Combattre l’antisémitisme avec efficacité

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La newsletter du 16 décembre 📨

par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien

Assimiler les juifs à des génocidaires, ou l’antisémitisme à la défense des droits des Palestiniens, ne mène qu’à l’impasse. Les amalgames ne répondent à aucune urgence, sinon celle de l’aveuglement.

L’attentat meurtrier antisémite survenu en Australie oblige à regarder une réalité en face : l’antisémitisme tue. Et il tue sur un continent que l’on imaginait éloigné de nos tragédies historiques. L’antisémitisme aussi est devenu un phénomène mondialisé.

Née en Europe, cette invention criminelle a été patiemment construite, théorisée, appliquée. Des ghettos médiévaux aux pogroms, des fantasmes religieux aux constructions pseudo-scientifiques, jusqu’à son paroxysme nazi, l’Europe a produit « le Juif » comme altérité radicale. Cet imaginaire, elle l’a exporté. La tuerie en Australie n’est pas une bizarrerie géographique : elle est l’indice d’une diffusion planétaire.

Pour les juifs de France, cet attentat résonne fortement. D’abord parce qu’un jeune Français, Dan Elkayam, a été tué. Mais aussi parce qu’il n’est pas un fait divers lointain, mais une scène que l’on peut mentalement déplacer, sans effort, sur le sol français. Il y a cette angoisse sourde : nulle part, désormais, les juifs ne sont à l’abri. L’antisémitisme est porté par des dynamiques idéologiques, religieuses ou complotistes qui circulent à l’échelle du monde. La possibilité de la violence apparaît partout, toujours.

Il existe un antisémitisme ancien, enkysté dans les sociétés, parfois qualifié « d’atmosphère ». Il charrie des stéréotypes racistes, des soupçons permanents, des poncifs hérités de siècles d’histoire. Il s’infiltre dans les habitudes, dans les mots, dans certains réflexes politiques, parfois même dans des combats qui se pensent émancipateurs. Il ne tue pas directement, mais il façonne un climat.

Et il existe un autre registre, celui qui fait du Juif le mal radical à éradiquer. Cet antisémitisme désigne une cible et peut conduire à la violence meurtrière. L’archaïque antisémitisme se déconstruit à force d’éducation et de mobilisation de la société militante. En revanche, la lutte contre le terrorisme islamiste qui, de plus en plus souvent, épouse le discours antisémite doit mobiliser les moyens des États : police, renseignements, législations.

Le premier ministre israélien et de nombreuses voix intellectuelles tracent un lien entre l’attentat terroriste de Sydney et les luttes pro-palestiniennes de notre époque. C’est un grave contre-sens historique. Comme si la volonté palestinienne de disposer d’un État ne découlait pas du fait que les Palestinien se voient refuser, depuis 1948, l’État que proposait la bipartition décidée par l’ONU.

Il est vrai que l’impossibilité de se sortir de la crise pousse parfois à revenir sur l’idée même de la bipartition et va jusqu’à proposer l’idée d’un État binational. Le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » exprime ce désir et n’a en soi rien de condamnable mais il peut nourrir une autre idée qui est celle de l’illégitimité même de l’existence de l’État d’Israël. Ce n’est pas acceptable. On a le droit de penser que cette création, dans les conditions où elle a eu lieu, s’est accompagnée de violences. Ça ne fait pas de ceux qui le disent des antisémites. Ils ont néanmoins à charge de dire que le peuple juif existe dans sa diversité, qu’il a droit a un État avec des institutions démocratiques et non racistes. À défaut, ils participent d’une négation du peuple juif, de son histoire et de ses droits. Ils contribuent à ce qui dégénère en antisémitisme actif, violent.

La lutte contre l’antisémitisme est une nécessité brûlante. Si elle mélange tous les débats dans un même grand chaudron, elle ratera ses objectifs et restera d’une inefficacité criminelle.

Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien

🔴 DÉSESPÉRANCE DU JOUR

Breaking news : les riches vivent plus longtemps que les pauvres

L’Insee vient de sortir une étude sur l’écart d’espérance de vie entre les personnes modestes et aisées, et le constat est tant sans surprise qu’accablant : « Plus on est aisé, plus l’espérance de vie est élevée. Sur la période 2020-2024, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5% les plus modestes et les 5% les plus aisés est de 9 ans chez les femmes et de 13 ans chez les hommes. » Ces chiffres ne sont pas magiques. Les riches vivent plus longtemps car ils sont « moins soumis aux risques professionnels », alors que« les difficultés financières peuvent limiter l’accès aux soins ». Et ça ne va pas s’arranger par magie non plus : l’Insee précise que « l’écart d’espérance de vie entre les personnes modestes et aisées s’accroît ». On applaudit des deux mains l’œuvre macroniste qui a promis le ruissellement et expliqué qu’il faut travailler plus longtemps puisque la population vieillit. « À 50 ans, le risque de décès dans l’année des hommes est 7 fois plus élevé chez les plus modestes que chez les plus aisés ». Combien d’ouvriers à l’Assemblée ? Sept. Combien de millionnaires au gouvernement ? Au moins onze… CQFD.

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE…

« La bataille du Chili », sur Arte. Un grand classique du documentaire qui nous fait revivre l’année 1973 et la chute du président Allende. Alors que les Chiliens viennent d’élire un nostalgique de Pinochet à la tête du pays…

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1 commentaire

  1. Grosset le 16 décembre 2025 à 14:31

    Commentaire sur « La newsletter du 16 décembre » : Dans votre lettre du 16/12 vous parlez à deux reprises du « peuple juif ». Hier soir (15/12) sur « le rendez-vous HCO » j’ai écouté l’intervention de Monique Chemillier-Gendreau qui a dit que parler du « peuple juif » n’avait aucun sens. Selon elle, le terme « juif » à a voir avec une religion: on ne parle pas de peuple catholique, de peuple chrétien, etc…d’autant que parmi les adeptes de la religion juive certains sont très religieux et d’autres seulement attachés à des fêtes traditionnelles sans faire référence à un dieu. Qu’en pensez-vous ?

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