« L’IVG n’est pas en danger dans notre pays » : pourquoi il faut arrêter les conneries

larcher

Alors que les anti-avortements se sentent pousser des ailes, la droite sénatoriale se trouve des pudeurs de gazelle pour rechigner d’inscrire la liberté d’avorter dans la Constitution.

Jusqu’où ira la « bollorisation » de la société ? En tout cas, elle dépasse déjà largement les frontières de l’empire Bolloré. Dans les couloirs du métro : le livre de Michel-Yves Bolloré prouvant scientifiquement l’existence d’un dieu s’affiche ostensiblement. Sur les écrans : CNews diffuse des messes en direct et met l’IVG au même titre que les cancers dans les causes de mortalité. Au SNU, on met en scène des enfants sur des chants messianiques. Au ministère de l’Éducation, on chasse les mauvais bigots (les musulmans) pour mieux couvrir d’argent public les bons cul-bénits (les catholiques).

Mais « l’IVG n’est pas en danger dans notre pays », nous rabâche-t-on. Une phrase aussi rassurante qu’un économiste orthodoxe jurant la veille d’un krach boursier que « tout va bien ». Qui aurait cru que ce sujet serait autant d’actualité en 2024 ? En France, hein, pas aux États-Unis, en Pologne ou en Italie, où l’avortement est menacé au point d’être impossible voire illégal.

Pourquoi alors, si « l’IVG n’est pas en danger », voit-on fleurir les moues de dégoût çà et là ? Qu’est-ce qui rebute autant la droite sénatoriale au point de rechigner à inscrire la « liberté »et non pas le « droit »1 – pour une femme d’avoir recours à une IVG dans la Constitution ? Le président LR du Palais du Luxembourg, Gérard Larcher, répète à l’envi que la Constitution n’est pas « un catalogue de droits sociaux et sociétaux » – qu’est-elle alors ?

« L’IVG n’est pas en danger » mais son accès devient chaque année un peu plus compliqué. Les plannings familiaux sont victimes de dégradations de la part de militants anti-avortement, de menaces de ministres quant aux subventions de l’État. En quinze ans, 130 centres d’IVG ont fermé et plus de 350 maternités ont disparu depuis 1996.

« L’IVG n’est pas en danger » mais dans le département de l’Ain, la moitié des femmes souhaitant avorter ont dû se rendre dans un autre département. Dans la Creuse, « il n’est pas possible de se faire prescrire une IVG médicamenteuse auprès de son médecin traitant ou de sa sage-femme car aucun praticien libéral n’a fait la démarche de se former ». Il n’y a que l’hôpital de Guéret pour pratiquer une IVG. Dans l’Aveyron, « faute de personnels et de transports publics, l’accès à l’avortement au-delà de douze semaines n’est pas garanti ».

Alors oui, la France n’est pas l’Italie. Mais le gouvernement transalpin est un gouvernement d’extrême droite. Et nous, nous assistons béatement à l’ascension inexorable de Marine Le Pen vers l’Élysée.

L’extrême droite, ça ne se régule pas

Les excuses de Laurence Ferrari ne valent pas plus qu’un badge « Touche pas à mon pote » sur un costume du Ku Klux Klan. Pour preuve, après, la direction regrettera une « erreur technique ». Il y a un visuel, un commentaire de celui-ci et puis toute une l’émission, intitulée « En quête d’esprit »… En fait, si erreur technique il y a, c’est toute la chaîne CNews qu’il faudrait rectifier.

Mais à quoi bon ? Non, il ne sert à rien de réclamer à l’Arcom d’imposer à CNews de respecter le pluralisme politique comme le fait RSF. Quoi ? On souhaite donc que CNews invite des personnalités de gauche et, de fait, que toutes les autres télés et radios invitent davantage de personnalités d’extrême droite ? Le pluralisme, en matière de journalisme, ça n’est pas dans une rédaction qu’on l’observe, mais dans la multiplication des titres – et donc des lignes éditoriales. Aucune règle, aucune loi, n’empêchera CNews d’être une télé fascisante. On ne demande pas à l’extrême droite de respecter autrui et de condamner le racisme. On combat l’extrême droite. Voilà tout.

C’est dans ce contexte que les sénateurs LR hésitent, le petit doigt sur la couture, à perturber l’inscription de l’IVG dans la Constitution. L’histoire devra-t-elle s’écrire avec leur opposition, comme ce fut le cas au temps de Simone Veil ? Ou finiront-ils par céder ? Non par conviction, mais pour que leurs femmes, leurs filles, arrêtent de les emmerder. Boomers jusqu’à la tombe. Ceux-là même qui nous assurent que « l’IVG n’est pas en danger »…

  1. À gauche, du côté du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature, on critique vertement cette inscription de la « liberté garantie à la femme d’avoir recours à une IVG » dans la Constitution. Le SAF écrit : « Il est dangereux de qualifier de ‘liberté’ un droit fondamental tel que celui d’accès à l’avortement. […] La liberté peut être restreinte là où le droit doit être garanti. » ↩︎

3 commentaires

  1. Frédéric Normand le 28 février 2024 à 14:40

    L’e droit d’avorter n’est pas un droit fondamental mais un droit conditionnel : au-delà de 14 semaines de grossesse avorter est interdit.

  2. Lucien Matron le 29 février 2024 à 19:30

    La fachosphère gonfle de jour en jour : dans les médias, au sénat, à l’Assemblée Nationale, sur les tracteurs, dans les ronds-points, dans les entreprises et dans les services publics. C’est sans aucun doute, le combat politique le plus important des prochaines semaines et des prochains mois.

  3. agnes le 2 mars 2024 à 13:22

    Tous ces hommes obsédés par le contrôle du ventre des femmes avec la religion derrière en embuscade. Quelle époque. Je demanderais à tous les « anti » ce qu’ils prévoient pour l’avenir si l’avortement est interdit, que des enfants non désirés grandiront à la DDAss sans affection et sans soutien avec des perspectives bien limitées, que beaucoup de jeunes femmes se suicident de désespoir, ne feront pas leur vie, ne rencontreront pas l’être aimé, n’auront plus les enfants voulus et chéris. Alors, quel intérêt, si ce n’est une prise de pouvoir pour assoir des convictions personnelles au détriment du plus grand nombre ? citez moi des pays avec une religion patriarcale au pouvoir ou les droits des femmes tels qu’ils existent chez nous ?

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