Lecornu : c’est déjà fini et les partis sont OK pour une dissolution

Le nouveau premier ministre ne passera pas Noël, il n’y aura pas de budget, peut-être pas même de gouvernement. Tous les partis comptent tirer bénéfices de législatives anticipées annoncées. Et la gauche prépare son hémiplégie : insoumise ou socialiste ? Joie et bonheur.
La journée de mercredi 24 l’a confirmé, Sébastien Lecornu n’y parviendra pas. Il ne réussira pas à trouver une majorité pour soutenir son projet de budget. Les syndicats, qui n’ont toujours pas digéré la réforme des retraites ni le « musée des horreurs » promis par François Bayrou, sont sortis groupés de Matignon. Le problème est que, à droite comme au Medef, on fait monter les enchères et on refuse toute hausse d’impôts. Au risque du ridicule total, ils s’arc-boutent pour sauver les milliards de Bernard Arnault et de ses copains de yacht. Le Medef est le fer de lance de l’intransigeance et du blocage total : ils ont leur agenda politique et il ne passe pas par la Macronie – voir la Midinale avec Laurent Mauduit et notre analyse sur le plan du patronat.
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Le premier ministre tente une ultime pirouette et adresse cinq questions aux syndicats … avec rendu des copies dans une semaine. Une blague ? Les syndicats ont déjà fait connaitre leurs attentes et entendent qu’on y répondent, pas qu’on leur tende un piège au nom de la « coresponsabilité ». Ils donnent rendez-vous dans la rue le 2 octobre.
Signe tangible des impossibilités qui s’amoncellent et se durcissent, Sébastien Lecornu peine à construire son gouvernement, tant les ministres qui insupportent à gauche sont légion mais accrochés à leur rocher : Retailleau, Dati, Darmanin… Les reconduire, c’est envoyer aux oubliettes les promesses de rupture sur le fond et la forme. Mais les éconduire aurait un coût politique que le moribond socle commun ne supporterait pas.
Les insoumis sont assurés d’être à eux seuls la vraie gauche et leur succès passerait par l’élimination de tous les autres. Ils sont convaincus que leurs discours seront entendus de la jeunesse, des abstentionnistes, des classes populaires, des racisés…
Dans la difficulté de l’équation politique, il y a la proximité de 2027 qui surdétermine tout. Qui veut apparaître comptable ou complice du fiasco ? Pas grand monde. D’autant plus que les partis n’ont plus peur de la probable dissolution. Voire, ils l’espèrent.
Ils ont fait leurs comptes et la dissolution leur va. Sur le dos des macronistes à terre, LR espèrent engranger quelques dizaines de députés et placer un des leurs en bonne position pour 2027. Le RN y voit l’occasion de se conforter avant les municipales et surtout de faire voter à l’assemblée une loi d’amnistie qui permettrait à Marine Le Pen de se présenter, leur seule vraie carte pour l’élection présidentielle.
Le PS envisage lui aussi un scrutin législatif anticipé comme une opportunité pour « rééquilibrer » la gauche, c’est-à-dire pour défaire la puissance hégémonique de La France insoumise. Les bonnes et mauvaises raisons s’entremêlent dans leur engagement pour construire une union de l’ensemble des partis de gauche à laquelle LFI a décidé de ne pas participer.
Tous les partis de gauche (hors LFI donc) préparent un projet législatif, et, en dehors du PCF, ils envisagent une primaire pour la présidentielle. Cette union a vocation à présenter un candidat commun aux législatives. Partout ? C’est ce que laisse entendre Olivier Faure, sauf en cas de risque sérieux d’élection d’un député RN. Donc même devant la plupart des députés insoumis qui sont élus dans les grandes agglomérations de gauche.
Mais LFI n’en a cure. Il ne s’agit pas de leur part d’une attitude bravache mais d’une conviction qui s’accompagne d’actes. Les insoumis n’ont de cesse de planter des épingles dans les poupée Tondelier, Faure et Roussel. Dernière en date : les insultes de Jean-Luc Mélenchon à l’endroit du premier secrétaire traité de « nigaud » pour son appel à pavoiser les mairies du drapeau palestinien. Pourquoi les chefs de LFI réitèrent-ils ainsi, jour après jour, les gestes de rupture avec le reste de la gauche ? Ils ont récemment fait leur la théorie des deux gauches irréconciliables… comme si le PS avait changé de nature en 12 mois ! Ils sont prêts à payer le prix d’une très rude bataille en cas de législatives anticipées. Toutes les projections en sièges leur donnent entre 12 et 25 députés élus alors que le groupe actuel en compte 70. Les insoumis sont assurés d’être à eux seuls la vraie gauche et leur succès passerait par l’élimination de tous les autres. Ils sont convaincus que leurs discours seront entendus de la jeunesse, des abstentionnistes, des classes populaires, des racisés… et qu’ainsi il vont gagner l’élection présidentielle et les législatives suivantes. Le pari est gigantesque. Il se paye d’un double risque : celui que le PS redevienne hégémonique – avec ce qu’il advient toujours dans ce cas, cf. les livres d’histoire – et celui de porter au pouvoir Marine Le Pen. Et tout ça est impardonnable.