faut que les Républicains acceptent de s’allier avec le Rassemblement national. Je ne crois ni que la gauche a moralement le droit d’envisager l’inéluctabilité d’une telle hypothèse, ni que ce soit tactiquement pertinent.
Accepter une fusion de la droite « classique » et de l’extrême droite, c’est entériner une rupture dans l’histoire même de la droite. Non sans peine, dans la dernière partie du 19ème siècle, elle avait coupé les ponts avec le parti pris contre-révolutionnaire et elle s’était acclimatée à la République. Il n’a pas manqué par la suite, à droite, de tentations de nouveaux raidissements. C’est ainsi que, dans les années 1930, une partie des « élites » françaises ont « préféré Hitler au Front populaire » et qu’un bon nombre a choisi la collaboration. Mais il s’est tout de même trouvé un De Gaulle pour éviter à la droite de sombrer définitivement dans l’indignité nationale. Peut-on se réjouir de voir la droite s’y enfoncer de nouveau ?
La droitisation de la droite permettrait à la gauche de récupérer celles et ceux qui, tentés par la droite, refuseraient d’aller jusque-là ? Le risque arithmétiquement le plus grand est ailleurs : que, à un moment où la gauche est dans ses basses eaux électorales, la convergence des droites conduise au pouvoir une droite radicalisée à son extrême.
Les Républicains se rangeant en bloc du côté du RN, ce ne serait pas seulement un glissement vers leur droite, mais une rupture historique. Tout comme l’arrivée au pouvoir du RN ne serait pas seulement une aggravation des dérives autoritaires actuelles de la démocratie, mais une rupture avec plus de deux siècles d’histoire démocratique.
On devine, en filigrane des propos de Piketty, l’hypothèse selon laquelle la droitisation de la droite permettrait à la gauche de récupérer celles et ceux qui, tentés par la droite, refuseraient d’aller jusque-là. Mais le risque arithmétiquement le plus grand est ailleurs : que, à un moment où la gauche est dans ses basses eaux électorales, la convergence des droites conduise au pouvoir une droite radicalisée à son extrême.
La peur n’est jamais bonne conseillère. Si les inquiétudes et les colères ne se raccordent pas à l’espérance, c’est le ressentiment qui gagnera la partie. Si l’on veut éviter cela, si l’on veut redonner du sens au conflit originel de la gauche et de la droite, la reconstruction de cette espérance doit revenir au centre des débats publics, en laissant au placard les combinaisons, tout aussi savantes que dangereuses.
En bref, pour que le dilemme de la gauche et de la droite retrouve son lustre, il faut une gauche à la hauteur, à la fois diverse et rassemblée, équilibrée dans sa composition, ancrée dans ses valeurs et toujours plus soucieuse de rassembler, de lutter et de rassurer.
N’essayez surtout pas de nous donner votre définition du mot « extrême », ça risquerait d’éclaircir le débat or c’est toujours meilleur quand c’est fumeux, comme cette comparaison entre Hitler, le Front populaire, le RN et le NFP.
Roger Martelli est un historien à éclipses. Il ne fait pas mention, dans son rappel des années trente, au fait qu’une fraction importante du mouvement ouvrier avait fait allégeance à une idéologie et un régime totalitaire, le communisme. Il en était lui-même, militant du PCF jusqu’en 2010, membre du comité central de 1982 à 2008. Où étaient-elles les valeurs républicaines, dont les gens comme lui ont la bouche pleine, dans l’URSS de Brejnev ? Où étaient-elles dans le bilan globalement positif du communisme depuis 1917 ?
On ne fait pas de la politique sur des mots. On en fait sur des réalités. Or Roger Martelli les nie. C’est uniquement par un artifice de langage qu’il essaie de nous faire croire que l’extrême-gauche n’existe pas, que seule existe l’extrême-droite. Le magistère moral qu’il s’octroie repose sur une imposture.
Belle tentative de détournement d’attention.
On vous reconnaît bien là.
La droite en France actuelle comprend le « macronisme », ce n’est pas quelques positions « sociétales » moins bornées qui y changeront quelque chose.
Ça suffit cette assimilation des extrêmes et le procès en imposture « d’une fraction importante du mouvement ouvrier ». Le mouvement ouvrier organisé s’est toujours donné les représentants syndicaux, associatifs et politiques en conformité avec ses intérêts. Il n’a jamais donné les rênes à des représentants de l’extrême droite malgré toute les tentatives de déstabilisation, de division, de manipulation et d’entrisme que chacun a pu et peut constater dans la police, l’éducation et dans des mouvements comme les gilets jaunes ou la coordination rurale. Il est également facile de voir de quels côtés se tournent le grand patronat, les banques d’affaire, les entreprises du CAC 40, les propriétaires des grands médias qui s’accommoderaient facilement d’une droite de gouvernement élargie ou soutenue par le RN.
Et ce qui est particulièrement insupportable, est d’entendre les vrais responsables de la dette abyssale du pays, du chaos social et politique, se dédouaner en accusant le NFP et ses composantes les plus à gauche. Ce sont ces gens là qu’il faut combattre jour après jour, et sans relâche, pour changer de cap politique. Félicitations à toute l’équipe de Regards pour ses éclairages pertinents sur l’actualité politique et économique. Je me félicite chaque jour d’être un abonné canal historique.
Les partis politiques sont responsables de ce qu’ils font. Le PCF a pris une lourde responsabilité en s’accointant dès son origine avec l’URSS. Là était le sens même de sa création, sa raison d’être. Dans le volet syndical du mouvement ouvrier, la porosité avec l’extrême-gauche communiste est attestée : ainsi pendant longtemps le secrétaire général de la CGT était automatiquement membre du bureau politique du PCF. Il est non moins attesté par les historiens que le communisme est un régime criminel.
Un syndicat n’est pas un parti. Le rôle d’un syndicat, qui s’inscrit dans la charte d’Amiens, est de défendre ses adhérents sans distinction d’opinion. Cela vaut pour toutes les opinions.
Ah bon, c’est un affirmation purement idéologique que les pourfendeurs du syndicalisme ouvrier et des partis qui défendent la classe ouvrière manient depuis toujours. Ils ne se posent jamais la question sur certaines autres organisations syndicales. Dans quelles conditions, comment et par qui a été créé Force Ouvrière, par exemple. Par ailleurs, ils existent des syndicats et des regroupements directement contrôlés par le Rassemblement National, FN-RATP, FN pénitentiaire, Mouvement pour l’Education Nationale, etc…etc…Dans tous les cas de figures, ces organisations sont minoritaires dans toutes les élections prud’homales et professionnelles. Mais elles sont présentes dans les entreprises, pour freiner et casser les mouvements sociaux, elles sont toujours à la botte du patronat et des relais politiques du patronat. Ces éléments sont largement documentés. Ce n’est pas dans cette direction que les salariés doivent regarder s’ils veulent que leurs revendications légitimes soient satisfaites et que la politique leur offre un autre horizon.
Je ne suis pas d’accord avec cette analyse, même si elle exprime un point de vue au profit de la pensée et de l’action de gauche dans son intention. Il me semble que ce propos serait opportun dans un contexte déjà ancien. Les événements plus récents, à la lumière de l’idée « d’extrême centre » de Pierre CERNA obligent à observer une dynamique de l’histoire très inquiétante. C’est à mon sens dans cette perspective que nous pourrions ne plus avoir le choix entre « être de gauche » et tout le reste, à savoir les mille nuance de la droite et jusqu’à une gauche qui n’oserait pas se dire de rupture. On a vu les ravages opérés dans l’électorat par les décisions d’un François Hollande, avec des mesures clairement de droite. Ce fut irresponsable pour la suite, car cela a pu grillé les esprits sur la supposée distinction claire entre droite et gauche. Il serait tout aussi inconséquent de ne pas apercevoir la violence bien concrète de l’Etat pour contrôler les mouvements sociaux, et il y a tout à parier que cela va s’amplifier, avec la brutalité économique et sociale installée aujourd’hui comme une évidence. Les lignes bougent, dans les rapports sociaux, l’économie et l’action politique. Une pensée plus affûtée, actualisée et lucide s’impose.
La classe ouvrière vote à 40 % pour le RN. Forcément ce fait se ressent au plan syndical. Il ne faut pas être naïf : si la charte d’Amiens est toujours une référence, les partis ont toujours cherché à faire des syndicats sinon une courroie de transmission du moins une chambre d’écho. Toujours est-il que de s’en offusquer quand il s’agit du RN et le justifier ou le nier quand il s’agit du PCF c’est faire deux poids deux mesures.
Le RN est et ne sera jamais un parti politique comme les autres. 15 députés RN viennent d’être démasqués par un média national pour avoir proféré , sur le réseau Facebook, des propos racistes, haineux avec menaces de mort sur des êtres humains noirs ou maghrébins…Ce n’est pas la premiére fois. Il est temps d’ouvrir les yeux et les cerveaux pour éviter les amalgames politiques nauséabonds et totalement infondés. Les supporters du RN ne devraient pas avoir leur place ici. La liberté d’expression a ses limites quand il s’agit de délits ( racisme, incitation à la haine raciale) ou carrément de menaces. J’en appelle solennellement au modérateur.
Ne pas être un parti comme les autres (ou plutôt ne pas paraître comme tel) est précisément ce qui fait la force de séduction du FN. Les partis de gauche, si soucieux de paraître comme les autres, gagneraient à y réfléchir. Du temps de sa puissance, le PCF ne cherchait pas à paraître « comme les autres ».