Le Parti socialiste change de stratégie
À la recherche du compromis avec Lecornu, les socialistes actent une rupture stratégique avec le reste de la gauche. Patatras !
La crise politique conduit à de grandes recompositions. À la droite extrême, on voit les passerelles et les ponts se construire pour réunir une partie des LR, le RN et ce qu’il reste du zemmourisme. Jusqu’où iront les rapprochements Renaissance et Horizons qui vont se matérialiser lors des prochaines municipales ? À l’évidence, un pôle de droite libéral, non trumpiste, tente de se constituer. Rachida Dati vient de l’apprendre à ses dépens.
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À gauche aussi les lignes bougent et l’union des gauches est par terre. À la fin des années 70, PS et PC se sont copieusement disputés et renvoyés la responsabilité de la fin du programme commun. Désormais le PS et LFI s’adonnent à cet intéressant exercice.
Pour l’heure, il est vain de nier l’évidence d’une rupture qui ne cesse de se creuser. La nouveauté ne vient pas de LFI mais du PS. Appelons un chat un chat : les socialistes ont changé de stratégie. Depuis ses universités d’été où il a présenté son contre-projet et fixé ses « lignes rouges », la stratégie du PS est pilotée depuis son nouveau siège. Envolé l’esprit de Bagneux – du nom de cette ville où toute la gauche non-mélenchoniste s’est retrouvée le 1er juillet avec la promesse de rester unie sur un projet et une candidature commune. Le PS a choisi sa fragile unité interne. Il a considéré que tout valait mieux qu’une dissolution qui profiterait à l’extrême droite. Il a considéré ne pas être prêt à revenir aux urnes. Il a donc dit banco à la proposition Lecornu de travailler à l’élaboration du prochain budget afin de pouvoir s’abstenir. Le PS change de ligne d’horizon et joue désormais la carte de la stabilité gouvernementale. Il espère, au passage, engranger enfin les soutiens des « macronistes déçus ».
Contrairement aux récentes illusions portées ici ou là, la diversité n’est pas artificielle. Elle ne saurait être corsetée. Et l’unité est un éternel travail. Mais il n’y a pas d’autres choix que de vouloir et la diversité et l’unité.
Ce n’est pas la première fois que la gauche se divise. L’alternance union/division est même l’histoire de la gauche. On se souvient que les communistes ont formulé en 1962 leur proposition d’union aux socialistes : 9 ans se sont écoulés avant la signature du programme commun de gouvernement. L’union fut un long combat. Il est parfois mené par les partis, parfois par le peuple. Il a fallu deux ans, entre 1934 et 1936, pour que se concrétise l’exigence des manifestants d’une union entre la SFIO, le PCF et les radicaux pour déboucher sur le Front populaire.
Contrairement aux récentes illusions portées ici ou là – mais certes pas à Regards –, la diversité n’est pas artificielle. Elle ne saurait être corsetée. Et l’unité est un éternel travail. Mais il n’y a pas d’autres choix que de vouloir et la diversité et l’unité.
Autant que le cavalier seul assumé de LFI, les amarres larguées par le PS est une très grosse difficulté politique pour la gauche. Mathématique d’abord. Comment prétendre rassembler une belle majorité, même relative, avec tant de petits morceaux qui se vilipendent ? Rappelons que, toutes composantes additionnées, la gauche fait autour de 30% des votes et des intentions de vote. Stratégique ensuite. Cette division ne peut que produire du découragement et certainement pas de l’entraînement. Le PS fait le choix de se couper de ses alliés de gauche et de revenir à l’incertain positionnement qui lui a coûté si chère aux deux dernières présidentielles. Politique enfin. La gauche ne convainc que lorsqu’elle joue de ses tensions structurelles entre ses pôles, ceux de la « radicalité » et ceux de « l’accomodement ». C’est de cette tension que naissent les projets qui peuvent rassembler. Cela suppose que chacun construise une cohérence et se mette en situation de débattre, convaincre, non d’imposer. On sait bien que les accords ne viennent pas de la nature intrinsèque des propositions mais de la volonté d’aboutir à un accord.
Il n’y a pas d’autre choix que de revenir à la raison et de travailler ensemble à ce nouveau projet. Le reste ne sera que défaite ou victoire d’un soir. Qui sera le premier à gauche, franchement, on est nombreux à s’en moquer. On veut une alternative. Elle ne viendra pas des quolibets et de la division. Merci de nous entendre.