LA LETTRE DU 17 DÉCEMBRE
Non-censure : bonne ou mauvaise idée ?
par Roger Martelli
Face à une crise politique aiguë, faut-il promouvoir l’idée d’un deal entre exécutif et Assemblée : pas de 49.3 et pas de censure ? La question enflamme les débats, notamment à gauche. Est-ce l’essentiel ?
Au lendemain de la censure du gouvernement Barnier, quand la gauche réitérait sa proposition de gouvernement constitué autour du NFP, les Écologistes et le PS accompagnaient la demande d’une suggestion : que le NFP s’engage à ne pas recourir au sulfureux article 49.3 en échange d’un accord de non-censure par les autres forces du « socle commun » de l’Assemblée. C’était une manière habile d’écarter à court terme une coalition instantanée des droites contre le gouvernement.
Or, très vite, cette proposition est passée de conjoncturelle à générale, non limitée dans le temps et valable quelle que soit la configuration de l’exécutif. Le deal a pris la forme d’une méthode de gouvernement. L’objectif affirmé ? Atténuer les effets de la crise politique renforcée par les élections législatives de juin-juillet dernier ; revaloriser l’initiative parlementaire.
Comme on pouvait s’y attendre, la proposition de compromis a très vite suscité des critiques. La non-censure protège en effet l’exécutif de la pression permanente des tractations parlementaires. Mais ne pas recourir à la censure ôte à la représentation parlementaire le droit de s’opposer à la globalité d’une politique qui ne se réduit pas aux textes pris les uns après les autres. Le recours au 49.3 est légitimement contesté par la gauche. Mais il est constitutionnel et, dans l’univers des institutions telles qu’elles sont, il fonctionne comme une solution ultime pour éviter le blocage, par exemple quand il faut adopter un budget.
Le débat actuel sur la pratique institutionnelle confond la conjoncture et le long terme, la recherche de solutions immédiates et la discussion sur les nécessaires refontes institutionnelles. Il enferme le débat politique dans une controverse juridique et donc politiquement pipée.
Car le fond du problème est politique. En admettant que fonctionne le compromis évoqué, il pourrait conduire l’exécutif à ne mettre en avant que des mesures reposant sur le moins-disant. On éviterait alors le ballet des crises gouvernementales, mais au prix de l’immobilisme, donc au risque d’un ressentiment croissant dans la population elle-même.
Plutôt que de s’enfermer dans les fausses solutions juridiques et si deal il y a, il doit porter sur l’essentiel : consulter le peuple souverain, par des élections anticipées. Cela s’organise. Le délai doit être collectivement maîtrisé et connu : pas trop rapproché (pour laisser le temps au débat citoyen de fond et pour ne pas le conditionner à une démission inopinée), mais pas trop lointain (pour ne pas laisser la situation s’enliser, avec les risques démocratiques que cela implique).
Roger Martelli
DRAMA QUEEN DU JOUR
François Bayrou nous fait le coup de la reine d’Angleterre
Si vous avez vu la série « The Crown », vous connaissez la scène. Octobre 1966, un glissement de terrain au Pays de Galles ravage le village d’Aberfan et provoque la mort de 144 personnes, dont 116 enfants. La reine Élisabeth met huit jours pour s’y rendre, sous pression du gouvernement. Un scandale que la monarque regrettera toute sa vie durant. 58 ans plus tard, François Bayrou, tout juste nommé premier ministre, fait face à sa première catastrophe à la tête de l’État : le cyclone Chido à Mayotte. Des centaines de morts sont à déplorer – on en attend des milliers. Et que fait le chef du gouvernement ? Il prend le jet présidentiel pour se rendre… à Pau, afin de présider un conseil municipal où il relance le débat sur le cumul des mandats. God save François !
L.L.C.
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