LA LETTRE DE REGARDS ET POLITIS DU 28 FÉVRIER

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Affaire Bayou : un classement sans suite qui bouscule

par Catherine Tricot

La décision de justice dans l’affaire qui opposait Julien Bayou, ex-secrétaire national d’EELV, à son ancienne compagne, Anaïs Leleux, oblige à approfondir les réflexions féministes.

Cette semaine marque la fin d’un long et pénible moment qui a opposé Julien Bayou et son ancienne compagne Anaïs Leleux. Celle-ci l’accusait devant les tribunaux de harcèlement moral. La justice vient de classer l’affaire pour absence d’infraction et non, comme c’est souvent le cas, pour faute de preuve. Julien Bayou a quitté EELV, a perdu toute fonction politique et élective et a vu son nom associé à de graves délits sexistes. Les Écologistes avaient confié à un cabinet spécialiste des violences faites aux femmes le soin de mener une enquête interne, close en octobre dernier sans qu’aucun délit ou manquement aux textes internes n’aient été trouvées. Le parti, dont Julien Bayou était le secrétaire national, est mis en cause dans cette gestion. 

Cette affaire provoque de très nombreuses réflexions. La première porte sur la justice non comme valeur mais comme institution. Elle est souvent débattue parmi les militants engagés pour la cause des femmes. Cette institution doit devenir un recours accessible et efficace pour toutes les personnes victimes de violences sexuelles. La formation des policiers et des magistrats en est une condition. Les moyens aussi.

La justice doit fonctionner selon des lois et des principes. On ne peut être condamné qu’au terme d’une intime conviction des juges et des jurés basée sur des preuves ou un faisceau de preuves. Le slogan bienveillant qui a permis la parole et l’écoute, « Je te crois », relève d’une exigence vis-à-vis de la société. Il ne peut être la base d’un jugement.

L’autre principe qu’il faut rappeler ici est la peine individualisée. Chaque personne accusée doit être jugée pour ses propres actes, non en fonction d’un groupe. Et selon son histoire. C’est avec tristesse que l’on a pu voir revendiqué « 20 ans pour tous » visant les accusés du procès de monsieur Pelicot.

Enfin la justice croit en l’amendement. Les condamnés doivent pouvoir bénéficier de libération anticipée et conditionnée. Le délai de prescription qui clôt un dossier est un droit ouvert à refaire sa vie et à changer. Et cela vaut même pour les agresseurs et les violeurs. La prescription ne peut être remise en cause même si, bien sûr, ses délais doivent s’évaluer, en particulier pour permettre aux enfants victimes devenus adultes de porter plainte. Cela ne signifie pas qu’au-delà de ce délai de prescription plus rien ne doit être fait. Ainsi la commission Sauvé a reconnu les crimes sexuels commis par des prêtres et des laïcs en remontant jusqu’aux années 50. Les victimes doivent pouvoir être entendues et leur douleur reconnue voire indemnisée.

Les mouvements pour l’émancipation doivent s’imprégner de ces exigences construites et obtenues de hautes luttes. Evelyne Sire-Marin, magistrate et vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme, y revient dans cette vidéo.

La deuxième grande question porte sur la gestion de ces crimes et délits au sein des partis. Il serait hautement problématique que des mouvements se revendiquant du féminisme ne se donnent pas des règles et des principes, au-delà même de l’action de l’institution judiciaire. Ils peuvent se poser des principes « supérieurs » à ceux de la justice mais ils ne peuvent être en deçà des principes rappelés ci-dessus, auxquels s’ajoutent quelques autres comme le contradictoire, le droit à une défense, la présomption d’innocence, la possibilité de recours après une décision etc. L’autre précaution essentielle est de détacher ces instances des enjeux internes aux organisations, notamment de pouvoir. La suspicion de sévérité à deux vitesses, d’instrumentalisation à des fins de gestion interne du pouvoir est délétère : le passé récent nous montre qu’elle n’est pas sans fondement. Des réflexions sont conduites sur la bonne réponse, notamment au sein des différentes composantes du NFP : instance interne à chaque parti ou transpartisane ? Mixte ou non mixte ? Avec l’appui d’organismes spécialisés ? Nous rendons compte ici d’un ouvrage récent qui aborde ce sujet. Au-delà de ces instances, croyons en l’importance des collectifs humains, de la sororité pour s’épauler et faire face. Mais il est temps que cette question des violences sexistes et sexuelles en politique déborde des cercles féministes , à qui on reproche tantôt de dénoncer trop facilement, tantôt de ne pas avoir assez alerté.

Enfin, nous voulons souligner qu’en matière de relations interpersonnelles, tout ne saurait relever de la justice. Cela ne serait ni réaliste, ni souhaitable. Nous ne parlons pas ici des faits susceptibles d’être condamnés en justice comme le viol, les agressions et le harcèlement sexuels. Il n’est pas souhaitable que s’installe une justice des mœurs. En revanche, une réflexion collective et personnelle sur la manière dont la domination masculine s’inscrit dans les rapports, notamment femmes/hommes, est indispensable. Il faut se défaire de l’idée que les hommes de plus de 50 ans, les députés, les « chefs » en général sont naturellement attirants, notamment auprès des jeunes femmes et des jeunes hommes. Non. Leur force de séduction est avant tout liée à leurs privilèges de pouvoir. Chacun sait que les femmes et les jeunes ont moins accès au pouvoir. Dans ces relations s’expriment un désir d’accéder au pouvoir, même par procuration. On peut personnellement refuser d’en user. On peut collectivement faire reculer cette histoire séculaire en favorisant la place des femmes, des jeunes notamment, par la rotation dans les fonctions. 

Catherine Tricot

Violences sexistes et sexuelles : encore un effort, la gauche  !

par Lucas Sarafian

Au moins dans les programmes, le PS, le PCF, LFI et les Écologistes ont bien entamé leur marche féministe. Mais d’importants progrès restent à faire dans le domaine des violences sexistes et sexuelles.

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Quand la justice anticarcérale transforme les violences sexistes

par Salomé Dionisi

À rebours des réactions hâtives à « l’affaire Bayou », la militante féministe Elsa Deck Marsault dresse le portrait fouillé d’une justice inventive qui prend en charge les victimes comme les auteurs de violences : la justice transformative.

Un article à lire juste 👉 ici

« Il y a un conflit entre un féminisme civique et un féminisme de l’intime »

Alors que la plainte contre l’ancien secrétaire national d’EELV Julien Bayou a été classée sans suite pour absence d’infraction dans une affaire qui l’opposait à son ancienne compagne Anaïs Leleux, la magistrate et vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme Evelyne Sire-Marin, est l’invitée de #LaMidinale.

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