Laïcité : la gauche engluée dans une guerre de religions

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Ce lundi 14 octobre, dans tous les collèges et lycées, une minute de silence sera observée en mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard, deux professeurs assassinés par de jeunes terroristes. Ce moment sera l’occasion de réfléchir à la laïcité, associée ce jour encore à la lutte contre le terrorisme islamiste.

Que l’école soit l’enceinte du souvenir et des valeurs de la République est évident, tant cette institution est associée à la laïcité depuis ses origines, avant même la loi de 1905. L’école fut le lieu de ces deux drames et elle est aussi un endroit où se noue le combat des opposants à la laïcité et celui de conceptions diverses de la laïcité.


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Longtemps, la laïcité fut une évidence et ne faisait plus débat, au point sans doute de devenir une valeur un peu vide, paradoxalement même, un catéchisme répété. Elle est redevenue centrale dans notre société à la faveur de la montée de l’islamisme radical qui entend faire prévaloir la loi de Dieu sur celle des hommes. Pour s’y opposer s’est affirmée une « laïcité de combat » là où la laïcité du début du XXème siècle se voulait de concorde sociale assurant à chacun la liberté de conscience.

Le raidissement s’est opéré autour d’un vêtement féminin, le foulard. Cette « laïcité de combat » est née à gauche ; elle a été défendue par les militants de la « République sociale et laïque » et par une partie des féministes. Elle a été portée par un mouvement comme le Printemps républicain1. Elle s’est installée dans les institutions avec des ministres comme Jean-Michel Blanquer qui, pendant cinq ans, a voulu la faire triompher. Du coup, paradoxe suprême : la laïcité est devenue un cheval de Troie pour Marine le Pen. Ainsi, on a pu lire Élisabeth Badinter, philosophe et féministe, déclarer au Monde qu’« en dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité. Au sein de la gauche, le combat a été complètement abandonné, si ce n’est par Manuel Valls ».

Paradoxe suprême : la laïcité est devenue un cheval de Troie pour Marine le Pen.

On est arrivé au point qu’une part des Français la considère comme une arme de guerre contre une religion, l’islam. Le combat pour la laïcité serait-il une forme de la guerre des civilisations chère au néo-conservateur américain Samuel Huntington ? La laïcité deviendrait-elle une version soft de la théorie du grand remplacement ? On est très loin de l’idée défendue par ses promoteurs d’origine – Aristide Briand et Jean Jaurès – qui la voulait pacificatrice et refusèrent alors une « victoire excessive, entière » contre le clergé catholique. Sous les assauts de cette conception « de combat », la laïcité devient un profond facteur de division, de légitimation du racisme et au total de repli identitaire. Elle fait l’objet d’un rejet par un part significative des jeunes, pas seulement musulmans. 

Les termes du débat à gauche ne permettent pas de faire face à cette défiance. La gauche semble comme enfermée par cette polarisation qu’elle a, il faut bien le reconnaître, contribué à installer. Dans une récente note de blog sur Mediapart, Jean Bauberot, l’historien des religions affirmait : « Il faut se battre contre ce qu’on nomme ‘l’islamisme radical’. Nulle complaisance à avoir. Mais il faut se battre beaucoup plus efficacement qu’on ne le fait avec l’instrumentalisation actuelle de la laïcité ». Avec lui, nous affirmons aberrant devoir choisir entre opposition ferme à « l’islamisme radical » sa menace pour la démocratie et la vie commune et combat contre l’islamophobie. Le débat doit être mené parmi les féministes.

Et il n’est pas acceptable que les noms d’oiseaux continuent de fuser. On est au point où les divergences de vue prennent des allures de guerre de religions. On accuse les uns de complaisance face du fascisme et les autres de racistes colonisateurs. De cela aussi la gauche peut mourir.

Ces débats dépassent de très loin le cadre de l’école.

  1. On lira avec intérêt Les derniers jours du Parti socialiste d’Aurélien Bellanger, retraçant la genèse et les effets du Printemps républicain, renommé pour l’occasion « mouvement du 9 décembre ». Retrouvez la chronique d’Arnaud Viviant sur ce livre de la rentrée littéraire. ↩︎

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2 commentaires

  1. Lucien Matron le 16 octobre 2024 à 04:29

    La laïcité, telle qu’elle existe dans la loi est une loi de respect de la liberté individuelle de croire ou de na pas croire. Chaque être humain, vivant en France, peut croire et pratiquer sa religion dans les lieux de culte de son choix. Il est également libre de ne croire en aucune religion sans être stigmatisé par les croyants de toute religion. Afin de garantir cette liberté individuelle, la loi de la République oblige à la séparation des Églises et de l’Etat ce qui signifie que dans la sphère publique, établissements publics entreprises publiques, établissements scolaires et universitaires, hôpitaux publics, casernes, commissariats, mairies et collectivités territoriales le port de signes ostentatoires d’une quelconque religion ou la manifestation d’une quelconque religion est interdite ( vêtements, affiches, crèches, etc..).
    Autrement dit la loi protège et ne condamne aucune religion.
    Le combat d’idées contre les religions est d’une autre nature et ne relève pas de cette loi. La liberté d’expression permet la critique de toute religion ou de non-croyance , pouvant aller jusqu’à la caricature. Ces cadres législatifs français bien établis devraient être la base de tout discours et de tout comportement pour vivre ensemble.

    • Leroy le 16 octobre 2024 à 22:50

      Bonjour.
      pour une plus grande clarté il faudrait dire que ce port de signes ostentatoires, etc est proscrit pour les agents de l’état. Tel que formulé on pourrait croire que cela touche le public de ces lieux, ce qui n’est évidemment pas le cas, au moins dans la loi même si certains réactionnaires aimeraient que cela le fut spécifiquement d’ailleurs pour les musulmanes.
      Cordialement,
      PhL

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